Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 2 mars 2018 du président du conseil départemental D... en tant qu'il l'a placée en congé de longue maladie d'office rétroactivement à compter du 8 novembre 2016 et à
demi-traitement à compter du 8 novembre 2017.
Par un jugement n° 1801999 du 29 juin 2021, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 2 mars 2018 en tant qu'il place Mme B... en congé de longue maladie d'office rétroactivement à compter du 8 novembre 2016 et a enjoint au président du conseil départemental D... de la placer juridiquement en position d'activité à compter du 8 novembre 2016 et d'en tirer les conséquences en reconstituant sa situation en termes de droit au traitement, sous réserve d'éléments postérieurs y faisant obstacle.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 juillet 2021 et 26 janvier 2023, le département E..., représenté par Me Bonnat et Me Costard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 29 juin 2021 ;
2°) de rejeter la demande de première instance de Mme B... ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il ne précise pas la date retenue pour apprécier l'état de santé de l'intéressée ;
- il n'a pas commis d'erreur d'appréciation de l'état de santé de Mme B... en estimant que son état de santé justifiait à compter du 8 novembre 2016 son placement en congé de maladie d'office.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 janvier 2023 et 15 février 2023, Mme A... B... demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :
à titre principal :
1°) de rejeter la requête du département D... ;
2°) par la voie de l'appel incident, d'enjoindre au président du conseil départemental D... de la replacer rétroactivement en position d'activité à compter du 8 novembre 2016, de régulariser en conséquence sa situation en termes de droit à traitement, à ancienneté et à avancement, de l'affecter sur un emploi ne relevant pas de la direction des moyens généraux et ne correspondant pas à un travail social de terrain, et de lui verser la somme de 1 500 euros mise à sa charge par le jugement attaqué, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
à titre subsidiaire, statuant de nouveau :
1°) d'annuler l'arrêté du 2 mars 2018 du président du conseil départemental D... en tant qu'il l'a placée en congé de longue maladie d'office à compter du 8 novembre 2016 à plein traitement puis à demi-traitement à compter du 8 novembre 2017 ;
2°) d'enjoindre au président du conseil départemental D... de prendre une décision reconnaissant son aptitude professionnelle et de la replacer rétroactivement en position d'activité à compter du 8 novembre 2016 et de régulariser en conséquence sa situation en termes de droit à traitement, à ancienneté et à l'avancement, de l'affecter sur un emploi ne relevant pas de la direction des moyens généraux et ne correspondant pas à un travail social de terrain, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
- en toute hypothèse, de mettre à la charge du département D... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens invoqués par le département E... ne sont pas fondés ;
- la procédure est irrégulière, dès lors qu'aucune disposition légale n'autorisait l'administration à la soumettre à un examen médical préalable réalisé par un médecin agréé unilatéralement désigné par l'administration ;
- la procédure est encore irrégulière, en ce qu'elle méconnaît l'avant-dernier alinéa de l'article 25 du décret du 30 juillet 1987, dès lors que le comité médical supérieur n'a pas été saisi et que l'avis du comité médical lui a été notifié en même temps que l'arrêté la plaçant en congé de longue maladie d'office ;
- l'arrêté en litige est illégal en ce qu'il constitue une sanction disciplinaire déguisée ;
- elle n'a pas été mise en mesure de faire entendre le médecin de son choix par le comité médical ;
- le comité médical n'a pas tenu compte de l'expertise judiciaire ;
- le comité médical a statué au vu d'un dossier incomplet ;
- l'autorité territoriale s'est crue liée à tort par l'avis du comité médical.
Deux mémoires, enregistrés le 1er mars 2023, présentés l'un pour le département D... et l'autre pour Mme B..., n'ont pas été communiqués.
Vu les pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,
- et les observations de Me Costard, représentant le département D..., et de Me Di Stefano, représentant Mme B....
Une note en délibéré, enregistrée le 12 avril 2023, a été présentée pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., rédactrice territoriale titulaire du département (/PSEUDO)D...(/PSEUDO) en dernier lieu affectée à la direction des moyens généraux, a été placée en congé de maladie ordinaire du 26 août au 11 novembre 2016. Au vu du parcours et du comportement de l'intéressée au sein de la collectivité, le département a estimé que Mme B... était atteinte d'une maladie psychique altérant sa perception de la réalité et perturbant de manière grave son entourage professionnel au point de remettre en cause son aptitude à reprendre ses fonctions. Après avoir mandaté un expert psychiatre et sur la base des conclusions du rapport de cet expert, l'autorité territoriale a saisi le comité médical d'une demande de placement en congé de longue maladie d'office ou de mise à la retraite d'office. Le comité médical a diligenté une nouvelle expertise. Le psychiatre désigné exerçant dans le même établissement hospitalier que celui mandaté par la collectivité, Mme B... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Rennes. Par ordonnance du 4 juillet 2017, le juge des référés de ce tribunal a ordonné une expertise judiciaire confiée à un expert psychiatre qui a remis son rapport le 19 décembre 2017. Après avis favorable du comité médical, le président du conseil départemental D... a, par arrêté du 2 mars 2018, décidé de placer Mme B... en congé de longue maladie d'office à compter du 8 novembre 2016. Le département D... relève appel du jugement du 29 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté et lui a enjoint de reconstituer la carrière de Mme B... à compter du 8 novembre 2016 en la plaçant juridiquement en position d'activité.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dans sa version applicable au présent litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. "
3. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'expertise judiciaire, que la santé psychique de Mme B..., qui était en congé de maladie ordinaire, présentait à compter du 8 novembre 2016 des éléments anxieux et dépressifs qui, compte tenu de sa personnalité de type sensitif et de la sous-estimation du niveau de conflit autour d'elle, rendaient impossibles la reprise de ses fonctions sur le poste sur lequel elle était affectée et qu'un changement de service était impératif. Mme B..., qui se borne à contester qu'elle serait inapte à toute fonction ou toute mission de service public, admet que son état de santé psychique faisait obstacle à ce qu'elle reprenne les fonctions qu'elle exerçait à la date de l'arrêté en litige. Les attestations du psychiatre-psychothérapeute qui la suit ainsi que d'un généraliste selon lesquelles elle serait apte à reprendre son activité professionnelle, ne sont pas de nature à remettre en cause les conclusions étayées de l'expert judiciaire ainsi que l'avis du comité médical départemental, se positionnant sur son inaptitude à la reprise de ses fonctions sur l'emploi sur lequel elle était affectée. Il s'ensuit que l'état de santé psychique de Mme B..., pour lequel elle était régulièrement suivie et traitée, la mettait dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions au sein de la direction des moyens généraux du département, et devait par conséquent être regardé comme rendant nécessaire un traitement et des soins prolongés et présentant un caractère invalidant et de gravité confirmée. Dès lors, le département D... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur le moyen tiré de ce que le président du conseil départemental D... aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 pour annuler l'arrêté plaçant Mme B... en position de congé de longue maladie d'office à compter du 8 novembre 2016.
4. Il appartient à la cour, par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme B... à l'encontre de cet arrêté.
Sur les autres moyens invoqués par Mme B... :
5. Aux termes de l'article 24 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant disposition statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté en litige : " Lorsque l'autorité territoriale estime, au vu d'une attestation médicale ou sur le rapport des supérieurs d'un fonctionnaire, que celui-ci se trouve dans la situation prévue à l'article 57 (3° ou 4°) de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 susvisée, elle peut provoquer l'examen médical de l'intéressé dans les conditions prévues aux alinéas 3 et suivants de l'article 25 ci-dessous. Un rapport écrit du médecin du service de médecine préventive attaché à la collectivité ou établissement dont relève le fonctionnaire concerné doit figurer au dossier. ". Les alinéas 3 et suivants des dispositions de l'article 25 du même décret auquel il est ainsi renvoyé disposent que : " Au vu de ces pièces, le secrétaire du comité médical fait procéder à la contre-visite du demandeur par un médecin agréé compétent pour l'affection en cause. / Le dossier est ensuite soumis au comité médical. Si le médecin agréé qui a procédé à la contre-visite ne siège pas au comité médical, il peut être entendu par celui-ci. / L'avis du comité médical est transmis à l'autorité territoriale qui, en cas de contestation de sa part ou du fonctionnaire intéressé, le soumet pour avis au comité médical supérieur visé à l'article 5 du présent décret. ".
6. Si le département D... a mandaté un expert psychiatre agréé avant de saisir le comité médical pour que ce spécialiste se prononce sur le placement de l'intéressée en congé de longue maladie ou en disponibilité d'office, il ressort des pièces du dossier qu'après que ce praticien a remis son rapport, l'autorité territoriale a saisi le comité médical départemental qui a diligenté une contre-visite par un psychiatre agréé, conformément à ce que prévoient les dispositions rappelées ci-dessus. Le psychiatre agréé exerçant dans le même centre hospitalier que celui qui avait été mandaté par le département, Mme B... a sollicité une expertise judiciaire. Le comité médical en a pris acte et a indiqué à l'intéressée qu'il suspendait l'expertise qu'il avait diligentée et qu'il se prononcerait au vu de l'expertise judiciaire ordonnée à sa demande, ce qui a bien été le cas. Dès lors, la circonstance qu'une première expertise ait été diligentée non pas par le comité médical mais par l'autorité territoriale n'a pas entaché la procédure d'irrégularité. Le moyen tiré du vice de procédure qui tiendrait à la méconnaissance de l'article 25 du décret du 30 juillet 1987 doit être écarté.
7. Aux termes de l'article 9 du décret du 30 juillet 1987 : " (...) / L'intéressé et l'administration peuvent faire entendre le médecin de leur choix par le comité médical. " Il ressort des pièces du dossier que par courrier du 31 janvier 2018, le président du centre de gestion du département D... a informé Mme B... que son dossier serait examiné par le comité médical lors de sa séance du 15 février 2018 et l'a bien informée par ce courrier qu'elle avait la possibilité de faire entendre le médecin de son choix au cours de cette séance. Les circonstances que le comité médical n'a accédé ni à la demande de renvoi formulée par l'intéressée au motif notamment de l'indisponibilité du médecin qu'elle souhaitait faire entendre, ni à sa demande tendant à ce que le comité médical s'entretienne téléphoniquement avec sa psychiatre ne sauraient être regardés comme l'ayant privée de la garantie de faire entendre le médecin de son choix par le comité médical.
8. Si Mme B... soutient que la procédure serait irrégulière au motif que le comité médical n'aurait pas tenu compte du rapport d'expertise judiciaire, aucun élément du dossier, et notamment pas l'absence de mention de cette expertise sur l'extrait du procès-verbal de séance du comité médical, ne permet de considérer que ce dernier n'aurait pas rendu son avis après avoir pris connaissance de l'expertise judiciaire.
9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité territoriale se serait cru liée par l'avis favorable émis par le comité médical sur son placement en congé de longue maladie d'office. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit dès lors être écarté.
10. Il résulte des dispositions de l'article 25 du décret du 30 juillet 1987 que l'autorité territoriale, dès lors qu'elle a saisi pour avis le comité médical supérieur, comme elle doit le faire en cas de contestation de sa part ou du fonctionnaire concerné de l'avis rendu par un comité médical sur une demande de congé de longue durée, ne peut, en principe, statuer sur la demande du fonctionnaire qu'après avoir recueilli l'avis sollicité. Dans l'attente de l'avis, il appartient à l'autorité territoriale, qui est tenue de placer les fonctionnaires soumis à son autorité dans une position statutaire régulière, de prendre, à titre provisoire, une décision plaçant le fonctionnaire dans l'une des positions prévues par son statut.
11. Mme B... soutient que le département aurait dû saisir le comité médical supérieur en application de l'article 25 du décret du 30 juillet 1987. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ait contesté l'avis favorable du comité médical département relatif à son placement en congé de longue maladie d'office à la suite de la notification qui lui a été faite de cet avis. Dans ces conditions, et bien que cet avis lui a été notifié concomitamment à la décision attaquée, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 25 du décret du 30 juillet 1987 doit être écarté.
12. Enfin, la circonstance que le département D... a engagé une procédure de placement en congé de longue maladie d'office après que Mme B... a dénoncé avoir été victime de la part de son supérieur hiérarchique de faits de harcèlement sexuel, dénonciations sur lesquelles elle est au demeurant revenue, si elle a été l'un des éléments ayant conduit le département à s'interroger sur l'état de santé de Mme B..., n'est pas de nature à établir que son placement en congé de longue maladie pris suivant l'avis favorable du comité médical serait constitutif d'une sanction disciplinaire déguisée et qu'elle aurait été dès lors privée des garanties attachées à la procédure disciplinaire.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le département D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 2 mars 2018 plaçant Mme B... en congé de longue maladie d'office à compter du 8 novembre 2016. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par voie d'appel incident par Mme B... doivent être rejetées par voie de conséquence.
Sur les frais liés au litige :
14. Dans les circonstances particulières de l'espèce, les frais et honoraires de l'expert judiciaire désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Rennes, liquidés et taxés à la somme totale de 1 080 euros, sont laissés, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, à la charge définitive du département D....
15. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il n'y a pas lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'une des parties la somme réclamée par l'autre au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 29 juin 2021 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par la voie de l'appel incident par Mme B... sont rejetés.
Article 4 : Les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 1 080 euros sont laissés à la charge définitive du département D....
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au département D... et à Mme A... B....
Délibéré après l'audience du 6 avril 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- Mme Lellouch, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mai 2023.
La rapporteure,
J. Lellouch
Le président,
D. Salvi
Le greffier,
R. Mageau
La République mande et ordonne au préfet D... en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT02143