Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 12 juillet 2019 des autorités consulaires françaises à Bangui (République centrafricaine) refusant de délivrer à l'enfant Ronice A... un visa d'entrée et de long séjour en qualité de membre de famille de réfugié.
Par un jugement n° 2000240 du 19 juin 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 et 28 juillet 2020, M. A..., représenté par Me Ormillien, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A... soutient que :
- le lien de filiation est établi par les actes d'état civil produits qui sont authentiques et par la possession d'état ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 août 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête n'est pas recevable ;
- il n'est pas justifié que Mme D... B..., mère alléguée de Ronice A... ait donné son accord pour le déplacement de son enfant en France ;
- les autres moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Buffet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 19 juin 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 12 juillet 2019 des autorités consulaires françaises à Bangui (République centrafricaine) refusant de délivrer à l'enfant Ronice A... un visa d'entrée et de long séjour en qualité de membre de famille de réfugié. M. A... relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " I.- Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. (...) II. - Les articles L. 411-2 à L. 411-4 et le premier alinéa de l'article L. 411-7 sont applicables. (...) / Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. (...). ". Aux termes de l'article L. 411-2 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le regroupement familial peut également être sollicité pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint dont, au jour de la demande, la filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ou dont l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux. ". Aux termes de l'article L. 411-3 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le regroupement familial peut être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint, qui sont confiés, selon le cas, à l'un ou l'autre, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, en vertu d'une décision d'une juridiction étrangère. Une copie de cette décision devra être produite ainsi que l'autorisation de l'autre parent de laisser le mineur venir en France. ".
3. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le document produit aurait un caractère frauduleux.
4. M. A..., ressortissant centrafricain né le 14 juillet 1993, est entré en France le 13 juillet 2013. Par une décision du 22 juillet 2014, l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) lui a accordé le statut de réfugié. Pour justifier du lien de filiation avec Ronice A..., née le 26 mai 2006 en République démocratique du Congo, il produit un jugement supplétif d'acte de naissance du 8 mai 2017 et l'acte de naissance issu de sa transcription établi le 2 juin suivant, qui précisent que cette enfant est née de l'union de M. C... A... et de Mme D... B.... Si le ministre relève que ce jugement a été rendu " à la requête de M. A... " alors que celui-ci résidait alors en France en qualité de réfugié statutaire, cette seule mention ne suffit pas à établir son caractère frauduleux, M. A... soutenant, en outre, sans être contesté, qu'il était représenté par son conseil. Dans ces conditions, le lien de filiation entre M. A... et Ronice A... doit être tenu pour établi par ce jugement. Par suite, le ministre de l'intérieur ne peut utilement soutenir que l'acte de naissance dressé le 2 juin 2017 et transcrivant ce jugement supplétif serait entaché d'anomalies remettant en cause sa valeur probante, en ce que compte tenu du découpage administratif de la ville de Bangui, cet acte ne pouvait être délivré par le centre d'état-civil principal de Bangui 7ème arrondissement de la préfecture de L'Ombella-M'Poko et en ce qu'il ne mentionne pas le registre au sein duquel la transcription de l'acte a été inscrite, l'authenticité de cet acte ayant, au surplus, été certifié par le président de la délégation spéciale de la ville de Bangui, officier d'état civil principal de la ville. Dès lors, en confirmant le refus de visa opposé au requérant au motif que le lien de filiation n'était pas établi, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'illégalité.
5. Toutefois l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
6. Le ministre de l'intérieur fait valoir, dans ses écritures d'appel, qu'il n'est pas justifié que Mme D... B..., mère de Ronice A..., aurait donné son accord pour le déplacement de son enfant en France. Il ne ressort des pièces du dossier ni que celle-ci serait décédée ou déchue de ses droits parentaux, ni qu'elle aurait donné son accord pour laisser l'enfant venir en France. M. A..., qui a été mis à même de présenter ses observations sur la substitution demandée, ne contredit pas les allégations du ministre et ne soutient pas davantage qu'il aurait été dans l'impossibilité d'obtenir un tel accord. Il suit de là que les conditions prévues par l'article L. 411-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas réunies pour qu'il soit fait droit à la demande de visa de long séjour sollicitée. Il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle avait entendu se fonder initialement sur ce seul motif, dont l'application ne prive pas M. A... d'une garantie de procédure Il y a lieu, par suite, d'accueillir la demande de substitution de motifs présentée par le ministre de l'intérieur.
7. Eu égard à ce qui précède et alors que M. A... n'apporte aucune précision sur la situation et les conditions de vie de son enfant dans son pays, les moyens tirés de ce que cette décision porterait une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et méconnaitrait la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.
8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la requête, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- Mme Buffet, présidente-assesseure,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2022.
La rapporteure,
C. BUFFETLe président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT02265