Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la relance a rejeté son recours gracieux du 31 octobre 2018 tendant au recalcul de son ancienneté à l'occasion de son entrée dans la fonction publique.
Par un jugement n° 1900951 du 9 septembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 31 décembre 2018.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 novembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du
9 septembre 2021 et de rejeter la demande de M. A....
Il fait valoir que le tribunal a considéré que l'administration avait entaché la décision contestée d'une erreur d'appréciation en ne reconnaissant pas à M. A... la qualité de salarié pour la période allant du 1er septembre 1984 au 31 décembre 2001.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 janvier 2022, M. A..., représenté par Me Taron, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 400 euros soit mise à la charge du ministre de l'économie, des finances et de la relance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que le moyen soulevé par le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 2005-1228 du 29 septembre 2005 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,
- et les observations de Me Taron, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a été nommé au grade d'agent administratif stagiaire, au 1er échelon, à compter du 13 juin 2016. A la suite de sa réussite au concours externe de contrôleur des finances publiques, il a été nommé contrôleur stagiaire des finances publiques et classé, par un arrêté du
21 novembre 2016, à la 2ème classe de ce grade, au 2ème échelon, à compter du
1er octobre 2016, avec une prise de rang au 27 mai 2015, puis titularisé, dans ce grade, le
1er septembre 2017, et affecté au service des impôts des particuliers (SIP) de Vannes à la direction départementale des finances publiques (DDFIP) du Morbihan. Par un jugement du
6 juillet 2018, devenu définitif, le tribunal administratif de Montreuil a annulé, à la demande de
M. A..., l'arrêté du 21 novembre 2016 en tant qu'il procède au classement de l'intéressé à compter du 1er octobre 2016. En exécution de ce jugement, et après réexamen, M. A... a été reclassé, par un arrêté du 23 juillet 2018, dans le grade de contrôleur des finances publiques stagiaire de 2ème classe, au 2ème échelon, avec une prise de rang au 10 février 2015. Dans le cadre de la mise en œuvre du protocole relatif aux parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR) à la direction générale des finances publiques, M. A..., par le même arrêté notifié le
3 septembre 2018, a été reclassé dans le grade de contrôleur des finances publiques de 2ème classe, 2ème échelon, avec une prise de rang au 10 février 2017. Le 31 octobre 2018, M. A... a formé un recours gracieux auprès du directeur général des finances publiques dirigé contre cet arrêté, ainsi que contre l'arrêté du 3 juillet 2017, le reclassant comme agent administratif des finances publiques de 1ère classe stagiaire, au 3ème échelon, avec une prise de rang au 10 février 2016, en se prévalant de son activité professionnelle en tant que salarié au sein de la SARL " Bureau service ". Du silence gardé sur cette demande est née une décision implicite de rejet. M. A... a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de cette décision. Par un jugement du
9 septembre 2021, dont le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à cette demande.
2. D'une part, aux termes du II de l'article 5 du décret du 29 septembre 2005, applicable au litige : " Les personnes nommées fonctionnaires dans un grade de catégorie C doté des échelles de rémunération 3, 4 ou 5 qui ont, ou qui avaient eu auparavant, la qualité d'agent de droit privé d'une administration, ou qui travaillent ou ont travaillé en qualité de salarié dans le secteur privé ou associatif, sont classées avec une reprise d'ancienneté de travail égale à la moitié de sa durée, le cas échéant après calcul de conversion en équivalent temps plein. Ce classement est opéré sur la base de la durée moyenne de chacun des échelons du grade dans lequel ils sont intégrés ".
3. D'autre part, les gérants, même minoritaires, d'une société à responsabilité limitée ont la qualité de mandataires sociaux. Le cumul entre un mandat social et des fonctions salariées suppose que ces dernières correspondent à un emploi subordonné effectif en contrepartie duquel est versé un salaire distinct de la rétribution du mandat.
4. Pour prendre la décision contestée, l'administration s'est fondée sur la circonstance que, s'agissant de la période allant du 1er septembre 1984 au 31 décembre 2001 pendant laquelle
M. A... travaillait au sein de la SARL " Bureau service ", les seuls éléments qu'il a produits ne permettaient pas d'établir qu'il était salarié de cette société, faute d'une subordination vis-à-vis des autres associés et d'une distinction entre ses activités alléguées de salarié et celles qu'il exerçait en tant que mandataire social.
5. Or, M. A... avait produit en première instance le contrat de travail qu'il avait conclu avec la SARL stipulant qu'il était embauché par celle-ci, pour une durée indéterminée, en qualité de cadre, pour occuper la fonction de directeur commercial, à compter du 1er septembre 1984, afin de vendre notamment des matériels de bureau, de reprographie et d'équipements informatiques et mobiliers proposés par la société. Si le ministre fait valoir que ce contrat était signé pour la société par M. A..., une telle circonstance ne permet pas d'établir l'absence de réalité de ce contrat, dès lors que l'intéressé était le gérant de cette société, ainsi qu'il ressort de ses statuts, et avait le pouvoir en cette qualité de l'engager, pour les actes entrant dans son objet social, tant dans ses rapports avec les associés qu'avec les tiers. De même, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il y aurait eu une confusion entre les fonctions de M. A... en tant que gérant et ses fonctions en tant que salarié, alors qu'il ressort en revanche d'une attestation établie par une experte comptable qui avait été chargée de la comptabilité de la SARL Bureau Service que M. A..., bien que gérant et associé minoritaire de la société, exerçait effectivement des fonctions commerciales et techniques au sein de l'entreprise, sur la base d'une activité à temps complet et percevait à ce titre un salaire, unique rémunération perçue par lui de la société. Il n'est pas davantage démontré que les autres associés de la SARL n'exerçaient pas effectivement leurs prérogatives. Enfin, la réalité du contrat de travail en cause est corroborée, notamment, par l'attestation de la caisse d'assurance retraite CARSAT produite par M. A..., dont il ressort qu'il a travaillé pour la SARL Bureau Service, 597 heures en 1984, et 1790 heures par an entre 1985 et 2001. Dans ces conditions, il ressort des pièces du dossier que M. A..., co-gérant minoritaire, était dans un lien de subordination vis-à-vis de l'assemblée des associés, pour l'exercice de fonctions de directeur commercial chargé de la vente des matériels proposés par la société, alors même qu'il ne produit aucune pièce susceptible de démontrer qu'il était soumis à des instructions précises des deux autres associés (son père et son frère), tels que des comptes rendus d'activités ou des preuves de contrôle des heures travaillées. Par suite, en rejetant la demande de M. A... tendant à la prise en compte de son activité en tant que salarié au sein de la SARL " Bureau service " à temps plein du 1er septembre 1984 au 31 décembre 2001, le ministre de l'économie, des finances et de la relance a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article 5 du décret du
29 septembre 2005.
6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 2 février 2018.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros qui sera versée à M. A... en application des dispositions de l'article L .761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejetée.
Article 2 : L'État versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à M. C... A....
Délibéré après l'audience du 15 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- Mme Lellouch, première conseillère,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2022.
Le rapporteur,
X. B... La présidente,
C. BRISSON
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT03111