Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme D..., M. et Mme C..., M. et Mme A..., Mme F... B... et M. et Mme E... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 10 mars 2021 par lequel le maire de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) a délivré à la SARL Pierre Promotion un permis de construire pour la réalisation d'un immeuble de 18 logements, ainsi que la décision du 15 juillet 2021 portant rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté.
Par un jugement n°2104191 du 27 juin 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 août et 12 décembre 2022, M. et Mme D..., M. et Mme C..., M. et Mme A... et M. et Mme E..., représentés par Me Collet, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 27 juin 2022 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 mars 2021 du maire de Saint-Malo, ainsi que la décision du 15 juillet 2021 portant rejet de leur recours gracieux formé contre cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Malo le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la décision contestée méconnaît les dispositions des articles UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme et R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article UE 10 du règlement du plan local d'urbanisme ;
- la décision contestée méconnaît les dispositions des articles UE 11 du règlement du plan local d'urbanisme et R. 111-27 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2022, la SARL Pierre Promotion, représentée par Me Le Derf-Daniel conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge des requérants le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2022, la commune de Saint-Malo, représentée par Me Coudray, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge des requérants le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
Par lettre enregistrée le 9 août 2022, M. D... a été désigné par son mandataire, Me Collet, représentant unique, destinataire de la notification de l'arrêt à venir.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frank,
- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,
- et les observations de Me Collet, représentant M. D... et autres, de Me Hauuy, représentant la commune de Saint-Malo, et de Me Lefeuvre, représentant la société Pierre promotion.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 10 mars 2021, le maire de Saint-Malo a délivré à la SARL Pierre Promotion un permis de construire, valant permis de démolition, pour la réalisation d'un immeuble de 18 logements sur un terrain sis 32 rue Georges V à Saint-Malo. M. et Mme D..., M. et Mme C..., M. et Mme A... et M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 27 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande d'annulation de cet arrêté du 10 mars 2021 et de la décision du 15 juillet 2022 du maire de Saint-Malo portant rejet du recours gracieux exercé à son encontre.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Pour apprécier si les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, il appartient à l'autorité compétente en matière d'urbanisme, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.
3. Aux termes de l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme de Saint-Malo, applicable au permis de construire contesté : " Les caractéristiques des accès des constructions nouvelles doivent permettre de satisfaire aux règles minimales de desserte et de sécurité, défense contre l'incendie, protection des piétons, enlèvement des ordures ménagères, etc. Le permis de construire peut être refusé ou soumis à des conditions spéciales, conformément aux dispositions de l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme, rappeler dans les dispositions générales du présent règlement ".
4. Il ressort des pièces du dossier que le projet est desservi par la rue Georges V, qui présente une largeur suffisante de plus de 11 mètres au niveau de l'accès aux immeubles projetés. La largeur de l'accès aux immeubles sur la parcelle d'assiette du projet, depuis cette voie, est supérieure à 6 mètres. Si la rampe d'accès aux sous-sols des constructions présente une largeur de 3,50 mètres et ne permet pas le croisement des véhicules, le projet prévoit en tout état de cause un espace d'une profondeur de 4,50 mètres permettant l'arrêt momentané d'un véhicule, sans empiéter sur la voie publique, dans l'attente de la sortie d'un véhicule déjà engagé. Dans ces conditions, l'accès au projet ne présente de risque, ni pour la sécurité des usagers de la rue, y compris des cyclistes, ni pour celle des personnes utilisant ces accès. L'accès des engins de lutte contre l'incendie aux différents bâtiments envisagés est par ailleurs possible par la même rue Georges V, qui présente des caractéristiques suffisantes pour permettre la circulation de ces véhicules. Dès lors, et en tout état de cause, le moyen tiré de ce qu'en délivrant le permis de construire contesté, le maire aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des exigences de la sécurité publique prescrites par l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doit être écarté. Pour les mêmes raisons, le moyen tiré de ce que le maire aurait fait une inexacte application de l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme applicable au projet, doit également être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article UE 10 du règlement du plan local d'urbanisme de Saint- Malo, applicable au permis de construire contesté : " La différence de niveau entre tout point de la façade d'un bâtiment (y compris le brisis éventuel) et tout point de l'alignement opposé ne doit pas excéder la distance comptée horizontalement entre ces deux points. (...) / Hauteur maximale de la construction : Elle s'établit à 5 mètres au-dessus du plan horizontal déterminé par la hauteur maximale droite des façades sur voie défini au paragraphe C-2. / La construction s'inscrit dans un volume à 45° à partir des façades sur rue (...) / Harmonie volumétrique : (voir schéma en annexe documentaire) / (...) / 2) Lorsqu'un front bâti sur une voie ou une section de voie présentent des hauteurs de façade et une hauteur maximale droite non homogènes, toute construction nouvelle, extension ou modification du bâti existant doit être réalisé soit en respectant la hauteur moyenne des bâtis immédiatement mitoyens, le long de la voie considérée, soit en respectant une différence de hauteur minimale ou maximale droite et une différence de hauteur minimale ou maximale de 3 mètres au faîtage par rapport à ces bâtis mitoyens. / Par exception, lorsque le bâtiment contigu est un garage, la hauteur de référence est celle du bâti principal le plus proche, sur la propriété contiguë ". L'annexe documentaire jointe au plan local d'urbanisme précise en outre que pour l'application de la règle de hauteur relative et absolue, le gabarit est déterminé à partir de l'alignement opposé entre la voie publique et la propriété privée.
6. En l'espèce, et d'une part, il ressort des pièces du dossier que la voie publique présente une largeur moyenne d'environ 11, 80 mètres au niveau du terrain d'assiette du projet. La section la plus haute de la façade ouest du bâtiment, qui donne sur l'alignement, est en retrait d'environ 4,50 mètres par rapport à la limite de la voie et est ainsi située à environ 16,30 mètres de l'alignement opposé. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que cette section de façade, qui présente une hauteur droite d'environ 11, 70 mètres, ne respecterait pas la règle de hauteur fixée par les dispositions précitées de l'article UE 10 du règlement du plan local d'urbanisme.
7. D'autre part, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des plans et des photographies produits, que les toitures des immeubles ou plus généralement les constructions envisagées ne seraient pas comprises dans un gabarit maximum de pente de 45° à partir des façades sur rue et à compter de l'alignement, lequel correspond à la limite entre la voie publique et la propriété privée. Il ressort en outre des pièces du dossier que l'immeuble projeté est divisé en trois sections dont les hauteurs sont différentes en raison de la pente du terrain naturel, et qui peuvent être prises en compte pour le calcul des hauteurs dès lors qu'elles ne dépassent pas une longueur de 20 mètres. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la construction voisine contigüe de la section est de l'immeuble projeté doit être regardée comme étant un garage, et non un magasin de tapisserie, dès lors que la déclaration de travaux en vue de la transformation de ce garage a fait l'objet d'une opposition par le maire de Saint-Malo le 3 décembre 2019. Dans ces conditions, et en vertu des dispositions précitées, la hauteur de référence, pour l'application de la règle de différence de hauteur avec la section est des constructions projetées, est celle du bâti principal le plus proche, sur la propriété contiguë. Il ressort des pièces du dossier que ce bâtiment le plus proche présente une hauteur de 10 mètres en façade, et de 12,11 mètres au faîtage. Par suite, la hauteur de la section est de l'immeuble projeté, qui est de 10 mètres en façade et de 13,62 mètres au faîtage, respecte une différence de hauteur maximale droite et une différence de hauteur maximale de 3 mètres au faîtage par rapport au bâti mitoyen est de la construction. Par ailleurs, la circonstance qu'il existerait derrière le garage une maison d'habitation est sans incidence sur le respect de la règle de différence de hauteur précitée, laquelle s'applique à un front bâti.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de ce que le maire aurait fait une inexacte application de l'article UE 10 du règlement du plan local d'urbanisme applicable au projet, doit être écarté.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ". Aux termes de l'article UE 11 du règlement du plan local d'urbanisme de Saint-Malo : " En aucun cas les constructions et installations à édifier ou à modifier ne doivent par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou leur aspect extérieur, porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains, ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales (...) ".
10. Les dispositions précitées de l'article UE 11 ont le même objet que celles de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et posent des exigences qui ne sont pas moindres. Dès lors, c'est par rapport aux dispositions du règlement du plan local d'urbanisme que doit être appréciée la légalité du permis de construire litigieux.
11. Pour apprécier si un projet de construction porte atteinte, en méconnaissance des dispositions précitées, au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.
12. En l'espèce, le projet litigieux se situe dans une zone principalement pavillonnaire comportant également quelques immeubles récents à usage professionnel et collectif au gabarit proche, voire supérieur, à celui des constructions projetées. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le secteur d'implantation du projet présenterait une unité ou un intérêt architectural significatif. La zone UE, au sein de laquelle s'inscrit le projet, est définie par le règlement du plan local d'urbanisme comme une zone urbaine mixte, de densité moyenne ou faible, à dominante d'habitat, pouvant comporter des commerces, des services, des bureaux, des activités artisanales, des équipements publics, compatibles avec un environnement urbain. Le projet autorisé consiste en l'édification, entre deux parcelles bâties, d'un immeuble collectif de 18 logements, en RDC+2 étages + comble, dont la façade présente une longueur d'environ vingt-huit mètres. Les façades de la construction projetée comportent des murs enduits " grattés fin " de couleur blanche et grise et partiellement parés de briques, un toit en ardoise naturelle, ainsi que des menuiseries extérieures en aluminium vitrées de couleur " gris/noir " favorisant l'insertion du bâtiment dans son environnement. Les immeubles envisagés présentent par ailleurs une volumétrie découpée et comportent des toitures à plusieurs pentes avec des éléments de zinc, afin de respecter l'épannelage de la rue et l'architecture locale. Le projet a par ailleurs reçu un avis favorable de l'architecte des bâtiments de France le 15 février 2021, sous réserve de prescriptions tenant au maintien du principe de modénature au pourtour des ouvertures et à la réalisation de balcons de dimension réduite, dont la teneur a été reprise à titre de prescriptions au permis de construire contesté. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est par une inexacte application des dispositions de l'article 11 du règlement du plan local d'urbanisme applicable à la zone UE que le maire de Saint-Malo a délivré le permis de construire en litige.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saint-Malo et de la société Pierre Promotion, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement à M. D... et autres d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
15. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de M. et Mme D..., M. et Mme C..., M. et Mme A..., Mme F... B... et M. et Mme E... le versement à la commune de Saint-Malo d'une somme globale de 750 euros, et à la société Pierre Promotion de la somme globale de 750 euros, au titre des mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... et autres est rejetée.
Article 2 : M. et Mme D..., M. et Mme C..., M. et Mme A..., Mme F... B... et M. et Mme E... verseront solidairement la somme de 750 euros à la commune de Saint-Malo et la somme de 750 euros à la société Pierre Promotion au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., désigné comme représentant unique des requérants par son mandataire, à la commune de Saint-Malo et à la SARL Pierre Promotion.
Délibéré après l'audience du 12 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 mai 2023.
Le rapporteur,
A. FRANKLe président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 22NT02574