Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... E... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 21 mars 2022 par lequel le préfet du Finistère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2202017 du 6 juillet 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2022, M. C... E... B..., représenté par Me Mouanga Diatantou, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 6 juillet 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Finistère du 21 mars 2022 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet du Finistère de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au profit de son avocate sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet du Finistère a fait une appréciation erronée des circonstances de l'espèce en remettant en cause son identité et son état civil ;
- l'arrêté en litige a été pris en méconnaissance de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2022, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention franco-burkinabé du 14 septembre 1992 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... E... B..., ressortissant burkinabé se déclarant né le 30 novembre 2002, est entré irrégulièrement en France le 26 septembre 2019. Il a fait l'objet d'un placement à l'aide sociale à l'enfance du Finistère, par jugement du tribunal pour enfants de A... du 20 avril 2020. Le 14 octobre 2020, il a sollicité auprès des services de la préfecture du Finistère la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifié à l'article L. 423-23 du même code, ainsi que la délivrance d'un premier titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant " en application des dispositions des articles 9 de la convention conclue entre le Burkina-Faso et la France le 14 septembre 1992 et 2-2.1 de l'accord France-Burkina-Faso du 10 janvier 2009. Le 26 avril 2021, M. B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifié à l'article L. 435-3 du même code. Enfin, les 26 mai et 11 septembre 2021, M. B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de parent d'enfant français. Par un arrêté du 21 mars 2022, le préfet du Finistère a rejeté ses demandes, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. M. B... relève appel du jugement du 6 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 mars 2022.
2. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. " Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dispositions que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
3. Il est constant que M. B... est le père d'un petit garçon prénommé Nayël né le 14 mai 2021, qu'il a eu avec une ressortissante de nationalité française. S'il ressort des pièces du dossier, notamment de l'acte de naissance de son enfant établi le 15 mai 2021, qu'à cette date, les jeunes parents ne vivaient pas ensemble, il ressort de ces mêmes pièces, notamment des attestations circonstanciées de membres de la famille de la mère de l'enfant, produites pour la première fois en appel, des bulletins de paie produits ainsi que de l'attestation d'Engie que peu de temps après la naissance, M. B... et la mère de l'enfant se sont installés ensemble avec leur fils et la fille issue d'une précédente union de sa compagne âgée de six ans, que M. B... contribue à l'entretien et à l'éducation de son enfant depuis sa naissance ainsi que de sa
belle-fille. En outre, le requérant justifie d'une promesse d'embauche en qualité de salarié commis de cuisine en contrat à durée indéterminée à temps plein par la société qui l'emploie depuis le mois de septembre 2020 en contrat d'apprentissage dans le cadre de son CAP Cuisine. Au regard de l'ensemble de ces éléments, en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Finistère a méconnu, dans les circonstances particulières de l'espèce, l'intérêt supérieur de son enfant.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 mars 2022.
5. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance à M. B... d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de parent d'enfant français. Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Finistère de lui délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de le munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte sollicitée.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement de la somme de 1 200 euros à M. B..., dont la demande d'aide juridictionnelle a été déclarée caduque, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 6 juillet 2022 et l'arrêté du préfet du Finistère du 21 mars 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Finistère de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de le munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
Article 3 : L'État versera à M. B... une somme de 1 200 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie sera adressée au préfet du Finistère
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- Mme Lellouch, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022.
La rapporteure,
J. D...
Le président,
D. Salvi
Le greffier,
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT02408