La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/06/2022 | FRANCE | N°21NT00693

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 juin 2022, 21NT00693


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B..., M. H... F... et Mme C... F... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'ordonner une expertise médicale et de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) d'Angers à leur verser la somme de

11 328 789,20 euros en réparation du préjudice subi par Adeline F... à l'occasion de sa prise en charge par cet établissement et à Mme B... et M. F... la somme globale de

389 858,72 euros en réparation des préjudices que ces derniers estiment avoir subis.

La caisse p

rimaire d'assurance maladie (CPAM) de la Loire-Atlantique a demandé au tribunal de condamn...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B..., M. H... F... et Mme C... F... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'ordonner une expertise médicale et de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) d'Angers à leur verser la somme de

11 328 789,20 euros en réparation du préjudice subi par Adeline F... à l'occasion de sa prise en charge par cet établissement et à Mme B... et M. F... la somme globale de

389 858,72 euros en réparation des préjudices que ces derniers estiment avoir subis.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Loire-Atlantique a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier universitaire d'Angers à lui verser la somme provisoire de 1 103 495 euros au titre de ses débours.

Par un jugement n°1605980 du 31 octobre 2018, le tribunal administratif de Nantes a ordonné avant-dire droit une expertise médicale.

Par un jugement n°1605980 du 13 janvier 2021, il a condamné le centre hospitalier universitaire d'Angers à verser à Mme C... F... une indemnité d'un montant de 1 023 143,22 euros et une indemnité d'un montant de 39 585,68 euros, sous déduction des aides financières ayant le même objet déjà perçues, ainsi qu'une rente trimestrielle viagère d'un montant de 22 102,50 euros ou de 34 608 euros, selon qu'elle bénéficie ou non d'une AESH, et à Mme E... B... et M. F... une somme de 404 942,51 euros en réparation des préjudices subis par leur fille et des sommes respectives de 45 289 euros et de 26 530,44 euros en réparation de leurs préjudices propres. Par ce même jugement, le tribunal a condamné le

CHU d'Angers à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique la somme de 1 103 495 euros au titre de ses débours.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 12 mars, 12 avril 2021, 24 août 2021 et 21 février 2022, le centre hospitalier universitaire d'Angers, représenté par Me Le Prado, demande à la cour :

1°) d'annuler les jugements du tribunal administratif de Nantes des 31 octobre 2018 et 13 janvier 2021 ;

2°) de rejeter les demandes de Mmes B..., de M. F... et de la CPAM de la Loire-Atlantique devant le tribunal.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont le tribunal a été saisi ;

- c'est donc à tort que le tribunal a jugé que l'intervention chirurgicale réalisée sur Mme B..., le 7 décembre 2000, au CHU d'Angers devait être regardée comme directement à l'origine de l'infection dont elle a été victime et que cette infection, présentant, en l'absence d'une cause endogène, un caractère nosocomial, révélait une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service hospitalier ;

- l'absence alléguée de délivrance, le 23 décembre 2000, à Mme B... de l'information relative à la présence de l'infection nosocomiale au niveau du site opératoire et à la possibilité que cette infection passe dans le liquide amniotique et entraîne un accouchement prématuré ne constitue pas une faute de nature à engager sa responsabilité, dès lors que la prise en charge de l'infection n'aurait pas été différente si Mme B... avait été correctement informée ;

- la mise sous antibiotique n'a pas été tardive ;

- il n'est pas établi que Mme B... ait été atteinte d'une chorioamniotite ;

- le lien direct de causalité entre l'infection en cause et l'accouchement prématuré n'est pas établi, dès lors que cette prématurité peut découler de plusieurs autres facteurs ;

- il n'est pas établi que les séquelles subies par Adeline F..., dont l'origine est particulière complexe à déterminer, étaient directement et uniquement liées à l'intervention de cholécystectomie de Mme B... du 7 décembre 2000 ;

- à titre subsidiaire, il est utile d'ordonner une expertise complémentaire ;

- en tout état de cause, l'évaluation par le tribunal de certains préjudices invoqués doit être réduite :

* la somme allouée au titre des besoins en assistance par tierce personne est excessive, compte tenu du montant du salaire de référence des personnes employées augmenté des charges sociales pour les périodes considérées ; la rente trimestrielle viagère allouée doit être versée au prorata du temps effectivement passé à domicile ; les justificatifs fournis concernant les prestations dont bénéficie Adeline F... sont insuffisamment probants ;

* les sommes allouées aux titres de l'incidence du préjudice scolaire et des souffrances endurées devront être ramenées respectivement à des montants de 80 000 euros, 10 000 euros et 25 000 euros ;

* la somme allouée au titre du préjudice sexuel et du préjudice d'établissement devra être ramenée à un montant global de 50 000 euros.

* c'est à tort que le tribunal a réservé l'évaluation des pertes de gains professionnels futurs, la perte de chance d'obtenir une promotion et la perte de l'épanouissement personnel et social au travail en considérant qu'ils revêtaient un caractère futur, dès lors que la demande au titre des pertes de gains professionnels qui ne sont qu'éventuelles, devait être rejetée et que la perte de chance d'obtenir une promotion et la perte de l'épanouissement personnel et social au travail sont réparée par la somme allouée au titre de l'incidence professionnelle ;

- la demande au titre du préjudice d'impréparation doit être rejetée et en tout état de cause, la somme allouée à ce titre doit être ramenée à de plus justes proportions ;

- les nombreuses hospitalisations que faisait valoir la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique dans le remboursement de ses débours n'ont pas été mentionnées dans le rapport d'expertise et doivent être rejetées ;

- les sommes demandées au titre des frais d'appareillages sont excessives ;

- le centre hospitalier universitaire d'Angers s'étant opposé à la capitalisation des frais futurs devant les premiers juges, le tribunal ne pouvait pas y faire droit.

Par des mémoires en défense enregistrés les 24 novembre et 22 décembre 2021 Mme E... B..., M. H... F... et Mme C... F..., représentés par la Selarl Asfar Pineau, demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête du centre hospitalier universitaire d'Angers ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du 13 janvier 2021 et de porter l a somme que le centre hospitalier doit être condamné à verser à Mme C... F... au titre des pertes de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle à

1 061 310,47 euros ; ces sommes devant être assorties des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire des sommes de 5 000 euros à verser à chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- Mme B... a été victime d'une infection nosocomiale, par staphylocoque doré, suite à la cholécystectomie qu'elle a subie, qui s'est transmise par voie intra-utérine à Mme C... F... ;

- l'infection nosocomiale de Mme B... a provoqué la naissance prématurée de Mme C... F..., cette prématurité ayant été à l'origine, avec l'infection nosocomiale dont a aussi été victime l'enfant, de la leucomalacie périventriculaire et de l'infirmité motrice cérébrale dont cette dernière souffre depuis sa naissance ;

- en tout état de cause, le CHU d'Angers n'apporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, du caractère endogène de la bactérie à l'origine de l'infection en litige ;

- la responsabilité du CHU d'Angers pour faute est aussi engagée en raison d'un retard de diagnostic et de traitement de cette infection profonde du site opératoire compte tenu de l'état de grossesse qui aurait dû rendre les médecins plus vigilants ;

- le CHU d'Angers a manqué à son obligation en matière d'information ;

- une expertise complémentaire serait inutile ;

- les sommes allouées aux titres des besoins d'assistance par tierce personne, de l'incidence du préjudice scolaire, des souffrances endurées, du préjudice sexuel et du préjudice d'établissement ne sont pas excessives ;

- l'indemnisation des pertes de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle subies par Mme C... F... devra être portée à la

somme de 1 061 310,47 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 novembre 2021, la CPAM de la Loire-Atlantique, représentée par Me Simon, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du CHU d'Angers ;

2°) de porter l'indemnité forfaitaire de gestion mise à sa charge à 1 098 euros ;

3°) d'assortir la somme que le CHU d'Angers a été condamné à lui verser de la capitalisation des intérêts à compter du 25 novembre 2021, ainsi qu'à chaque échéance annuelle ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la responsabilité du centre hospitalier universitaire d'Angers est engagée, dès lors que Mme B... a été victime d'une infection nosocomiale à la suite de sa cholécystectomie, qui a provoqué la naissance prématurée de Mme C... F..., cette prématurité ayant été à l'origine, avec l'infection nosocomiale dont a aussi été victime l'enfant, de la leucomalacie périventriculaire et de l'infirmité motrice cérébrale dont cette dernière souffre depuis sa naissance ;

- il existe un lien de causalité exclusif entre l'infection nosocomiale et l'accouchement prématuré, dès lors que le 8 décembre 2000, Mme B... n'avait pas de contractions, mais surtout des douleurs et que l'examen obstétrical réalisé le 21 décembre 2000 faisait état d'une absence de menace d'accouchement prématuré ;

- à titre subsidiaire, et à supposer que Mme B... était porteuse du germe responsable de l'infection ou que l'infection n'ait pas été la cause exclusive du handicap de Mme F..., la responsabilité du CHU devrait être engagée à raison du retard dans la prise en charge médicale de l'infection présentée par Mme B... ayant conduit à son accouchement prématuré dans un contexte de chorio-amniotite et d'infection materno-fœtale à staphylocoque aureus

secondaire à la cholécystectomie qui a eu lieu le 7 décembre 2000 ;

- l'attestation du médecin-conseil du 19 mai 2020 suffit pour justifier de l'imputabilité des frais d'hospitalisation à compter du 26 décembre 2000, des frais médicaux, des frais pharmaceutiques, des frais d'appareillage, des frais de transport ainsi que des frais futurs exposés par elle à la suite du dommage en litige ;

- le CHU d'Angers n'avait pas fait connaître en premier instance son désaccord pour le versement immédiat d'un capital représentatif des arrérages à échoir.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 14 décembre 2021 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2022 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- et les observations de Me Demailly, représentant le CHU d'Angers, et de Me Simon, représentant la CPAM de la Loire-Atlantique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 4 décembre 2000, Mme B..., alors enceinte, a été hospitalisée au centre hospitalier universitaire d'Angers pour une cholécystite aigüe lithiasique. Elle a été opérée sous cœlioscopie le 7 décembre 2000 pour ablation de la vésicule biliaire et de la lithiase du bas cholédoque. Elle est sortie du centre hospitalier universitaire d'Angers le 18 décembre puis à nouveau hospitalisée le lendemain. Le 23 décembre 2000, Mme B... est à nouveau sortie du centre hospitalier universitaire d'Angers avant d'être hospitalisée une troisième fois le

24 décembre 2000 en raison de douleurs importantes. Sa fille, C... F..., est née prématurément le 26 décembre 2000 et a été hospitalisée en service de néonatologie du

26 décembre 2000 au 14 mars 2001 pour prématurité et infection materno-fœtale. Elle présente depuis sa naissance une leucomalacie péri-ventriculaire compliquée d'une infirmité motrice cérébrale. Mme B... et M. F... ont alors adressé une réclamation au centre hospitalier universitaire d'Angers le 4 avril 2016 tendant à l'indemnisation des préjudices subis par leur fille et par eux-mêmes, qui a fait l'objet le 20 juillet 2016 d'une décision de rejet. Ils ont alors demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le centre hospitalier universitaire d'Angers à les indemniser des préjudices subis par leur fille. Par un jugement avant-dire droit du 31 octobre 2018, le tribunal a ordonné une expertise médicale afin de déterminer l'origine de l'état de santé d'Adeline F... et d'apprécier la nature et l'étendue de ses préjudices. L'expert ayant déposé son rapport le 30 octobre 2019, M. F..., Mme B..., et Mme C... G...-A..., devenue majeure au cours de l'instance devant le tribunal, lui ont demandé de condamner le centre hospitalier universitaire d'Angers à leur verser la somme totale de 12 108 498,60 euros en réparation des préjudices subis. La caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier universitaire d'Angers à lui verser la somme de 1 103 495 euros au titre de ses débours. Par un jugement du

13 janvier 2021, dont le centre hospitalier relève appel, le tribunal administratif de Nantes a condamné le centre hospitalier universitaire d'Angers à verser à Mme C... F... une indemnité d'un montant de 1 023 143,22 euros ainsi qu'une indemnité d'un montant de 39 585,68 euros, sous déduction des aides financières ayant le même objet déjà perçues, et une rente trimestrielle viagère d'un montant de 22 102,50 euros ou de 34 608 euros, selon qu'elle bénéficie ou non d'une AESH, et à Mme E... B... et M. F... une somme de 404 942,51 euros en réparation des préjudices subis par leur fille et des sommes respectives de 45 289 euros et de 26 530,44 euros en réparation de leurs préjudices propres. Par ce même jugement, le tribunal a condamné le CHU d'Angers à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique la somme de 1 103 495 euros au titre de ses débours. Par la voie de l'appel incident, M. F..., Mme B..., et Mme C... G...-A... demandent à la cour de porter la somme que le CHU d'Angers est condamné à verser à Mme F... au titre de ses pertes de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle à un montant

1 061 310,47 euros.

Sur la responsabilité du CHU d'Angers :

2. D'une part, l'introduction accidentelle d'un germe microbien dans l'organisme d'un patient lors d'une hospitalisation antérieure à l'entrée en vigueur des dispositions relatives à la réparation des infections nosocomiales issues de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé révèle une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service hospitalier et engage la responsabilité de celui-ci. Il en va toutefois autrement lorsqu'il est certain que l'infection, si elle s'est déclarée à la suite d'une intervention chirurgicale, a été causée par des germes déjà présents dans l'organisme du patient avant l'hospitalisation, ou encore lorsque la preuve d'une cause étrangère est rapportée par l'établissement de santé. D'autre part, lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. Si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation.

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que dans les suites de la cholécystectomie subie par Mme B... le 7 décembre 2000 au centre hospitalier universitaire d'Angers, celle-ci a présenté des douleurs importantes et de la fièvre qui ont entraîné une nouvelle hospitalisation le 19 décembre 2000. Une infection s'est déclarée le même jour. Un staphylocoque doré, qui est un germe pathogène présent sur la peau, les muqueuses et dans l'environnement, a été trouvé le

22 décembre 2000 au niveau du liquide de ponction et le 23 décembre 2000 au niveau du système de drainage posé au cours de l'intervention chirurgicale. Ce staphylocoque doré était également présent dans le lit vésiculaire. Si le centre hospitalier universitaire d'Angers soutient notamment, en s'appuyant sur une note technique du 6 avril 2021, que Mme B... pouvait être porteuse de cette bactérie, qui pouvait en particulier provenir de la vésicule biliaire infectée, que cette bactérie a pu également être introduite de l'extérieur dans l'organisme via le drainage mis en place, que cette bactérie, très virulente, n'aurait pas attendu 12 jours, après l'intervention chirurgicale du 7 décembre 2000, pour se manifester, de tels éléments ne suffisent pas à prouver qu'il est certain que l'infection en litige présentait un caractère endogène ou qu'elle aurait une cause étrangère à la prise en charge de la patiente le 7 décembre 2000. Dès lors, l'intervention chirurgicale réalisée le 7 décembre 2000 au centre hospitalier universitaire d'Angers doit être regardée comme directement à l'origine de l'infection dont Mme B... a été victime, qui présente dès lors un caractère nosocomial. Par suite, cette infection révèle une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service hospitalier qui est de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier universitaire d'Angers à l'égard de Mme B... et de Mme et M. F... à raison des préjudices que cette faute leur a directement causé.

4. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que Mme B... n'a pas été informée, le 23 décembre 2000, de la présence de l'infection nosocomiale au niveau du site opératoire, ni du fait que cette infection pouvait passer dans le liquide amniotique entourant le bébé et entraîner un accouchement prématuré, compte tenu des conclusions sur ce point du rapport d'expertise du

30 octobre 2019 établi par le gynécologue-obstétricien désigné par le tribunal et de l'absence de preuve par l'établissement public d'une délivrance de cette information. Par suite, le centre hospitalier universitaire d'Angers a commis une autre faute de nature à engager sa responsabilité en n'informant pas Mme B... des risques liés à l'infection nosocomiale au cours de la grossesse.

Sur le lien de causalité entre les fautes du CHU d'Angers et les préjudices :

5. S'il est constant que le staphylocoque doré en cause a contaminé le placenta avant l'accouchement, qui est intervenu le 26 décembre 2000, la cour ne dispose pas des éléments d'appréciation suffisants pour déterminer si la prématurité et les séquelles subies par Mme C... F... sont directement et uniquement liées, par le biais d'une chorioamniotite notamment, à l'infection nosocomiale contractée par sa mère au cours de l'intervention chirurgicale du 7 décembre 2000.

6. Il s'ensuit, dès lors, qu'il y a lieu d'ordonner, avant dire droit, une expertise médicale complémentaire.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est ordonné, avant de statuer sur les conclusions de la requête, une expertise confiée à un collège d'experts composé d'un médecin gynécologue-obstétricien, d'un médecin spécialisé en néonatologie, d'un médecin infectiologue et d'un médecin spécialisé en chirurgie viscérale et digestive. Ces experts auront pour mission :

- de se faire communiquer tous documents utiles à l'accomplissement de leur mission et notamment ceux qui sont relatifs au suivi médical, interventions, soins et traitements dont Mme B... et Mme C... F... ont fait l'objet au CHU d'Angers ;

- de déterminer en particulier si Mme B... a souffert d'une chorioamniotite à la suite de son intervention chirurgicale du 7 décembre 2000 et, plus généralement, si l'infection nosocomiale a été la cause concurremment ou non avec d'autres causes, qu'il conviendra de préciser le cas échéant, la prématurité de l'enfant ainsi que les lésions de leucomalacie périventriculaire qu'elle a présentées ;

- dans le cas où l'infection nosocomiale ne serait pas l'unique cause de la prématurité de l'enfant et des lésions ci-dessus mentionnées, d'indiquer si cette infection a fait perdre à la jeune C... F... une chance d'échapper à l'aggravation de son état de santé et de donner toute appréciation utile, le cas échéant, sur le taux de perte de chance imputable à cette infection ;

- d'une manière générale, de donner à la cour toute information ou appréciation utile de nature à lui permettre de déterminer les effets éventuels de l'infection nosocomiale sur les séquelles présentées par Mme C... F....

Article 2 : L'expertise sera menée contradictoirement entre le CHU d'Angers, la CPAM de la Loire-Atlantique, Mme B... et M. F....

Article 3 : Les experts seront désignés par le président de la cour. Ils accompliront leur mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Le rapport d'expertise sera déposé en deux exemplaires dans un délai de trois mois à compter de la date de notification du présent arrêt. L'expert en notifiera des copies aux parties intéressées.

Article 4 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B..., à M. H... F..., à Mme C... F..., au centre hospitalier universitaire régional d'Angers et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. L'hirondel, premier conseiller,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe 17 juin 2022.

Le rapporteur,

X. D...La présidente,

C. BRISSON

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de la prévention en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT00693


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00693
Date de la décision : 17/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CABINET GUILLAUME ASFAR

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-06-17;21nt00693 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award