Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... C..., agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur E... F... A..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Abidjan (Côte d'Ivoire) du 8 mars 2019 rejetant la demande de visa de long séjour présentée pour M. E... F... A... en qualité de membre de famille de bénéficiaire de la protection subsidiaire.
Par un jugement n° 1912158 du 6 novembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 31 décembre 2020, 9 juillet 2021 et 15 juillet 2021, Mme D... C... et M. E... F... A..., représentés par Me Pepin, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 novembre 2020 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Abidjan (Côte d'Ivoire) du 8 mars 2019 rejetant la demande de visa de long séjour présentée pour M. E... F... A... en qualité de membre de famille de bénéficiaire de la protection subsidiaire ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité, dans le délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que la décision contestée est entachée d'erreur d'appréciation, le lien de filiation étant établi par les actes d'état civil produits, qui sont authentiques, et par la possession d'état.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme C... et M. A... n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Frank, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... C... est une ressortissante ivoirienne née le 31 mars 1976. Elle s'est vu reconnaître le bénéfice de la protection subsidiaire le 2 mai 2016. Le 11 juillet 2017, M. E... F... A..., son fils allégué né le 19 juillet 2002, a sollicité la délivrance d'un visa de long séjour en qualité de membre de famille de bénéficiaire de la protection subsidiaire. Par décision du 8 mars 2019, l'autorité consulaire française à Abidjan (Côte d'Ivoire) a rejeté sa demande. Par un jugement du 6 novembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme C... tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision consulaire. Mme C... et M. A... relèvent appel de ce jugement.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger (...) qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. / (...) L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. / II. - Les articles L. 411-2 à L. 411-4 (...) sont applicables. / (...) / Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. (...) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code alors en vigueur : " Le regroupement familial peut également être sollicité pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint dont, au jour de la demande, la filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ou dont l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux. " Aux termes de l'article L. 411-3 du même code, alors en vigueur : " Le regroupement familial peut être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint, qui sont confiés, selon le cas, à l'un ou l'autre, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, en vertu d'une décision d'une juridiction étrangère. Une copie de cette décision devra être produite ainsi que l'autorisation de l'autre parent de laisser le mineur venir en France. ". La circonstance qu'une demande de visa de long séjour ait pour objet le rapprochement familial d'un conjoint ou des enfants d'une personne bénéficiaire de la protection subsidiaire ne fait pas obstacle à ce que l'autorité administrative refuse la délivrance du visa sollicité en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur un motif d'ordre public. Figure au nombre de ces motifs le défaut de valeur probante des documents destinés à établir la réalité du lien matrimonial entre les époux ou du lien de filiation produits à l'appui des demandes de visa.
3. D'autre part, l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, prévoit par ailleurs, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
4. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser le visa sollicité, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le motif tiré de ce que l'identité du demandeur de visa, et partant son lien familial à l'égard de Mme C..., n'étaient pas établis.
5. A l'appui de la demande de visa présentée pour M. E... F... A..., a été produite une copie intégrale d'un acte de naissance dressé le 22 juillet 2002 par le centre secondaire d'état civil de Laoudi-Ba, faisant état de la naissance de l'enfant " Kouassi Ivan-Ulrich " né le " 19 juillet 2002 " à " Louadi-Ba " de l'union de Mme D... C... et de M. A... E... B.... Pour remettre en cause le caractère probant de cet acte, le ministre de l'intérieur relève que Mme C... a déclaré devant l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) être la mère de l'enfant " A... Kouassi Ulriche " né le " 9 juin 2002 " à " Abidjan ". Toutefois, ces seules indications erronées de Mme C... ne suffisent pas à remettre en cause le lien de filiation allégué, dès lors que, notamment, l'acte de naissance du 22 juillet 2002 n'a pas été établi sur les déclarations de Mme C..., mais sur celles du père de l'enfant. Par ailleurs les autres mentions de ce document sont conformes aux différentes déclarations faites par l'intéressée devant l'OFPRA. La circonstance que l'acte de naissance n'aurait pas été signé par le déclarant en méconnaissance des articles 29 et 43 de la loi du 2 août 1983 relative à l'état civil ivoirien, et alors que l'administration ne précise pas quelles autres règles auraient été méconnues en l'espèce, n'est pas de nature, à elle seule, à démontrer que le document produit serait irrégulier, falsifié, ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondraient pas à la réalité. Dès lors, c'est par une inexacte application des dispositions précitées que la commission a rejeté la demande de visa litigieuse au motif que l'identité de l'intéressé et son lien familial allégué avec Mme C... n'étaient pas établis.
6. Il résulte de ce qui précède, que Mme C... et M. A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à M. E... F... A.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer un tel visa dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme globale de 1 200 euros à Mme C... et à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 6 novembre 2020 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visa d'entrée et de long séjour en France présentée pour M. A... est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. A... un visa d'entrée et de long séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Mme C... et à M. A... une somme globale de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C..., à M. E... F... A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- Mme Buffet, présidente-assesseure,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er février 2022.
Le rapporteur,
A. FRANKLe président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
No 20NT04125