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31/03/2023 | FRANCE | N°22NT02607

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 31 mars 2023, 22NT02607


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. Sous le no 2114084, M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 22 septembre 2021 des autorités consulaires françaises à Conakry (Guinée) refusant de lui délivrer un visa de long séjour portant la mention " passeport talent ".

II. Sous le no 2114489, M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours

formé contre la décision du 22 septembre 2021 des autorités consulaires française...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. Sous le no 2114084, M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 22 septembre 2021 des autorités consulaires françaises à Conakry (Guinée) refusant de lui délivrer un visa de long séjour portant la mention " passeport talent ".

II. Sous le no 2114489, M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 22 septembre 2021 des autorités consulaires françaises à Conakry (Guinée) refusant de lui délivrer un visa de long séjour portant la mention " passeport talent ", ainsi que cette décision consulaire.

Par un jugement nos 2114084, 2114489 du 4 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 24 juillet, 29 août et 18 octobre 2022, M. C... A..., représenté initialement par Me Kouevi puis par Me Ndeko, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé et ne s'est pas prononcé sur le moyen tiré de l'absence de risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires ;

- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France méconnaît les dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-4 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est entachée d'erreur de fait dès lors que son dossier de demande était complet ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation dès lors qu'il remplissait les conditions prévues par l'article L. 421-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation quant au risque de détournement de l'objet du visa ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle se fonde sur une base juridique inexistante en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée en avril 2020, alors qu'il n'était pas présent sur le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique,

- et les observations de Me Ndeko, représentant M. C... A....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant guinéen, né le 1er janvier 1986, a sollicité la délivrance d'un visa de long séjour professionnel de type " passeport talent - création d'entreprise ", auprès des autorités consulaires françaises à Conakry. Par une décision du 22 septembre 2021, ces autorités ont refusé de délivrer le visa sollicité. Par une décision implicite née le 19 décembre 2021, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre cette décision consulaire. M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision de la commission de recours, ainsi que celle des autorités consulaires françaises. M. A... relève appel du jugement du 4 juillet 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Nantes a expressément répondu aux moyens invoqués par le requérant. En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen tiré de ce que la commission de recours aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer le visa sollicité au motif qu'il existait un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité aux motifs qu'il serait insuffisamment motivé ou aurait omis de se prononcer sur un moyen.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Il ressort du mémoire en défense produit par le ministre de l'intérieur en première instance que, pour refuser de délivrer à M. A... le visa sollicité, la commission de recours s'est fondée, d'une part, sur le caractère incomplet de son dossier de demande de visa, d'autre part, sur l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa, sollicité pour créer une entreprise, à d'autres fins, notamment migratoires.

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande (...) ".

5. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... ait demandé communication des motifs de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Par suite, il ne peut utilement soutenir que cette décision est insuffisamment motivée.

6. En deuxième lieu, en l'absence de toute disposition conventionnelle, législative ou réglementaire déterminant les cas où le visa peut être refusé à un étranger désirant se rendre en France, les autorités françaises, saisies d'une telle demande, disposent, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'un large pouvoir d'appréciation et peuvent se fonder non seulement sur des motifs tenant à l'ordre public, tel que le détournement de l'objet du visa, mais aussi sur toute considération d'intérêt général.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a résidé en France entre 2008 et 2017 sous couvert d'une carte de séjour portant la mention " étudiant ", plusieurs fois renouvelée, puis a fait l'objet d'une première obligation de quitter le territoire français par un arrêté du 10 janvier 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône et d'une seconde obligation de quitter le territoire français par un arrêté du 10 août 2020 du même préfet. S'il justifie avoir obtenu, après huit années d'inscription dans ce cursus, une licence de mathématiques à l'université d'Aix-Marseille, il n'établit pas, contrairement à ce qu'il soutient, avoir obtenu sa première année de master 1 en mathématiques au sein de la même université, malgré trois inscriptions successives dans ce cursus entre 2016 et 2019, ni, a fortiori, avoir obtenu un diplôme équivalent au grade de master. Il ne justifie pas davantage d'une expérience professionnelle d'au moins cinq ans d'un niveau comparable à un tel diplôme en se bornant à produire un certificat de travail en tant que " distributeur " au sein de la société Mediapost. Enfin, l'intéressé ne justifie pas d'un projet économique réel et sérieux en vue de la création d'une entreprise en France. M. A... n'est ainsi manifestement pas susceptible de remplir les conditions, fixées par l'article L. 421-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui permettant d'obtenir la carte de séjour pluriannuelle portant la mention " passeport talent " qu'il entend solliciter en France pour y créer une entreprise. Dans ces conditions, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas commis d'erreur de droit ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en rejetant le recours dont elle était saisie au motif qu'il existait un risque sérieux de détournement de l'objet du visa.

8. Il résulte de l'instruction que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur ce seul motif.

9. En dernier lieu, s'il est vrai, ainsi qu'il a été dit, que M. A... a résidé en France entre 2008 et 2017 sous couvert de titres de séjour en qualité d'étudiant, il ressort des pièces du dossier qu'il s'est ensuite maintenu irrégulièrement sur le territoire français et que, âgé de 35 ans à la date de la décision contestée, il est célibataire et sans enfant. Il ne démontre par ailleurs pas être dépourvu d'attaches familiales en Guinée, où il a déjà vécu jusqu'à l'âge de 22 ans et depuis 2020. Dès lors, la décision contestée n'a pas portée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise à son droit à mener une vie privée et familiale normale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. A..., n'implique aucune mesure d'exécution. Dès lors, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui à l'occasion du litige soumis au juge.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mars 2023.

Le rapporteur,

F.-X. B...La présidente,

C. Buffet

La greffière,

A. Lemée

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 22NT02607


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02607
Date de la décision : 31/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : NDEKO

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-03-31;22nt02607 ?
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