Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 29 septembre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre les décisions du 28 avril 2021 des autorités consulaires françaises à Conakry (Guinée) refusant de lui délivrer, ainsi qu'à la jeune C... A..., des visas de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié.
Par un jugement n° 2111078 du 25 avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle refuse la délivrance d'un visa de long séjour à l'enfant C... A..., a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans le délai de deux mois, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais liés à l'instance et a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 mai 2022, Mme D... A..., représentée par Me Anglade, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 25 avril 2022 du tribunal administratif de Nantes, en tant qu'il a rejeté le surplus de la demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours en ce qu'elle concerne Mme D... A... ;
2°) d'annuler la décision du 29 septembre 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle concerne Mme D... A... ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur, à titre principal, de délivrer le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de la demande de visa dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision contestée est entachée d'erreur d'appréciation, le lien familial invoqué étant établi par les documents d'état civil produits et par les éléments de possession d'état ;
- la décision contestée méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Frank a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... G... B..., ressortissant guinéen né le 19 juillet 1992, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 27 mai 2019. Mme D... A..., sa concubine alléguée, ainsi que C... A..., sa fille alléguée née le 13 décembre 2012, ont déposé des demandes de visas de long séjour auprès des autorités consulaires françaises à Conakry, en qualité de membres de famille de réfugié. Par des décisions du 28 avril 2021, ces autorités ont refusé de délivrer les visas sollicités. Par une décision implicite née le 8 août 2021, à laquelle s'est substituée une décision expresse du 29 septembre 2021, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre ces décisions consulaires. Par un jugement du 25 avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours en tant qu'elle refuse la délivrance d'un visa de long séjour à l'enfant C... A..., a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais liés à l'instance et a rejeté le surplus de la demande. Mme D... A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté la demande dirigée contre la décision de la commission de recours en ce qu'elle concerne sa demande de visa.
2. En premier lieu, et d'une part, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. (...) L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite ". Et aux termes de l'article L. 561-5 : " Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. Ils produisent pour cela les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 121-9 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
4. II n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.
5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que pour refuser le visa sollicité pour Mme F... A..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le motif tiré de ce que l'identité de la demanderesse de visa, ainsi que son lien familial à l'égard de M. B..., n'étaient pas établis.
6. A l'appui de la demande de visa présentée pour Mme A..., ont été produits, pour établir son identité et le lien familial avec M. B..., un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance n°7704 du tribunal de première instance de Labé du 15 novembre 2019, l'acte de naissance n°3922 dressé le 25 novembre 2019 en transcription de ce jugement par l'officier d'état civil de la commune de Labé, ainsi qu'un passeport établi le 18 mars 2020 par les autorités guinéennes. Ces documents font notamment état de la naissance de Mme A... le 11 mars 1993, à Labé (Guinée). Toutefois, il ressort de la note du ministre guinéen de l'administration du territoire et de la décentralisation du 19 mai 2014 que, dans le cadre de la mise en œuvre des passeports biométriques, un numéro d'identification national unique a été élaboré, lequel est composé de quinze chiffres, dont les 11ème, 12ème et 13ème chiffres doivent correspondre à ceux portés sur l'acte de naissance présenté à l'appui de la demande du document de voyage. Cette note précise que " ce numéro d'identification unique est conçu en fonction des actes de naissance fournis par les demandeurs du passeport biométrique qui est le document de voyage par excellence en Guinée. Ces actes doivent être authentifiés par la Division des affaires administratives et juridiques de la Direction Nationale de l'Etat Civil, responsable de la gestion de ce numéro auprès de la police de l'air et des frontières au Ministère de la Sécurité et de la Protection Civile " et que " le numéro de l'extrait de naissance doit être conforme à celui du numéro d'identification unique, élément clé du passeport c'est à dire le onzième, le douzième et le treizième chiffre ". En l'espèce, le passeport de Mme A..., qui dispose déjà d'un numéro d'identification unique, a été délivré au cours du mois de mars 2020, soit postérieurement à l'acte de naissance qu'elle produit, dressé le 25 novembre 2019, pris en transcription du jugement supplétif du 15 novembre 2019. Sur ce passeport, sont portés aux 11ème, 12ème et 13ème chiffres, le numéro d'identification " 257 ", ce qui ne correspond pas aux numéros portés sur l'extrait d'acte de naissance de l'intéressée. Il suit de là que le passeport a été délivré au vu d'actes d'état civil autres que ceux présentés à l'appui de la demande de visa de long séjour. Mme A... n'apporte aucune explication précise et circonstanciée en ce qui concerne cette anomalie. Par conséquent, l'acte de naissance et le jugement supplétif produits par Mme A... doivent être regardés comme respectivement dépourvus de force probante et révélant une intention frauduleuse. En outre, les documents présentés pour établir le lien de concubinage ne permettent pas de regarder celui-ci comme établi, et alors même qu'ils ne sauraient, en tout état de cause, établir l'identité de Mme D... A.... Il résulte de ce qui précède que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu, sans faire une inexacte application des dispositions précitées, rejeter la demande de visa litigieuse au motif que l'identité et le lien de concubinage à l'égard de M. B... n'étaient pas établis.
7. En second lieu, le lien familial n'étant pas établi, ainsi qu'il vient d'être dit, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ne peut qu'être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande, en ce qui la concerne. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 juin 2023.
Le rapporteur,
A. FRANKLe président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 22NT01623