Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours, dirigé contre la décision du 10 janvier 2020 par laquelle le consul général de France à Tunis (Tunisie) a refusé de lui délivrer à un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante tunisienne résidant dans la principauté de Monaco, ainsi que cette décision consulaire.
Par un jugement n° 2005244 du 21 décembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 février et 13 avril 2021 (ce dernier non communiqué), M. D... C..., représenté par Me Jaidane, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 21 décembre 2020 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la décision du 10 janvier 2020 du consul général de France à Tunis (Tunisie) refusant de lui délivrer à un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante tunisienne résidant dans la principauté de Monaco, ainsi que cette décision consulaire ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité, à défaut, de réexaminer la demande de visa dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier ; les premiers juges n'ont ni visé ni analysé la note en délibéré qu'il a produite le 5 décembre 2020 ; en outre, sa réponse au moyen d'ordre public soulevé par le tribunal n'a été ni visée ni analysée ;
- la décision contestée méconnaît la convention de voisinage entre la France et la Principauté de Monaco en date du 18 mai 1963 ; il ne ressort pas des pièces du dossier que le Gouvernement Princier de Monaco aurait été saisi pour avis par l'autorité consulaire française à Tunis ; en l'absence de cet avis, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ne pouvait pas rejeter sa demande de visa ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. C... n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de voisinage entre la France et la Principauté de Monaco du 18 mai 1963 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frank,
- et les conclusions de M. Mas, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... C... relève appel du jugement du 21 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre la décision du 10 janvier 2020 du consul général de France à Tunis (Tunisie) refusant de lui délivrer à un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante tunisienne résidant dans la principauté de Monaco, ainsi que cette décision consulaire.
2. Lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si cette note contient l'exposé soit d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office.
3. Il ressort des pièces de la procédure que les premiers juges ont omis de viser la note en délibéré produite pour M. C... le 5 décembre 2020, postérieurement à l'audience qui s'est tenue devant le tribunal administratif le 30 novembre 2020. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen d'irrégularité invoqué, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit être annulé pour ce motif.
4. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions présentées par M. C... devant le tribunal et devant la cour.
5. En premier lieu, et d'une part, la décision du 29 juillet 2020, par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de délivrer à M. C... un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante tunisienne résidant dans la principauté de Monaco, s'est substituée à la décision de refus implicite de refus née à la suite du silence opposé par la commission au recours formé le 21 février 2020 par M. C... contre la décision consulaire. Dès lors, les conclusions à fin d'annulation de cette dernière décision doivent être regardées comme dirigées contre la décision explicite du 29 juillet 2020. D'autre part, en vertu des dispositions de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, prise sur recours préalable obligatoire, s'est substituée à la décision consulaire du 10 janvier 2020. Il suit de là que les conclusions à fin d'annulation de M. C... doivent être regardées comme étant dirigées contre la seule décision de la commission de recours, et que les moyens concernant la légalité de la seule décision consulaire du 10 janvier 2020 sont inopérants.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la Convention de voisinage entre la France et la Principauté de Monaco du 18 mai 1963 : " Pour les séjours de plus de trois mois, y compris l'établissement dans la Principauté : 1. Les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'accord instituant l'Espace économique européen autre que la France déposent leur demande d'autorisation de long séjour auprès des autorités monégasques. (...). / 2. Les ressortissants d'autres Etats doivent présenter une demande de visa de long séjour au Consul de France territorialement compétent ; un tel visa ne sera délivré qu'après consultation et accord des autorités monégasques. / 3. Les étrangers visés à l'alinéa précédent, établis en France depuis au moins un an, présentent leur demande d'autorisation de long séjour au Consul général de France à Monaco qui la transmet avec ses observations éventuelles aux autorités monégasques. / 4. Le Gouvernement princier tient compte des éventuelles oppositions qui pourraient être formulées par les autorités françaises. / 5. Les étrangers visés aux alinéas 1 à 3 du présent article demeurent soumis à la législation en vigueur en France et dans la Principauté ".
7. M. C..., ressortissant tunisien né le 8 août 1988 à Tunis (Tunisie), a épousé le 15 août 2018 Mme B... A..., ressortissante tunisienne née le 5 août 1986 à Monaco et titulaire d'une carte de résident délivrée par les autorités monégasques. M. C... a sollicité auprès de l'autorité consulaire française à Tunis la délivrance d'un visa de long séjour en qualité de conjoint de Mme A.... Il ressort des pièces du dossier que, saisi pour avis par cette autorité, le Gouvernement princier de Monaco a émis, le 8 janvier 2020, un avis défavorable quant à la délivrance à M. C... du visa sollicité. En application des stipulations précitées de la Convention de voisinage entre la France et la principauté de Monaco, les autorités consulaires françaises ont refusé le visa sollicité. Compte tenu de l'avis défavorable émis par le Gouvernement princier de Monaco sur la demande de M. C..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France était tenue de rejeter la demande de visa formulée par l'intéressé.
8. En troisième lieu, et compte tenu de la situation de compétence liée dans laquelle se trouvait la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France pour rejeter la demande de visa formulée par M. C..., les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision contestée et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés comme inopérants.
9. En quatrième lieu, si M. C... établit être marié avec Mme A... depuis le 15 août 2018, il ne produit aucun élément attestant de l'existence d'une vie commune antérieure ou postérieure au mariage, ou justifiant du maintien d'échanges réguliers et constants entre les époux. En outre, il ne justifie ni de l'existence de projets communs ni de sa contribution aux charges du foyer. Dans ces conditions, et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 29 juillet 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la décision du 10 janvier 2020 du consul général de France à Tunis (Tunisie) refusant de lui délivrer à un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante tunisienne résidant dans la principauté de Monaco. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2005244 du tribunal administratif de Nantes du 21 décembre 2020 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Nantes, ainsi que le surplus des conclusions de la requête d'appel, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- Mme Buffet, présidente-assesseure,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 mars 2022.
Le rapporteur,
A. FRANKLe président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
No 21NT00489