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01/04/2022 | FRANCE | N°20NT03528

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 01 avril 2022, 20NT03528


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 20 mars 2017 par laquelle l'autorité consulaire française à Fès (Maroc) a refusé de lui délivrer un visa d'entrée et de court séjour en France, ainsi que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 29 juin 2017.

Par un jugement n° 1706989 du 1er juillet 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 20 mars 2017 par laquelle l'autorité consulaire française à Fès (Maroc) a refusé de lui délivrer un visa d'entrée et de court séjour en France, ainsi que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 29 juin 2017.

Par un jugement n° 1706989 du 1er juillet 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 novembre 2020 sous le n°20NT03528, Mme D..., représentée par Me Decaux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er juillet 2020 ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer un visa d'entrée et de court séjour dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont omis de répondre aux moyens tirés de la violation du 4e protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 13 de la déclaration universelle des droits de l'homme ;

- la décision attaquée, fondée sur l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires, est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales , ainsi que celles de l'article 2 du 4e protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 13 de la déclaration universelle des droits de l'homme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 décembre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés et s'en remet, pour le surplus, à ses écritures de première instance.

La demande d'admission de Mme D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle a été rejetée par une décision du 15 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le quatrième protocole additionnel à cette convention ;

- le règlement (CE) du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Douet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante marocaine née le 1er janvier 1952, relève appel du jugement du 1er juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 juin 2017 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre une décision des autorités consulaires françaises à Fès (Maroc) refusant de lui délivrer un visa de court séjour en France pour visite familiale.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que Mme D... invoquait, dans sa requête, la violation de l'article 13 de la déclaration universelle des droits de l'homme et l'article 2 du quatrième protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. D'une part, le moyen tiré de la violation de l'article 13 de la déclaration universelle des droits de l'homme ne peut être utilement invoqué dès lors que cette déclaration ne figure pas au nombre des textes diplomatiques qui ont été ratifiés dans les conditions fixées par l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958. D'autre part, si l'article 2 du quatrième protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1 Quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d'un Etat a le droit d'y circuler librement et d'y choisir librement sa résidence. / 2 Toute personne est libre de quitter n'importe quel pays, y compris le sien. (...). ", il résulte des termes mêmes de ces stipulations qui protègent la liberté de circulation sur le territoire des Etats qu'elles ne s'appliquent qu'aux personnes qui y résident régulièrement et qu'elles ne peuvent être violées à l'occasion du refus d'un visa. Le tribunal n'a toutefois ni visé ni répondu à ces moyens. Par suite, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité, alors même que ces moyens sont inopérants, et doit, dès lors, être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Nantes.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 29 juin 2017 et de la décision consulaire :

4. En premier lieu, en vertu des dispositions de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision du 29 juin 2017 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, prise sur recours préalable obligatoire, s'est substituée à la décision consulaire du 20 mars 2017. Il suit de là que les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme D... doivent être regardées comme étant dirigées contre la seule décision de la commission de recours.

5. En deuxième lieu, les moyens tirés de l'incompétence du signataire et de l'insuffisance de motivation, dirigés exclusivement contre la décision consulaire, sont sans incidence sur la légalité de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France qui s'y est substituée.

6. En troisième lieu, les dispositions du c) du 1. de l'article 14 du règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 sont relatifs aux documents justificatifs que le demandeur de visa doit fournir pour établir qu'il dispose de moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans son pays d'origine. Le visa ayant été refusé non pas en raison du caractère insuffisant des ressources de Mme D... mais au motif qu'il existe un risque de détournement de l'objet du visa, la requérante ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 10 de la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990 : " 1. Il est institué un visa uniforme valable pour le territoire de l'ensemble des Parties contractantes. Ce visa (...) peut être délivré pour un séjour de trois mois au maximum (...) ". Aux termes de l'article 21 du règlement (CE) du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas: " 1. Lors de l'examen d'une demande de visa uniforme, (...) une attention particulière est accordée à l'évaluation du risque d'immigration illégale (...) que présenterait le demandeur ainsi qu'à sa volonté de quitter le territoire des États membres avant la date d'expiration du visa demandé. ". Aux termes de l'article 32 du même règlement : " 1. (...) le visa est refusé : (...) b) s'il existe des doutes raisonnables sur (...) sur la fiabilité des déclarations effectuées par le demandeur ou sur sa volonté de quitter le territoire des États membres avant l'expiration du visa demandé. (...) ".

8. L'administration peut, indépendamment d'autres motifs de rejet tels que la menace pour l'ordre public, refuser la délivrance d'un visa, qu'il soit de court ou de long séjour, en cas de risque avéré de détournement de son objet, lorsqu'elle établit que le motif indiqué dans la demande ne correspond manifestement pas à la finalité réelle du séjour de l'étranger en France. Elle peut à ce titre opposer un refus à une demande de visa de court séjour en se fondant sur l'existence d'un risque avéré de détournement du visa à des fins migratoires.

9. Pour refuser à Mme D... le visa de court séjour sollicité, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires, déduit de la situation personnelle de Mme D..., âgée de 65 ans et dont les quatre enfants et le mari résident en France, en l'absence d'éléments suffisamment convaincants sur ses revenus personnels réguliers et sur d'éventuels intérêts de nature matérielle ou familiale dans son pays de résidence, susceptibles d'assurer des garanties de retour suffisantes.

10. Si Mme D... soutient qu'elle dispose au Maroc d'attaches matérielles et familiales, il ressort des pièces du dossier qu'elle ne justifie être propriétaire que d'un terrain nu, et non de son logement, et ne fournit aucune précision sur l'origine de ses revenus personnels alors même qu'elle dispose sur son compte en banque d'une somme de 115 930 dinars (10 634 euros). Par ailleurs, si Mme D... souligne la présence de sa fratrie au Maroc et indique être séparée de fait de son mari depuis de nombreuses années, il est constant que les quatre enfants majeurs du couple, dont deux ont la nationalité française, résident en France. La seule mention de la présence au Maroc de ses frères et sœurs ne permet pas de regarder les attaches familiales de Mme D... au Maroc comme susceptibles de garantir son retour dans son pays d'origine à l'expiration de son visa. Dans ces conditions, en retenant l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

11. En cinquième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Eu égard à la nature du visa sollicité, et dès lors qu'il n'est pas établi que les enfants de A... C... qui résident en France, sont dans l'impossibilité de lui rendre visite, le moyen tiré de ce que la décision de la commission de recours porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. En sixième lieu, les moyens tirés de la violation de l'article 13 de la déclaration universelle des droits de l'homme et de l'article 2 du quatrième protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés pour les motifs rappelés au point 2 du présent arrêt.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 29 juin 2017 et de la décision consulaire. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er juillet 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 1er mars 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Douet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er avril 2022.

La rapporteure,

H. DOUET

Le président,

A. PÉREZ

La greffière,

A. LEMEE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT03528


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03528
Date de la décision : 01/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-005-01 Étrangers. - Entrée en France. - Visas.


Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Hélène DOUET
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : DECAUX SEVERINE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-04-01;20nt03528 ?
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