Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 24 avril 2019 par laquelle le maire de Saint-Jacut-de-la-Mer (Côtes-d'Armor) lui a délivré un certificat d'urbanisme négatif pour un projet de détachement d'un lot en vue de la construction d'une maison individuelle sur un terrain situé 36 rue des Sciaux, cadastré à la section AE sous les nos 74 et 75.
Par un jugement n°1903090 du 19 novembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 décembre 2021 et 17 novembre 2022 (ce dernier non communiqué), Mme C... B..., représentée par Me Jean-Meire, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 19 novembre 2021 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler la décision du 24 avril 2019 du maire de Saint-Jacut-de-la-Mer ;
3°) d'enjoindre à la commune de Saint-Jacut-de-la-Mer de lui délivrer un certificat d'urbanisme positif pour le projet de détachement d'un lot en vue de la construction d'une maison individuelle sur son terrain, à défaut, de procéder au réexamen de la demande dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Jacut-de-la-Mer le versement de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le motif de la décision contestée tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme est entaché d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation ; le projet litigieux s'inscrit au sein d'un espace urbanisé au sens de ces dispositions ;
- le motif de la décision contestée, tiré de ce que le plan local d'urbanisme de Saint-Jacut-de-la-Mer classe en zone naturelle la partie ouest du terrain d'assiette du projet, correspondant au lot à détacher, ne pouvait être légalement opposé dès lors que ce classement est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; la délimitation ne tient pas compte du front bâti ; la parcelle à détacher ne présente aucune sensibilité paysagère forte ; cette illégalité du plan local d'urbanisme a pour effet de remettre en vigueur le plan d'occupation des sols approuvé en 1994, lequel classait le terrain litigieux en zone urbaine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2022, la commune de Saint-Jacut-de-la-Mer, représentée par Me Rouhaud, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B... le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,
- et les observations de Me Jean-Meire, représentant Mme B... et de Me Oueslati, représentant la commune de Saint-Jacut-de-la-Mer.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... B... a présenté à la mairie de Saint-Jacut-de-la-Mer (Côtes-d'Armor), le 15 mars 2019, une demande de certificat d'urbanisme opérationnel pour un projet de détachement en vue de la construction d'une maison individuelle, d'un lot issu d'un terrain situé 36 rue des Sciaux, cadastré à la section AE sous les nos 74 et 75. Par une décision du 24 avril 2019, le maire de Saint-Jacut-de-la-Mer a déclaré que l'opération n'était pas réalisable aux motifs tirés, d'une part, de ce que le projet méconnaît l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme dès lors que le terrain d'assiette du projet est situé en dehors des parties urbanisées de la commune et empiète sur la bande littorale des 100 mètres, d'autre part, de ce que le plan local d'urbanisme communal classe le terrain d'assiette du projet en zone naturelle, au sein de laquelle les nouvelles constructions ne sont pas autorisées. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler cette décision. Par un jugement du 19 novembre 2021, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Mme B... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. / Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. / Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées ". Aux termes de l'article de l'article R. 151-24 du même code : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison :/ 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ;/ 2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière ;/ 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ;/ 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ;/ 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues ".
3. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils peuvent être amenés, à cet effet, à modifier le zonage et à classer en zone naturelle, pour les motifs énoncés à l'article R. 151-24 précité, un secteur qu'ils entendent soustraire pour l'avenir à l'urbanisation, sous réserve que l'appréciation à laquelle ils se livrent ne repose pas sur des faits matériellement inexacts et ne soit pas entachée d'erreur manifeste.
4. Il ressort des pièces du dossier, notamment des orientations figurant au projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme applicable au projet, que la commune a entendu, d'une part, encadrer le développement urbain sur son territoire, notamment en le priorisant dans le bourg, et, d'autre part, préserver les espaces naturels, agricoles et paysagers. Les auteurs du plan local d'urbanisme ont également retenu, au sein du même projet d'aménagement et de développement durables, une orientation générale tendant à la protection et à la mise en valeur du littoral avec comme objectif de mettre " en valeur le paysage ordinaire de Saint-Jacut-de-la-Mer en préservant son cadre de vie et son identité maritime ". A cet égard, les auteurs du plan local d'urbanisme ont identifié et répertorié les espaces remarquables, dont la délimitation inclut la parcelle de la requérante. Pour l'application de l'interdiction de l'urbanisation en dehors des espaces urbanisés dans la bande des 100 mètres, le parti d'aménagement retenu opère une délimitation entre les zones urbaines et les zones naturelles. Par ailleurs, le rapport de présentation du plan local d'urbanisme précise que " Les zones naturelles et forestières se déclinent en trois entités : - Les zones N qui correspondent aux espaces naturels qu'il convient de protéger en raison de la qualité du paysage et des éléments naturels qui le composent. (...) Les zones N correspondent en principal aux corridors écologiques identifiés dans l'état initial de l'environnement. (...). Elles prennent également en compte les coupures d'urbanisation identifiées par le SCoT (...) ainsi qu'une partie de la frange côtière, malgré leur situation en espace urbanisé, car il est souhaitable de ne pas y autoriser de nouvelles constructions pour des raisons d'impact paysager fort et en raison de la sensibilité paysagère de ces sites. (...). " Le rapport de présentation rappelle également les orientations du projet d'aménagement et de développement durables, notamment, celle qui vise à " Préserver et mettre en valeur l'environnement de Saint-Jacut-de-la-Mer " en vue de " protéger les espaces naturels d'intérêts environnementaux forts ". Il ressort des photographies et des plans produits que les parcelles d'assiette du projet litigieux, cadastrées à la section AE sous les nos 74 et 75, présentent une superficie totale de 6 358 m² et supportent deux constructions d'une surface de plancher d'environ 400 m2. Toutefois le lot à détacher présente une superficie de 1270 m2 et ne comprend aucune construction. Il est situé au sein de la bande littorale de 100 mètres et s'inscrit au sein d'un secteur, notamment le long du rivage, présentant de larges parcelles ainsi que de vastes espaces largement arborés. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet serait situé au sein de la zone agglomérée du bourg de la commune de Saint-Jacut-de-la-Mer. Par suite, compte tenu du parti d'urbanisme retenu et des caractéristiques des parcelles d'assiette du projet litigieux, et en dépit de ce qu'elles seraient desservies par des équipements publics, leur classement en zone naturelle n'est ni fondé sur des faits matériellement inexacts ni entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. En outre, la circonstance que la commune aurait légalement pu retenir un classement en zone urbanisée, à la supposer établie, ne peut être utilement invoquée à l'encontre du classement contesté. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité du plan local d'urbanisme de la commune, en ce qu'il classe les parcelles cadastrées à la section AE sous les nos 74 et 75 en zone naturelle, y compris le lot à détacher envisagé par le projet litigieux, doit être écarté.
5. Il résulte de ce qui précède que le maire de Saint-Jacut-de-la-Mer a pu légalement délivrer un certificat d'urbanisme négatif à Mme B... pour le projet envisagé au motif que le terrain d'assiette du projet était situé au sein d'un secteur classé en zone naturelle par le plan local d'urbanisme communal. Il résulte de l'instruction que le maire aurait pris la même décision, en se fondant sur ce seul motif.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 24 avril 2019 par laquelle le maire de Saint-Jacut-de-la-Mer lui a délivré un certificat d'urbanisme négatif pour un projet de détachement d'un lot et de construction d'une maison individuelle sur un terrain situé 36 rue des Sciaux, cadastré à la section AE sous les nos 74 et 75.
Sur les frais liés au litige :
7. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saint-Jacut-de-la-Mer, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme B... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
8. D'autre part, il y a lieu de mettre à la charge de Mme B... le versement à la commune de Saint-Jacut-de-la-Mer d'une somme de 1 500 euros, au titre des mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Mme B... versera une somme de 1 500 euros à la commune de Saint-Jacut-de-la-Mer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à la commune de Saint-Jacut-de-la-Mer.
Délibéré après l'audience du 10 février 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mars 2023.
Le rapporteur,
A. A...Le président,
J. FRANCFORT
La greffière,
H. EL HAMIANI
La République mande et ordonne au préfet des Côtes-d'Armor, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
No 21NT03553