Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 février 2019 par lequel la maire de Nantes a refusé de lui délivrer un permis de construire portant, après démolition partielle de l'existant, sur l'extension d'une maison d'habitation et la création d'une piscine et d'une terrasse, sur un terrain situé 2, avenue des Gentilshommes, sur la parcelle cadastrée à la section CD sous le n° 330.
Par un jugement n° 1907798 du 7 décembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 février 2022 et 29 août 2022, M. B..., représenté par la société d'exercice libéral à responsabilité limitée ALEO, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 décembre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 février 2019 de la maire de Nantes ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Nantes une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en ce qu'il n'est pas revêtu des signatures prévues à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- l'arrêté contesté procède au retrait du permis tacite dont il était titulaire dès lors que, d'une part, le délai d'instruction de sa demande de permis de construire portant sur une maison individuelle était de deux mois, dans la mesure où aucune majoration de délai ne lui a été notifiée dans le délai d'un mois à compter du dépôt de sa demande de permis de construire, que, d'autre part, la majoration du délai d'instruction qui lui a été notifiée était insuffisamment motivée et, enfin, que la demande de pièces complémentaires qui lui a été adressée par courrier du 13 novembre 2018 était illégale et n'a pu, dès lors, repousser le point de départ du délai d'instruction ; ce retrait n'a pas été précédé de la mise en œuvre de la procédure contradictoire prévue pour de telles décisions par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le classement en espace boisé classé d'une partie de son terrain par le plan local d'urbanisme est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 113-1 du code de l'urbanisme ; ce classement n'est pas justifié par le parti d'aménagement de la commune ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 113-2 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires enregistrés les 25 mai et 4 octobre 2022, la commune de Nantes, représentée par la société d'exercice libéral à responsabilité limitée MRV Avocats, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mas,
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,
- et les observations de Me Le Pallabre, substituant Me Leraisnable, représentant M. B..., et de Me Vic, représentant la commune de Nantes.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a sollicité la délivrance d'un permis de construire en vue de la réalisation, après démolition partielle de l'existant, d'une extension d'une maison d'habitation ainsi que de la création d'une piscine et d'une terrasse, sur un terrain situé 2, avenue des Gentilhommes à Nantes. Par un arrêté du 6 février 2019, la maire de Nantes a refusé de faire droit à cette demande. M. B... relève appel du jugement du 7 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. L'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ". Aux termes de l'article L. 121-1 du même code : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 (...) sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ".
3. Aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Les demandes de permis de construire (...) sont présentées et instruites dans les conditions et délais fixés par décret en Conseil d'Etat. (...) Aucune prolongation du délai d'instruction n'est possible en dehors des cas et conditions prévus par ce décret (...) ".
4. Aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire (...) sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés (...) ". Aux termes de l'article R. 423-3 du même code : " Le maire affecte un numéro d'enregistrement à la demande (...) et en délivre récépissé (...) ". Aux termes de l'article R. 423-5 de ce code : " Le récépissé précise (...) que l'autorité compétente peut, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier : / a) Notifier au demandeur que le dossier est incomplet ; / b) Notifier au demandeur un délai différent de celui qui lui avait été initialement indiqué, lorsque le projet entre dans les cas prévus aux articles R. 423-24 à R. 423-33 ; (...) ".
5. Aux termes de l'article R. 423-18 du code de l'urbanisme : " Le délai d'instruction est déterminé dans les conditions suivantes : a) Un délai de droit commun est défini par la sous-section 2 ci-dessous. En application de l'article R. 423-4, il est porté à la connaissance du demandeur par le récépissé ; b) Le délai de droit commun est modifié dans les cas prévus par le paragraphe 1 de la sous-section 3 ci-dessous. La modification est notifiée au demandeur dans le mois qui suit le dépôt de la demande (...) ". Aux termes de l'article R. 423-19 de ce code : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet. ". Aux termes de l'article R. 423-23 de ce code : " Le délai d'instruction de droit commun est de : / (...) b) Deux mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle, au sens du titre III du livre II du code de la construction et de l'habitation, ou ses annexes ". Aux termes de l'article R. 423-24 du même code : " Le délai d'instruction de droit commun prévu par l'article R. 423-23 est majoré d'un mois : / (...) c) Lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques ".
6. Aux termes de l'article R. 423-42 du code de l'urbanisme : " Lorsque le délai d'instruction de droit commun est modifié en application des articles R. 423-24 à R. 423-33, l'autorité compétente indique au demandeur (...), dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie : / a) Le nouveau délai et, le cas échéant, son nouveau point de départ ; / b) Les motifs de la modification de délai ;(...). Aux termes de l'article R. 423-43 de ce code : " Les modifications de délai prévues par les articles R. 423-24 à R. 423-33 ne sont applicables que si les notifications prévues par la présente sous-section ont été faites. ".
7. Enfin, aux termes de l'article L. 424-2 du code de l'urbanisme : " Le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction (...) " et aux termes l'article R. 424-1 du même code : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : / (...) b) Permis de construire (...) tacite. ".
8. Il résulte de la combinaison des dispositions citées aux points 3 à 6 ci-dessus qu'à l'expiration du délai d'instruction tel qu'il résulte de l'application des dispositions du chapitre III du titre II du livre IV du code de l'urbanisme relatives à l'instruction des déclarations préalables, des demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir, délai courant à compter de la date de réception ou de dépôt du dossier de demande de permis en mairie, et non à compter de la date à laquelle ce dossier est complet, naît une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite. Une modification du délai d'instruction notifiée après l'expiration du délai d'un mois prévu à l'article R. 423-18 de ce code ou qui, bien que notifiée dans ce délai, ne serait pas motivée par l'une des hypothèses de majoration prévues aux articles R. 423-24 à R. 423-33 du même code, n'a pas pour effet de modifier le délai d'instruction de droit commun à l'issue duquel naît un permis tacite ou une décision de non-opposition à déclaration préalable.
9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a déposé sa demande de permis de construire en mairie le 24 octobre 2018. Par courrier du 13 novembre 2018, notifié le 20 novembre 2018, le service instructeur l'a invité à compléter ce dossier en produisant les pièces manquantes suivantes : le renseignement du cadre 1.2.2 du formulaire Cerfa de demande, nécessaire au calcul des impositions afférentes au projet de construction, la fourniture de plans cotés à l'échelle, ainsi qu'une déclaration d'emprise au sol et de pleine terre. M. B... a complété, le 3 décembre 2018, son dossier de demande de permis. Enfin, par courrier du 13 décembre 2018, notifié à M. B... le 18 décembre 2018, ainsi qu'en atteste l'accusé de réception produit par la commune, la maire de Nantes a indiqué à M. B... que le délai d'instruction de sa demande était majoré d'un mois par application du c) de l'article R. 423-24 du code de l'urbanisme.
10. La notification, le 18 décembre 2018, de la majoration du délai d'instruction de droit commun de la demande de permis de construire présentée par M. B..., soit plus d'un mois après le dépôt, en mairie, le 24 octobre 2018, de sa demande de permis, est intervenue au-delà du délai prescrit par les dispositions de l'article R. 423-18 du code de l'urbanisme et n'a donc pas été faite régulièrement. Dans ces conditions, ainsi que le prévoient les dispositions de l'article R. 423-43 du code de l'urbanisme, la majoration du délai d'instruction n'était pas applicable. Il y a donc lieu de faire application, à la demande de permis, du délai d'instruction de droit commun de deux mois prévu par l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme. Conformément à l'article R. 423-19 du code de l'urbanisme, ce délai d'instruction de deux mois a commencé à courir au plus tard le 3 décembre 2018, date à laquelle M. B... a complété son dossier, et s'est s'achevé le 3 février 2019. En application des dispositions de l'article L. 424-2 du code de l'urbanisme, M. B... s'est trouvé, à compter de cette date, titulaire d'un permis de construire tacite. Par suite, l'arrêté contesté du 6 février 2019, notifié le 11 février 2019 à M. B..., portant refus de permis de construire s'analyse en un retrait de ce permis tacite. Il est constant que ce retrait n'a pas été précédé de la procédure contradictoire prévue par les dispositions précitées de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration de sorte que l'intéressé a été privé d'une garantie. Il suit de là que l'arrêté du 6 février 2019 de la maire de Nantes est entaché d'illégalité.
11. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement ni sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 février 2019 de la maire de Nantes.
Sur les frais liés au litige :
12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la commune de Nantes le versement de la somme que demande M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la commune de Nantes demande au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 7 décembre 2021 du tribunal administratif de Nantes et l'arrêté du 6 février 2019 de la maire de Nantes sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de M. B... et de la commune de Nantes tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Nantes.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Mas, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023.
Le rapporteur,
B. MAS
La présidente,
C. BUFFET La greffière,
K. BOURON
La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT00357