Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la préfète d'Indre-et-Loire a rejeté sa demande du 17 août 2017 tendant à ce qu'elle s'oppose à l'exploitation d'un débit de boissons de quatrième catégorie dont M. B... C... est propriétaire.
Par un jugement n° 1703909 du 25 avril 2019, le tribunal administratif d'Orléans a annulé cette décision et enjoint à la préfète d'Indre-et-Loire de procéder au retrait du récépissé de déclaration délivré à M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour avant cassation :
I. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 19NT02392 le 21 juin 2019 et le 20 mai 2020, M. B... C..., représenté par Me Prieto, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 25 avril 2019 ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif d'Orléans par l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours ;
3°) de mettre à la charge de l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le récépissé de sa déclaration préalable de mutation et de translation de débit de boissons ne méconnait pas les dispositions de l'arrêté du préfet d'Indre-et-Loire du 2 avril 1997 qui ne réglemente que les nouveaux débits de boissons et non ceux existant déjà au sein du périmètre de protection de 75 mètres ; la translation d'un débit de boissons effectuée par son propriétaire n'est pas considérée comme l'ouverture d'un nouveau débit de boissons en application de l'article L. 3332-7 du code de la santé publique ; il était propriétaire d'un fonds de commerce et la licence de quatrième catégorie portant autorisation de vendre pour consommer sur place toutes les boissons alcoolisées légales sur le territoire avait intégré ce fonds du fait de la mutation ;
- le tribunal administratif d'Orléans a commis une erreur de fait sur le vendeur de la licence de quatrième catégorie.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 mars 2020 et le 23 juin 2020, l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours, représentée par Me Damiens, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de M. C... ;
2°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète d'Indre-et-Loire de prendre une nouvelle décision dans un délai de quinze jours ;
3°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les dispositions de l'arrêté préfectoral du 2 avril 1997 ont été méconnues ; M. C... n'étant pas propriétaire du fonds de commerce exploité au 23 rue de la Monnaie ou un ayant-droit de ce propriétaire, la mutation demandée ne constitue pas une translation au sens des dispositions de l'article L. 3332-7 du code de la santé publique, mais l'ouverture d'un nouveau débit de boissons au sein du périmètre réglementé par l'arrêté préfectoral du 2 avril 1997 ; les dispositions de l'article L. 3332-2 du code de la santé publique ont aussi été méconnues ;
- aucune des conditions nécessaires pour la reconnaissance d'une décision créatrice de droit n'est réunie dans le cas de la délivrance d'un récépissé de déclaration préalable de translation ou de transfert d'un débit de boissons ; en effet, la délivrance d'un récépissé est un acte administratif purement recognitif non créateur de droit qui peut être retiré postérieurement au délai de quatre mois conformément aux dispositions de L. 243-1 du code des relations entre le public et l'administration ; cette délivrance ne devient pas non plus un acte administratif créateur de droits postérieurement au délai de quinze jours imparti pour le contrôle a posteriori de la déclaration ; l'apposition sur la façade de l'établissement d'une plaque portant la mention " licence IV " ne peut avoir pour effet de regarder les informations mentionnées sur la plaque comme étant suffisantes pour faire courir le délai de recours contentieux contre le récépissé ; le délai de recours gracieux a été ouvert le 14 août 2017 par la transmission par les services de la mairie à l'association des documents relatifs à la licence concernée et à sa mutation au profit de M. C... ; le délai de recours contentieux est toujours ouvert ; tant que les délais de recours ne sont pas épuisés, la délivrance du récépissé ne constitue pas un acte créateur de droits et peut être modifié ou abrogé sans délai en application de l'article L. 243-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- à titre subsidiaire, l'autorité administrative, lorsqu'elle constate qu'une de ses décisions ayant créé des droits est entachée d'une illégalité de nature à en entrainer l'annulation par voie contentieuse peut en prononcer elle-même l'annulation tant que les délais de recours contentieux ne sont pas expirés ; dès lors, quand bien même la délivrance du récépissé serait assimilée à une décision créatrice de droit, il appartenait à la préfète d'Indre-et-Loire de prononcer son retrait avant l'expiration du délai de recours ouvert le 14 août 2017 ;
- pour les mêmes motifs, c'est à bon droit que le tribunal administratif d'Orléans a ordonné à la préfète d'Indre-et-Loire de retirer à M. C... le récépissé de déclaration préalable de translation dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement qui constatait l'illégalité de l'acte ;
- à titre subsidiaire, il doit être enjoint à la préfète d'Indre-et-Loire de prendre à nouveau une décision dans un délai de quinze jours compte-tenu de l'illégalité de la délivrance du récépissé de la déclaration préalable.
II. Par une requête, enregistrée sous le n° 19NT02461 le 24 juin 2019, la préfète d'Indre-et-Loire demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1703909 du tribunal administratif d'Orléans du 25 avril 2019 ;
2°) de rejeter les demandes présentées devant le tribunal administratif d'Orléans par l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier puisque le jugement qui lui a été notifié ne comporte aucune des signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- le tribunal administratif a requalifié à tort la déclaration préalable de M. C..., qui était une déclaration de translation et de mutation de la licence de quatrième catégorie, en déclaration d'ouverture d'un nouveau débit de boissons ; il n'y a pas eu de méconnaissance de l'article R. 3335-15 du code de la santé publique et de l'arrêté préfectoral du 2 avril 1997 ; les conditions posées par l'article L. 3332-7 du code de la santé publique sont cumulatives et cet article implique de prendre en compte le propriétaire actuel du fonds de commerce, soit l'acquéreur indiqué dans le formulaire ; M. C... est non seulement l'exploitant du débit de boissons mais également le propriétaire du fonds de commerce auquel la licence est désormais rattachée, conformément à l'article R. 3332-7 du code de la santé publique ; les zones protégées par l'arrêté préfectoral du 2 avril 1997 ne font pas partie de celles qui font l'objet de restrictions en application du 2° de l'article L. 3332-7 du code de la santé publique ; la licence était exploitée avant mutation au sein de la même zone protégée ; la mutation et la translation n'ont donc pas changé le nombre de débits existants dans la zone délimitée par l'arrêté du 2 avril 1997 ;
- elle était en situation de compétence liée pour rejeter la demande de l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire ; lors de son dépôt et pendant un délai de quinze jours, la déclaration préalable en matière de débit de boissons n'est pas une décision créatrice de droits et doit être qualifiée de décision récognitive au sens de l'article L. 243-1 du code des relations entre le public et l'administration ; le récépissé de déclaration préalable du débit de boissons constitue néanmoins une décision créatrice de droits pour son destinataire lorsqu'il est maintenu après l'expiration du délai de quinze jours suivant la signature du récépissé en mairie ; le retrait d'une décision créatrice de droit ne peut être effectuée en cas d'illégalité que dans un délai de quatre mois conformément à l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration ; elle était tenue de rejeter la demande de l'association qui lui est parvenue après l'écoulement de ce délai de quatre mois ;
- pour les mêmes motifs, les premiers juges ne pouvaient lui enjoindre de retirer le récépissé de déclaration délivré à M. C... en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, alors qu'un simple réexamen de la demande de l'association était nécessaire conformément à l'article L. 911-2 du code de justice administrative.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 décembre 2019, le 17 mars 2020 et le 23 juillet 2020, l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours, représentée par Me Damiens-Cerf, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de la préfète d'Indre-et-Loire ;
2°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète d'Indre-et-Loire de prendre une nouvelle décision dans un délai de quinze jours ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de M. C... les sommes de 4 000 euros chacun en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les dispositions de l'arrêté préfectoral du 2 avril 1997 ont été méconnues ; M. C... n'étant pas propriétaire du fonds de commerce exploité au 23 rue de la Monnaie ou un ayant-droit de ce propriétaire, la mutation demandée ne constitue pas une translation au sens des dispositions de l'article L. 3332-7 du code de la santé publique, mais l'ouverture d'un nouveau débit de boissons au sein du périmètre réglementé par l'arrêté préfectoral du 2 avril 1997 ; les dispositions de l'article L. 3332-2 du code de la santé publique ont aussi été méconnues ;
- aucune des conditions nécessaires pour la reconnaissance d'une décision créatrice de droit n'est réunie dans le cas de la délivrance d'un récépissé de déclaration préalable de translation ou de transfert d'un débit de boissons ; en effet, la délivrance d'un récépissé est un acte administratif purement recognitif non créateurs de droit qui peut être retiré postérieurement au délai de quatre mois, conformément aux dispositions de L. 243-1 du code des relations entre le public et l'administration ; elle ne devient pas non plus un acte administratif créateur de droits postérieurement au délai de quinze jours imparti pour le contrôle a posteriori de la déclaration ; l'apposition sur la façade de l'établissement d'une plaque portant la mention " licence IV " ne pouvait avoir pour effet de regarder les informations mentionnées sur la plaque comme étant suffisantes pour faire courir le délai de recours contentieux contre le récépissé ; le délai de recours gracieux a été ouvert le 14 août 2017 par la transmission par les services de la mairie à l'association des documents relatifs à la licence concernée et à sa mutation au profit de M. C... ; le délai de recours contentieux est toujours ouvert ; tant que les délais de recours ne sont pas épuisés, la délivrance du récépissé ne constitue pas un acte créateur de droits et peut être modifié ou abrogé sans délai en application de l'article L. 243-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- à titre subsidiaire, l'autorité administrative, lorsqu'elle constate qu'une de ses décisions ayant créé des droits est entachée d'une illégalité de nature à en entrainer l'annulation par voie contentieuse peut en prononcer elle-même l'annulation tant que les délais de recours contentieux ne sont pas expirés ; dès lors quand bien même la délivrance du récépissé serait assimilée à une décision créatrice de droit, il appartenait à la préfète d'Indre-et-Loire de prononcer son retrait avant l'expiration du délai de recours ouvert le 14 août 2017 ;
- pour les mêmes motifs, c'est à bon droit que le tribunal administratif d'Orléans a ordonné à la préfète d'Indre-et-Loire de retirer à M. C... le récépissé de déclaration préalable de translation dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement qui constatait l'illégalité de l'acte ;
- à titre subsidiaire, il doit être enjoint à la préfète d'Indre-et-Loire de prendre à nouveau une décision dans un délai de quinze jours compte-tenu de l'illégalité de la délivrance du récépissé de la déclaration préalable.
Par un mémoire, enregistré le 27 mars 2020, M. C..., représenté par Me Prieto, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1703909 du tribunal administratif d'Orléans du 25 avril 2019 ;
2°) de rejeter la demande de l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire présentée devant le tribunal administratif d'Orléans ;
3°) de mettre à la charge de l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que le récépissé de sa déclaration préalable de mutation et de translation de débit de boissons ne méconnait pas les dispositions de l'arrêté du préfet d'Indre-et-Loire du 2 avril 1997 qui ne réglemente que les nouveaux débits de boissons et non ceux existant déjà au sein du périmètre de protection de 75 mètres ; la translation d'un débit de boissons effectuée par son propriétaire n'est pas considérée comme l'ouverture d'un nouveau débit de boissons en application de l'article L. 3332-7 du code de la santé publique ; il était propriétaire du fonds de commerce et la licence de quatrième catégorie portant autorisation de vendre pour consommer sur place toutes les boissons alcoolisées légales sur le territoire avait intégré ce fonds du fait de la mutation; il est donc propriétaire du fonds auquel la licence est attachée.
Par un arrêt nos 19NT02392, 19NT02461 du 2 octobre 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté les appels formés par M. C... et par la préfète d'Indre-et-Loire contre ce jugement du 25 février 2019 du tribunal administratif d'Orléans.
Par une décision n°447143 du 12 juillet 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt nos 19NT02392, 19NT02461 du 2 octobre 2020 et a renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Nantes, où elle a été enregistrée sous le n°22NT02232.
Procédure devant la cour après cassation :
Par des mémoires, enregistrés sous le n° 22NT02232 les 10 août et 9 septembre 2022, M. C..., représenté par Me Prieto, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 25 avril 2019 ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif d'Orléans par l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours ;
3°) de mettre à la charge de l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- ni le maire ni le préfet ne disposaient du pouvoir de s'opposer à une déclaration préalable de mutation et de translation d'un débit de boisson de quatrième catégorie ; l'ensemble des moyens soulevés par l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire à l'encontre de la décision de rejet implicite de la préfète d'Indre-et-Loire est donc inopérant ;
- il a procédé à une déclaration de translation et de mutation au profit de son établissement d'une licence de débit de boissons après l'avoir acquise et non à l'ouverture d'un nouveau débit de boissons au sens de l'article L. 3332-1 et suivants du code de la santé publique ; or l'arrêté préfectoral du 2 avril 1997 ne vise que l'ouverture ou le transfert d'un nouveau débit de boissons autour des débits existants dans le périmètre de protection de 75 mètres ; sa déclaration n'est donc pas susceptible d'entrer dans le champ de cet arrêté ;
- pour l'interprétation de l'article L. 3332-7 du code de la santé publique, il y a lieu de tenir compte de l'existence d'une mutation de la licence de quatrième catégorie concomitante à sa translation ; il appartient ainsi au nouvel acquéreur de la licence par un contrat de cession de licence, également propriétaire d'un fonds de commerce auquel la licence vient d'être rattachée, de réaliser auprès de la préfecture l'ensemble des formalités administratives en qualité de propriétaire du fonds de commerce au sens et pour application de ces dispositions et cet opération ne peut être qualifiée de création d'un nouveau débit de boissons ; il répond donc aux exigences de cet article L. 3332-7 du code de la santé publique ; cette opération de mutation et de translation de licence de débit de boissons n'a d'ailleurs pas eu pour effet d'accroitre le nombre de débit de boissons à consommer sur place dans le périmètre de protection ; les conditions posées par l'arrêté préfectoral du 2 avril 1997 ont dès lors été respectées ;
- la préfète d'Indre-et-Loire ne pouvait exercer son pouvoir hiérarchique sur le maire et procéder au retrait du récépissé dans la mesure où le délai de quatre mois prévu à l'article L. 243-3 du code des relations entre le public et l'administration était expiré.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 26 août et le 7 novembre 2022 (ce dernier non communiqué), l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire, représentée par Me Vieillemaringe, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de M. C... ;
2°) de rejeter les conclusions du préfet d'Indre-et-Loire ;
3°) de mettre à la charge de M. C... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
5°) de condamner M. C... et l'Etat à lui rembourser une somme de 550 euros au titre de frais d'huissier.
Elle soutient que :
- le Conseil d'Etat a fait une interprétation erronée des textes applicables puisque le maire dispose d'un pouvoir de police générale concernant notamment l'ouverture d'un débit de boissons en vertu des dispositions des articles L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales et L. 3332-3 du code de la santé publique ; l'objectif de la transmission de la déclaration préalable par le maire au préfet est de lui permettre de vérifier la légalité de l'opération au regard des dispositions de l'arrêté préfectoral du 2 avril 1997, qui a la possibilité d'ordonner au maire, même sans texte, en vertu de son pouvoir hiérarchique de retirer son récépissé ou de procéder lui-même au retrait du récépissé ;
- l'opération réalisée par M. C... méconnaît les dispositions de l'arrêté préfectoral du 2 avril 1997 ainsi que l'article L. 3332-2 du code de la santé publique ; il ne s'agit pas d'une opération de translation de licence de débit de boissons visée par les dispositions de l'article L. 3332-7 du même code mais d'une ouverture d'un nouveau débit de boissons dans le périmètre réglementé par l'arrêté préfectoral ; tout au plus, il est possible de voir dans cette opération un transfert d'une licence de débit de boissons dont la demande est appréciée au regard de l'article L. 3332-11 du code la santé publique ;
- l'injonction du tribunal administratif d'Orléans de procéder au retrait du récépissé de déclaration délivré à M. C... était justifiée dès lors que le récépissé de déclaration n'est pas créateur de droits, tout comme l'expiration du délai de quinze jours prévu à l'article L. 3332-3 du code de la santé publique ; l'activité de vente de boissons alcoolisées par M. C... était illégale.
Par un mémoire, enregistré le 20 octobre 2022, la préfète d'Indre-et-Loire conclut au rejet des conclusions de l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire.
Elle soutient que :
- elle ne dispose d'aucun pouvoir de police administrative lui permettant d'interdire l'exploitation de la licence de quatrième catégorie de débit de boissons comme demandé par l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire ; elle était donc tenue de rejeter comme infondée sa demande ;
- aucun motif ne lui permet de fermer temporairement le débit de boissons de
M. C... en vertu du 1° de l'article L. 3335-15 du code de la santé publique ;
- dans le cadre d'un régime de déclaration préalable d'exploitation d'un débit de boissons, elle n'a pas la possibilité de retirer la délivrance d'un récépissé en vue de s'opposer à cette exploitation ;
- il aurait été plus opportun pour l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de saisir l'autorité judiciaire pour demander le respect de l'arrêté préfectoral du 2 avril 1997 en interdisant l'exploitation de la licence de quatrième catégorie par M. C... au sein de son établissement ;
- quoi qu'il en soit, à la lumière des dispositions des articles L. 3332-3 et L. 3332-4 du code de la santé publique relatives aux conditions de déclaration d'une translation, il appartient au propriétaire du fonds de commerce envisageant l'exploitation du débit de boissons, ici l'acquéreur de la licence, M. C..., de déclarer l'opération de translation ; une autre interprétation des dispositions de l'article L. 3332-7 du code de la santé publique serait contraire au droit commercial qui reconnaît le détachement d'une licence de quatrième catégorie de son fonds de commerce initial en vue de son intégration à un autre fonds de commerce situé à un autre endroit ; en outre, la translation n'a pas été opérée dans une zone établie par application des articles L. 3335-1, L. 3335-2 et L. 3335-8 du code de la santé publique ; M. C... n'a donc méconnu ni l'article L. 3332-7 du code de la santé publique ni l'arrêté préfectoral du 2 avril 1997 et rien ne s'opposait à ce que la licence soit exploitée dans son établissement ;
- l'effectivité de l'exploitation d'une licence IV au sein de l'établissement de M. C... au moment de la prise de décision implicite n'est pas démontrée par la seule présence d'une plaque de licence IV sur la façade ; à supposer que les faits soient constitutifs d'une infraction, elle n'était pas tenue de prendre une mesure de fermeture administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de M. Pons, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., propriétaire de l'établissement dénommé " Rose Bonbon ", a présenté au maire de Tours, le 16 février 2017, une déclaration préalable de mutation du gérant et translation d'un débit de boissons de quatrième catégorie. Le maire de Tours lui en a donné récépissé le même jour. Par un jugement du 25 avril 2019, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision implicite par laquelle la préfète d'Indre-et-Loire a rejeté la demande du 17 août 2017 de l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours tendant à ce qu'elle s'oppose à l'exploitation de ce débit de boissons et a enjoint à la même préfète de procéder au retrait du récépissé de déclaration dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. M. C... et la préfète d'Indre-et-Loire relèvent appel de ce jugement.
Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :
2. Aux termes de l'article L. 3332-3 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la date de la décision litigieuse : " Une personne qui veut ouvrir un café, un cabaret, un débit de boissons à consommer sur place et y vendre de l'alcool est tenue de faire, quinze jours au moins à l'avance et par écrit, une déclaration indiquant : / 1° Ses nom, prénoms, lieu de naissance, profession et domicile ; / 2° La situation du débit ; / 3° A quel titre elle doit gérer le débit et les nom, prénoms, profession et domicile du propriétaire s'il y a lieu ; / 4° La catégorie du débit qu'elle se propose d'ouvrir ; / 5° Le permis d'exploitation attestant de sa participation à la formation visée à l'article L. 3332-1-1. / La déclaration est faite à Paris à la préfecture de police et, dans les autres communes, à la mairie ; il en est donné immédiatement récépissé. / Dans les trois jours de la déclaration, le maire de la commune où elle a été faite en transmet copie intégrale au procureur de la République ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département ". Aux termes de l'article L. 3332-4 du même code : " Une mutation dans la personne du propriétaire ou du gérant d'un café ou débit de boissons vendant de l'alcool à consommer sur place doit faire, quinze jours au moins à l'avance et par écrit, l'objet d'une déclaration identique à celle qui est requise pour l'ouverture d'un débit nouveau. (...) / Cette déclaration est reçue et transmise dans les mêmes conditions. / Une translation d'un lieu à un autre doit être déclarée quinze jours au moins à l'avance, dans les mêmes conditions ". Aux termes de l'article L. 3332-2 du même code : " L'ouverture d'un nouvel établissement de 4e catégorie est interdite en dehors des cas prévus par l'article L. 3334-1 " et, aux termes de l'article L. 3332-7 : " N'est pas considérée comme ouverture d'un nouveau débit la translation sur le territoire d'une commune d'un débit déjà existant : / 1° Si elle est effectuée par le propriétaire du fonds de commerce ou ses ayants droit et si elle n'augmente pas le nombre des débits existant dans ladite commune ; / 2° Si elle n'est pas opérée dans une zone établie par application des articles L. 3335-1, L. 3335-2, L. 3335-8 ". Enfin, l'article L. 1332-15 du même code prévoit, dans sa rédaction applicable, que : " 1. La fermeture des débits de boissons et des restaurants peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas six mois, à la suite d'infractions aux lois et règlements relatifs à ces établissements. / Cette fermeture doit être précédée d'un avertissement qui peut, le cas échéant, s'y substituer, lorsque les faits susceptibles de justifier cette fermeture résultent d'une défaillance exceptionnelle de l'exploitant ou à laquelle il lui est aisé de remédier. / (...) " et l'article L. 3352-2 prévoit que : " L'ouverture d'un débit de boissons à consommer sur place de 3e ou de 4e catégorie, en dehors des conditions prévues par le présent titre, est punie de 3 750 euros d'amende. / La fermeture du débit est prononcée par le jugement ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'intervention du maire, qui, en ce domaine, agit en qualité d'agent de l'Etat, doit se borner à constater l'accomplissement de la formalité de déclaration d'ouverture d'un débit de boissons, de mutation dans la personne de son propriétaire ou de son gérant ou de translation d'un lieu à un autre qui lui est présentée et à en délivrer récépissé, sans examen de la capacité du requérant, de la situation du débit ou de la régularité de l'opération envisagée et à en transmettre copie intégrale au représentant de l'Etat dans le département, ainsi que, en l'état des textes applicables, au procureur de la République. S'il appartient, le cas échéant, d'une part, au procureur de la République, susceptible d'être à tout moment saisi, de rechercher et de poursuivre les infractions qui pourraient être commises, et, d'autre part, au préfet de faire usage après l'ouverture, la mutation ou la translation du débit de boissons, de ses pouvoirs de police administrative lorsque la situation le justifie, il n'appartient en revanche pas au maire ni, par suite, au préfet, de s'opposer à l'opération envisagée avant sa réalisation.
4. L'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours a demandé à la préfète d'Indre-et-Loire de " faire respecter " l'arrêté préfectoral du 2 août 1997 en " interdisant l'exploitation de cette licence IV [accordée à l'établissement Rose Bonbon], à cette adresse ". Toutefois, il résulte de ce qui vient d'être dit que la préfète d'Indre-et-Loire était tenue de rejeter cette demande tendant à ce qu'elle s'oppose, avant la réalisation de l'opération déclarée, à l'exploitation du débit de boisson dénommé " Rose Bonbon ". Il suit de là que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans s'est fondé, pour annuler la décision implicite par laquelle la préfète d'Indre-et-Loire a rejeté la demande de l'association du 17 août 2017 tendant à ce qu'elle s'oppose à l'exploitation d'un débit de boissons de quatrième catégorie dont M. C... est propriétaire, sur la méconnaissance par cette décision des prescriptions de l'arrêté préfectoral du 2 août 1997.
5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours devant le tribunal administratif d'Orléans et la cour.
Sur les autres moyens invoqués par l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours :
6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que, la préfète d'Indre-et-Loire étant tenue de rejeter la demande dont l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours l'avait saisie et tendant à ce qu'elle s'oppose, avant la réalisation de l'opération déclarée, à l'exploitation du débit de boisson dénommé " Rose Bonbon ", doivent être écartés comme inopérants les moyens tirés par cette association de ce qu'ont été méconnues les dispositions des articles L. 3332-2 et L. 3332-7 du code de la santé publique ainsi que les dispositions des articles L. 243-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration.
7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen de la préfète d'Indre-et-Loire concernant la régularité du jugement attaqué, que M. C... et la préfète sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision implicite attaquée.
Sur les conclusions de l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours tendant au paiement de frais d'huissier :
8. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante (...) ".
9. Les conclusions de l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours tendant à la condamnation de M. C... et de l'Etat, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, à lui verser une somme de 550 euros au titre des frais d'huissier qu'elle a exposés, doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Les conclusions de l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours tendant à la condamnation de M. C... et de l'Etat à lui verser une somme au titre de ces dispositions doivent donc être rejetées. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette association une somme de 1 500 euros à verser à M. C... au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 25 avril 2019 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours devant le tribunal administratif d'Orléans et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : L'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours versera à M. C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C..., à l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 24 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Couvert-Castéra, président de la cour,
- M. Derlange, président-assesseur,
- Mme Chollet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 avril 2023.
La rapporteure,
L. A...
Le président de la cour,
O. COUVERT-CASTÉRA
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT02232