Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 28 septembre 2021 par laquelle le directeur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) D... lui a infligé la sanction de la révocation.
Par un jugement n° 2004298 du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Rennes a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du
28 septembre 2020 et a annulé la décision du 21 décembre 2020 infligeant à M. C... la sanction de la révocation.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 août 2021 et 25 février 2022, l'EHPAD D..., représenté par Me Champenois, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 juillet 2021 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a annulé la décision du 21 décembre 2020 ;
2°) de rejeter la demande de M. C... devant le tribunal administratif de Rennes tendant à l'annulation de cette décision ;
3°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont jugé que les conclusions du requérant à fin d'annulation de la décision de révocation du 28 septembre 2020 devaient être regardées comme dirigées contre la décision de révocation du 21 décembre 2020, qui était devenue définitive, de sorte qu'ils se sont mépris sur leur office ;
- la sanction de révocation prise à son encontre n'est pas entachée d'erreur d'appréciation, dès lors qu'elle est proportionnée à la gravité de la faute commise par
M. C....
Par des mémoires en défense enregistrés les 29 décembre 2021 et 1er mars 2022,
M. A... C..., représenté par Me Le Cornec, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'EHPAD D... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la requête est irrecevable, dès lors que la décision de révocation prise à son encontre du 21 décembre 2020 a été implicitement retirée par une décision du 16 juillet 2021 l'excluant de ses fonctions pour une durée d'un an ;
- les moyens soulevés par l'EHPAD D... ne sont pas fondés ;
- la nouvelle sanction d'exclusion d'un an sans sursis qui lui a été infligée pour les faits reprochés par une décision du 16 juillet 2021 est encore disproportionnée, dès lors qu'il a été relaxé par le juge pénal pour ces faits par un jugement du 25 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,
- et les observations de Me Champenois, représentant l'EHPAD D..., et de Me Le Cornec, représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., né le 16 mai 1969, a été employé par l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) D..., comme agent des services hospitaliers, à compter de 1993, puis comme aide-soignant, à compter de 2007. Par une décision du 28 septembre 2020, le directeur de l'EHPAD D... lui a infligé la sanction de la révocation. M. C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler cette sanction. La sanction contestée a été retirée, au cours de l'instance devant le tribunal, par une décision du 6 novembre 2020, devenue définitive et par une deuxième décision du 21 décembre 2020, le directeur de l'établissement public a, à nouveau, révoqué l'intéressé de ces fonctions. Par un jugement du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Rennes, saisi par M. C..., a dit qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du
28 septembre 2020 et a annulé la décision du 21 décembre 2020 infligeant à M. C... la sanction de la révocation. L'EHPAD D... relève appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 juillet 2021 en tant qu'il a annulé la décision du 21 décembre 2020.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Lorsqu'une décision administrative faisant l'objet d'un recours contentieux est retirée en cours d'instance pour être remplacée par une décision ayant la même portée, le recours doit être regardé comme tendant également à l'annulation de la nouvelle décision. Lorsque le retrait a acquis un caractère définitif, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision initiale, qui ont perdu leur objet. Le juge doit, en revanche, statuer sur les conclusions dirigées contre la nouvelle décision.
3. Il ressort des pièces du dossier que la décision initiale de révocation du 28 septembre 2020 a été retirée au cours de l'instance devant le tribunal, le 6 novembre 2020 et qu'au cours de cette instance, la sanction de la révocation a, à nouveau, été prononcée à son encontre le
21 décembre 2020 pour les mêmes faits. La décision du 21 décembre 2020 a ainsi la même portée que celle du 28 septembre 2020, alors même qu'elle a été prise à l'issue d'une nouvelle procédure disciplinaire et qu'elle a une date de prise d'effet postérieure à celle de la décision du 28 septembre 2020. Par suite, contrairement à ce que soutient l'établissement public, le tribunal ne s'est pas mépris sur la demande de M. C... en la regardant, à la date à laquelle il a statué, comme tendant à l'annulation de la décision du 21 décembre 2020.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, alors en vigueur : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : L'avertissement, le blâme. Deuxième groupe : La radiation du tableau d'avancement, l'abaissement d'échelon, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; Troisième groupe : La rétrogradation, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans ; Quatrième groupe : La mise à la retraite d'office, la révocation. (...) L'exclusion temporaire de fonctions, qui est privative de toute rémunération, peut être assortie d'un sursis total ou partiel. Celui-ci ne peut avoir pour effet, dans le cas de l'exclusion temporaire de fonctions du troisième groupe, de ramener la durée de cette exclusion à moins d'un mois (...). ".
5. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
6. La sanction en litige est fondée sur le fait que M. C... a eu, le 29 juin 2020, un acte violent envers un résident de l'EHPAD en le prenant par l'épaule de telle sorte que ce résident a mis un genou à terre, après que ce dernier venait de lui jeter au visage une assiette de crudités pendant un repas, ce qui a occasionné chez la personne, âgée et vulnérable, une rougeur à son genou gauche.
7. Le fait reproché à M. C..., dont la matérialité n'est plus contestée en appel par celui-ci, consiste en un acte de violence physique envers une personne vulnérable et constitue de la part d'un aide-soignant un manquement grave à ses obligations en matière de prise en charge des usagers de l'établissement. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le geste de M. C... est intervenu alors que le résident se dirigeait vers lui d'une façon agressive. Par ailleurs, M. C... ne s'était jamais vu jusqu'alors, en 27 ans de carrière, reprocher de comportement de violence ou de maltraitance envers les résidents de l'EHPAD. Il ressort d'ailleurs du procès-verbal du conseil de discipline, qui avait émis un avis favorable à l'unanimité à une sanction du troisième groupe, à savoir une rétrogradation au grade immédiatement inférieur, que l'intéressé a reconnu que son geste était disproportionné et inadapté. Par suite, dans les circonstances de l'espèce et alors même qu'un avertissement avait été infligé à M. C... le 25 mai 2020, la décision du 21 décembre 2020 révoquant l'intéressé de ses fonctions est disproportionnée au regard du fait en litige, contrairement à ce que soutient l'EHPAD D....
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de
non-recevoir opposée en défense, que l'EHPAD D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a, par le jugement attaqué, annulé la décision du 21 décembre 2020. Sa requête doit, dès lors, être rejetée y compris en ce qu'elle comporte une demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EHPAD D..., en application des mêmes dispositions, une somme de 1 500 euros à verser à
M. C... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de EHPAD D... est rejetée.
Article 2 : L'EHPAD D... versera à M. C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) D....
Délibéré après l'audience du 19 mai 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe 3 juin 2022.
Le rapporteur
X. B...Le président
D. SALVI
Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de la prévention en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT02350