Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 14 avril 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de francisation de son nom de famille " D... " en " A... ".
Par un jugement n° 1900873 du 22 décembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 février 2021, M. E... D..., représenté par Me Salquain, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 22 décembre 2020 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 14 avril 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de francisation de son nom de famille " D... " en " A... " ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de son histoire familiale et de ses origines ; son grand-père biologique se nommait M. C... A... ;
- en tout état de cause, sa demande a pour objet de faire perdre à son nom de famille son caractère étranger, et remplit à ce titre les conditions de l'article 2 de la loi n°72-964 du 25 octobre 1972 ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. D... n'est fondé.
Par une décision n° 2021/006010 du 25 mars 2021, le président de la section du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Nantes (section administrative) a accordé à M. D... le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle et a fixé à 25% la part contributive de l'Etat.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- la loi n° 72-964 du 25 octobre 1972 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frank,
- et les conclusions de M. Mas, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A l'occasion de sa demande de naturalisation, M. E... D... a, sur le fondement de l'article 1er de la loi du 25 octobre 1972, demandé à changer son nom en " A... ". Cette demande a été rejetée par une décision du ministre de l'intérieur du 14 avril 2018. Par jugement du 22 décembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. E... D... tendant à l'annulation de cette décision du ministre de l'intérieur du 14 avril 2018. M. D... relève appel de ce jugement.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 25 octobre 1972 relative à la francisation des noms et prénoms des personnes qui acquièrent, recouvrent ou se font reconnaître la nationalité française : " Toute personne qui acquiert ou recouvre la nationalité française peut demander la francisation de son nom seul, de son nom et de ses prénoms ou de l'un d'eux, lorsque leur apparence, leur consonance ou leur caractère étranger peut gêner son intégration dans la communauté française ". Aux termes de son article 2 : " La francisation d'un nom consiste soit dans la traduction en langue française de son nom, soit dans la modification nécessaire pour faire perdre à ce nom son apparence, sa consonance ou son caractère étranger. / Cette modification peut consister également dans la reprise du nom que des personnes réintégrées dans la nationalité française avaient perdu par décision d'un Etat étranger ou dans la reprise du nom porté par un ascendant français. / (...) ". Selon l'article 8 de la même loi : " la demande de francisation de nom peut être présentée lors de la demande de naturalisation ou de réintégration ou lors de la déclaration d'acquisition de la nationalité française ou de réintégration et qu'elle peut l'être également dans le délai d'un an suivant l'acquisition de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité ".
3. Il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande de francisation du nom du requérant, le ministre de l'intérieur s'est fondé sur le motif tiré de ce que le nom " A... " était trop éloigné de la structure de son nom actuel.
4. Si M. D... se prévaut de ce que le nom " A... " correspond à celui de son grand-père paternel, il n'établit pas la réalité de cette filiation, en dépit de ce qu'un " M. A... " aurait résidé et travaillé au Burkina Faso lors de la naissance du père du requérant et des démarches entreprises par ce dernier en vue d'établir son propre lien de filiation avec M. A.... Par ailleurs, les résultats des tests génétiques présentés par M. D..., s'ils tendent à démontrer une ligne paternelle " issue de l'Europe du Nord-Ouest ", ne sont pas de nature à justifier de ce lien familial avec M. A.... Enfin, si la transformation du nom " D... " en " A... " lui fait perdre son apparence, sa consonance ou son caractère étranger, elle ne peut être regardée, au sens des dispositions citées au point 2, comme étant une " modification nécessaire " pour ce faire, compte tenu de l'éloignement entre les deux noms.
5. Il résulte de ce qui précède qu'en rejetant la demande présentée par M. D... de francisation de son nom, le ministre de l'intérieur n'a commis ni erreur de droit, ni erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article 2 de la loi du 25 octobre 1972.
6. En second lieu, M. D... ne se prévaut d'aucune circonstance de nature à établir que la décision en litige aurait des conséquences disproportionnées sur son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaîtrait ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 21 février 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- Mme Buffet, présidente-assesseure,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 mars 2022.
Le rapporteur,
A. FRANKLe président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 21NT00462