Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2020 par lequel la préfète d'Ille-et-Vilaine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2106180 du 22 février 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 mars 2022, M. A..., représenté par Me Le Bouhris, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 février 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Ille-et-Vilaine, à titre principal de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour et, dans l'attente de ce réexamen, de lui accorder une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier, dès lors que le tribunal ne l'a pas invité à régulariser la production des pièces n° 3 à 142, avant de les écarter des débats, en application des dispositions de l'article R. 412-2 du code de justice administrative ;
- l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet d'Ille-et-Vilaine qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 avril 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les observations de Me Le Bouhris, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant kosovare né le 2 mai 1982, est entré irrégulièrement en France avec son épouse, le 17 février 2015 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée, en dernier lieu le 2 juin 2016 par la Cour nationale du droit d'asile. Le 27 août 2018,
M. A... a déposé une demande de titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article
L. 313-11 et de l'article L. 313-14 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par l'arrêté attaqué du 26 octobre 2020 le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de faire droit à la demande de M. A... et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. A... relève appel du jugement du 22 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 412-2 du code de justice administrative : " Lorsque les parties joignent des pièces à l'appui de leurs requêtes et mémoires, elles en établissent simultanément un inventaire détaillé. Sauf lorsque leur nombre, leur volume ou leurs caractéristiques y font obstacle, ces pièces sont accompagnées d'une copie. Ces obligations sont prescrites aux parties sous peine de voir leurs pièces écartées des débats après invitation à régulariser non suivie d'effet. / L'inventaire détaillé présente, de manière exhaustive, les pièces par un intitulé comprenant, pour chacune d'elles, un numéro dans un ordre continu et croissant ainsi qu'un libellé suffisamment explicite. ".
3. Si le tribunal a relevé, au point 4 de son jugement, que le requérant avait fait état, sans toutefois les produire dans le cadre de l'instance, excepté quatre témoignages de moralité, de nombreuses attestations de soutien, il n'a pour autant pas écarté ces attestations de débats. En effet, il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance que ces pièces aient été effectivement produites. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait méconnu les dispositions précitées, faute d'avoir invité à M. A... à régulariser cette production, ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article L. 313-14 de ce code dans sa rédaction alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article
L. 313-2. (...) ".
5. M. A... séjournait en France avec son épouse depuis cinq ans à la date de l'arrêté contesté. Il justifiait à cette date d'une promesse d'embauche en qualité de manœuvre, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée de douze mois conclu avec la société Te.Ho. Prod, qui avait fait l'objet d'un avis favorable de la DIRECCTE le 29 juillet 2019, ainsi que de deux autres promesses d'embauche. Bien qu'aucune autorisation de travail ne lui avait été notifiée par l'administration, l'intéressé présentait des perspectives sérieuses d'insertion professionnelle.
Par ailleurs, postérieurement à la décision contestée, son épouse qui s'était vu consentir une autorisation provisoire de séjour et de travail, a exercé une activité salariée et avait conclu un contrat de location d'un logement auprès d'un bailleur privé, ce qui corrobore l'existence d'une perspective d'autonomie financière de cette famille. Il ressort, de plus, des très nombreuses attestations produites, pour la première fois, dans le cadre de la présente instance, dont plusieurs sont très circonstanciées, que le requérant, qui a acquis une maîtrise de la langue française et s'est remarquablement investi dans des activités bénévoles, s'est lié, en particulier, avec des habitants de la commune de La-Chapelle-des-Fougeretz. Certains de ces liens, notamment avec la personne qui hébergeait la famille de M. A... depuis quatre ans et avec des membres de la famille de cette dernière, sont d'une particulière intensité. Il en ressort également qu'il est fortement intégré du point de vue social, par le biais de la vie associative notamment, dans cette commune. Dans ces conditions, au regard de l'ensemble des circonstances que fait valoir le requérant, et en dépit du large pouvoir dont dispose l'autorité administrative dans ce domaine, le préfet d'Ille-et-Vilaine a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de ces circonstances en estimant qu'elles ne constituaient pas un motif exceptionnel pour admettre l'intéressé au séjour en application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de titre de séjour du 26 octobre 2020 ainsi que, par voie de conséquence, de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de celle fixant le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
7. Le présent arrêt implique, eu égard au motif qui le fonde, que le préfet de la Loire-Atlantique délivre à M. A... une carte de séjour temporaire. Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
8. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Ainsi, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 200 euros à Me Le Bouhris, avocate de M. A..., dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 22 février 2022 du tribunal administratif de Rennes et l'arrêté du 26 octobre 2020 pris à l'encontre de M. A... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de délivrer à M. A... une carte de séjour, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Me Le Bouhris une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie sera adressée au préfet du Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 115 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente ;
- Mme Lellouch, première conseillère ;
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2022.
Le rapporteur,
X. B...La présidente,
C. BRISSON
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°22NT00859