Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... et M. A... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 23 juin 2015 par laquelle la commission des recours en matière de contrôle des structures des exploitations agricoles de la région des Pays de la Loire a rejeté leur recours contre la décision de la préfète de la Sarthe du 27 novembre 2014 leur infligeant une sanction pécuniaire de 900 euros par hectare exploité sans autorisation, situés sur les communes de Champfleur, Chérisay et Béthon (Sarthe), d'une surface totale de 48,18 hectares.
Par un jugement nos 1506888, 1506890 du 21 avril 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.
Par un arrêt n° 17NT01860 du 24 mai 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté le recours présenté par MM. Laurent et Xavier C... à l'encontre de ce jugement.
Par une décision n° 432801 du 2 juillet 2021, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt du 24 mai 2019 et renvoyé devant la cour l'affaire, qui porte désormais le n° 21NT01786.
Procédure devant la cour après cassation :
Par des mémoires, enregistrés les 4 août et 29 novembre 2021, M. B... C... et M. A... C..., représentés par Me Breton, demandent à la cour :
1°) d'annuler les sanctions administratives prises par la commission de recours de la région Pays de la Loire le 23 juin 2015 à leur encontre ;
2°) de mettre à la charge de l'État le paiement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- compte tenu de la modification des statuts de l'EARL, à la date de la commission de recours, réunie le 13 avril 2015, M. A... C... n'était plus associé de l'EARL et exploitait à titre individuel une superficie inférieure au seuil de déclenchement du contrôle des structures agricoles ; sa situation était ainsi régularisée ;
- M. B... C... a cessé d'exploiter des terres à titre individuel et n'exploite plus que les terres de l'EARL ;
- la commission de recours a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte des régularisations opérées ; à la date de sa décision, la situation des requérants avait été régularisée, de sorte que la sanction n'est pas justifiée.
Par un mémoire enregistré le 26 novembre 2021, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation déclare s'en rapporter à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Brisson,
- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,
- et les observations de Me Breton, représentant MM. C....
Considérant ce qui suit :
1. MM. Xavier et Laurent C... mettaient en valeur, au sein de l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) Lauxa dont ils étaient les deux associés, un ensemble de terres à Béthon (Sarthe). A la suite du refus du préfet de la Sarthe d'autoriser un agrandissement de cette exploitation portant sur environ 92 hectares de terres,
MM. Xavier et Laurent C... ont décidé d'exploiter chacun, à titre individuel, et sans solliciter d'autorisation d'exploitation, une partie de cette surface supplémentaire. Par deux décisions du 18 juin 2014, le préfet, estimant que ces deux exploitations excédaient, chacune, le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures agricoles, a mis en demeure MM. Xavier et Laurent C... de régulariser leur situation en déposant, chacun, une demande d'autorisation d'exploiter dans un délai d'un mois puis, faute de régularisation, a prononcé contre chacun d'eux, par deux décisions du 27 novembre 2014, une sanction pécuniaire au taux de 900 euros par hectare exploité sans autorisation. Sur recours des intéressés, ces sanctions ont été confirmées le 23 juin 2015 par la commission des recours en matière de contrôle des structures des exploitations agricoles des Pays de la Loire.
Par un arrêt du 24 mai 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté leur appel formé contre le jugement du 21 avril 2017 du tribunal administratif de Nantes en tant que, saisi de demandes d'annulation de ces deux sanctions, le tribunal s'est limité à en réduire le montant à hauteur de 800 euros par hectare. Par sa décision du 2 juillet 2021, le Conseil d'État a annulé cet arrêt et renvoyé devant la cour l'affaire, qui porte désormais le
n° 21NT01786.
2. Aux termes de l'article L 331-2 du code rural et de la pêche maritime: " I.- Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : / 1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. (....) ". Aux termes de l'article L. 331-7 du même code: " Lorsqu'elle constate qu'un fonds est exploité contrairement aux dispositions du présent chapitre, l'autorité administrative met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine et qui ne saurait être inférieur à un mois (...) Si, à l'expiration du délai imparti pour cesser l'exploitation des terres concernées, l'autorité administrative constate que l'exploitation se poursuit dans des conditions irrégulières, elle peut prononcer à l'encontre de l'intéressé une sanction pécuniaire d'un montant compris entre 304,90 et 914,70 euros par hectare (...) ". L'article L. 331-8 dudit code dispose que : " La décision prononçant la sanction pécuniaire mentionnée à l'article L. 331-7 est notifiée à l'exploitant concerné, qui peut la contester, avant tout recours contentieux, dans le mois de sa réception, devant une commission des recours (...). La commission, qui statue par décision motivée, peut soit confirmer la sanction, soit décider qu'en raison d'éléments tirés de la situation de la personne concernée il y a lieu de ramener la pénalité prononcée à un montant qu'elle détermine dans les limites fixées à l'article L. 331-7, soit décider qu'en l'absence de violation établie des dispositions du présent chapitre il n'y a pas lieu à sanction (...). La décision de la commission peut faire l'objet, de la part de l'autorité administrative ou de l'intéressé, d'un recours de pleine juridiction devant le tribunal administratif. ". En application de l'article 2-2 du schéma départemental des structures agricoles de la Sarthe du 19 juin 2006, le seuil visé au 1° de l'article L. 331-2 du code rural est fixé à 70 hectares.
3. En premier lieu, la commission des recours, dans les décisions contestées, expose les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde pour confirmer les sanctions pécuniaires prononcées à l'encontre de MM. Xavier et Laurent C.... La circonstance qu'elle ne se prononce pas sur les demandes de sursis à statuer des intéressés, qui excédent sa compétence, et qu'elle ne mentionne pas l'ensemble des arguments avancés par le conseil des requérants lors de la séance du 3 avril 2015 est sans incidence sur la régularité formelle de ses décisions qui sont, par suite, suffisamment motivées.
4. En deuxième lieu, le délai de six mois prévu par les dispositions rappelées ci-dessus pour que la commission des recours notifie sa décision n'est pas imparti à peine d'irrégularité. Le moyen tiré de sa méconnaissance est donc inopérant.
5. En troisième lieu, MM. Xavier et Laurent C... soutiennent que le principe du contradictoire n'a pas été respecté. Il résulte toutefois de l'instruction que les intéressés ont été invités à produire des observations écrites par une lettre du 16 janvier 2015 du président de la commission des recours et que leur conseil a présenté des observations orales devant cette commission. Dans ces circonstances, le moyen doit être écarté.
6. En quatrième lieu, par son arrêt n° 17NT01850 du 24 mai 2019, devenu définitif, la cour a confirmé la légalité des décisions prises par le préfet de la Sarthe le 22 juillet 2014 mettant en demeure MM. C... de régulariser leur situation au regard de la législation sur le contrôle des structures et leur enjoignant de cesser l'exploitation des parcelles litigieuses. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les sanctions pécuniaires contestées seraient privées de base légale en raison de l'illégalité des décisions qui les fondent.
7. En cinquième lieu, il résulte des dispositions citées au point 2 que le recours organisé devant la commission prévue à l'article L. 331-8 du code rural et de la pêche maritime contre la sanction prononcée par l'autorité préfectorale sur le fondement de l'article L. 331-7 du même code constitue un préalable obligatoire à tout recours contentieux. La décision prise par la commission sur ce recours préalable se substitue à la sanction prononcée par le préfet. Il s'ensuit qu'il appartient à la commission, si elle confirme la sanction, d'en fixer le montant en proportion des manquements commis et compte tenu de l'ensemble du comportement de la personne sanctionnée tel qu'il peut être appréhendé à la date à laquelle elle statue.
8. Il résulte de l'instruction que, postérieurement aux décisions prises par le préfet le
27 novembre 2014, les statuts de l'EARL Lauxa ont été modifiés le 13 avril 2015 afin notamment de tenir compte du départ de M. A... C... de cette entreprise. En outre, M. B... C... a, aux termes de son courrier du 27 avril 2015, notifié à la chambre d'agriculture de la Sarthe qu'il cessait d'exploiter à titre individuel une superficie de 35,41 ha et qu'il ne conservait que la qualité d'associé de l'EARL Lauxa. Par ailleurs, le 5 juin 2015, M. B... C... a cédé à M. A... C... le droit d'exploiter les terres prises à bail auprès des propriétaires à concurrence d'une part, de 19,77 ha et d'autre part, de 1,69 ha, de sorte que M. A... C... exploite désormais à titre individuel, outre les 48,18 ha dont il disposait antérieurement, une surface supplémentaire de 21,46 ha, soit une superficie totale de moins de 70 ha.
9. Ainsi, alors que le préfet de la Sarthe avait mis en demeure les intéressés le 18 juin 2014 de régulariser leur situation en déposant une demande d'autorisation d'exploiter puis, le 22 juillet suivant, de cesser leur exploitation dans le délai d'un mois à peine d'une sanction de 900 euros par hectare, la situation de MM C... n'a été régularisée que le 5 juin 2015, date de la dernière des formalités accomplies par les intéressés.
10. Dans ces conditions, c'est à tort que la commission des recours, dont les décisions se
sont substituées aux arrêtés préfectoraux du 27 novembre 2014, a omis, lorsqu'elle s'est prononcée le 23 juin 2015, de prendre en considération ces éléments qui avaient été portés à la connaissance de l'administration.
11. Cependant, les manquements à la réglementation en matière des structures agricoles
se sont poursuivis de la date d'expiration du délai imparti d'un mois suivant la notification des mises en demeure du 22 juillet 2014 adressées en recommandé avec accusé de réception pour cesser l'exploitation des terres en litige, jusqu'à la date de modification des conditions juridiques d'exploitation de MM. C..., soit le 5 juin 2015. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que la commission des recours a infligé à
MM. C... une sanction pécuniaire. Compte tenu de la durée pendant laquelle la réglementation des structures agricoles n'a pas été respectée par les intéressés en dépit des mises en demeure qui leur avaient été adressées par l'administration, de l'ampleur des surfaces agricoles concernées et de la régularisation de leur situation intervenue en juin 2015, il y a lieu de ramener à 400 euros par hectare exploité sans autorisation le montant de la sanction pécuniaire.
12. Il résulte de tout ce qui précède que MM. Xavier et Laurent C... sont seulement
fondés à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas réduit à
400 euros par hectare le montant des sanctions prononcées à leur encontre.
Sur les frais liés au litige :
13. Dans les circonstances de l'espèce et en application des dispositions de l'article
L.761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'État, partie perdante à l'instance, la somme globale de 1 500 euros qui sera versée à MM C... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Les sanctions pécuniaires infligées à M. B... C... et à M. A... C... sont ramenées à 400 euros par hectare illégalement exploité.
Article 2 : Le jugement nos 50688, 1506890 du 21 avril 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à MM. C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à M. A... C... et au ministre de l'agriculture.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 20 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. L'Hirondel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2022.
La rapporteure,
C. BRISSON
Le président,
D. SALVI
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT01786