Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) Maryse a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision implicite intervenue le 25 février 2021 par laquelle le maire de la commune de Belz (Morbihan) a rejeté la demande de suppression de l'aire de stationnement de Saint Cado, de démolition des ouvrages réalisés pour son aménagement et de remise du site à l'état naturel et d'ordonner à la commune de déconstruire l'intégralité de l'aire de stationnement et de ses installations afin de remettre le site en son état naturel préalable aux travaux effectués illégalement.
Par un jugement n° 2101415 du 1er décembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a enjoint à la commune de Belz de procéder à la remise en état naturel du site dans les conditions qu'il précise dans un délai de quatre mois, a mis à la charge de la commune de Belz le versement à la SCI Maryse de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2024 et deux mémoires enregistrés les 20 février et 14 mars 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de Belz, représentée Me Rouhaud, demande à la cour :
1°) d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement n°2101415 rendu par le tribunal administratif de Rennes le 1er décembre 2023, sur le fondement des dispositions des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative, dans l'attente de l'examen de l'affaire au fond ;
2°) de mettre à la charge de la SCI Maryse une somme de 3 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'exécution du jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables, dès lors que la remise en état ordonnée implique la réalisation de travaux lourds et onéreux et que cette remise en état va priver la commune de l'aide de stationnement durant la saison touristique et occasionner des difficultés majeures d'accueil et de gestion des déplacements sur le secteur ;
- le tribunal a omis de rechercher si les besoins auxquels répond l'ouvrage public contesté peuvent être satisfaits par une solution alternative susceptible d'être mise en œuvre à la date à laquelle il a statué
- elle a démontré que les travaux critiqués ont été réalisés " de manière à permettre un retour du site à l'état naturel ", conformément aux dispositions de l'article R. 121-5 du code de l'urbanisme.
- les parcelles en cause ont été ouvertes au stationnement antérieurement aux travaux litigieux, dès 2006 ;
- l'air naturelle de stationnement est un équipement d'intérêt général et elle est nécessaire à la sécurité des populations ; il n'existe pas d'autre solution de localisation ;
- les conditions nécessaires pour ordonner la démolition de l'ouvrage public ne sont pas réunies ;
- la régularisation de l'ouvrage est possible et la remise en état du site à l'état naturel serait contraire à l'intérêt général.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 1er février 2024, l'association " Les Amis des chemins de ronde du Morbihan " (ACR56), représentée par Me Le Marc'hadour, conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge de la commune de Belz une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle justifie d'un intérêt à agir pour intervenir volontairement à l'instance relative à la démolition de l'aire de stationnement de Saint-Cado et à la remise du site à son état naturel ;
- l'aire de stationnement est irrégulièrement implantée dès lors qu'elle doit être considérée comme ayant été réalisée sans autorisation d'urbanisme.
Par trois mémoires en défense, enregistrés les 1er février, 13 février et 5 mars 2024, la SCI Maryse, l'association Belz Economie, Libertés, Cadre de Vie : BELCV L'unité citoyenne et l'association ACR 56, représentées par Me Le Marc'hadour, concluent au rejet de la requête et demandent à la cour de mettre à la charge de la commune de Belz une somme de 3.000 euros au titre de l'article L.761 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les moyens soulevés par la commune de Belz ne sont pas fondés.
- les parcelles servant d'assiette au parc de stationnement litigieux appartiennent à un site inscrit au titre des articles L.341 et suivants et R.341-9 du code de l'environnement ;
- les travaux litigieux ont eu pour résultat de transformer un site naturel protégé en un parc de stationnement constituant un ouvrage public ;
- la commune ne démontre pas les conséquences difficilement réparables que risquerait d'occasionner l'exécution du jugement pour la circulation et le stationnement des véhicules ;
- l'intérêt public qui s'attache à la préservation de cet espace naturel en bordure de la ria d'Etel justifie la démolition du parc de stationnement et la remise du site à l'état naturel.
Par une lettre du 5 février 2024, le préfet du Morbihan a présenté des observations.
Vu :
- la requête enregistrée le 7 décembre 2023, sous le n° 23NT03605, par laquelle la commune de Belz relève appel du jugement du 1er décembre 2023 du tribunal administratif de Rennes.
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- Le rapport de M. Degommier, président ;
- les observations de Me Rouhaud représentant la commune de Belz et celles de Me Le Marc'Hadour représentant la SCI Maryse et autres.
Considérant ce qui suit :
1. Le 23 décembre 2020, la SCI Maryse a saisi le maire de la commune de Belz d'une demande tendant à la suppression de l'aire de stationnement de Saint-Cado, la démolition des ouvrages réalisés pour son aménagement et la remise du site à l'état naturel. Par une décision implicite intervenue le 25 février 2021, le maire de Belz a rejeté cette demande. Par un jugement n° 2101415 du 1er décembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a enjoint à la commune de Belz de procéder à la remise en état naturel du site accueillant l'aire de stationnement dans les conditions qu'il précise, dans un délai de quatre mois à compter de la notification de ce jugement. La commune de Belz (Morbihan) demande à la cour de prononcer le sursis à l'exécution de ce jugement.
Sur l'intervention de l'association " Les Amis des chemins de ronde du Morbihan " ACR56 :
2. Il ressort des statuts de l'association ACR 56 qu'elle s'est donnée pour buts, notamment, la promotion et la défense des sentiers côtiers et la sauvegarde de leur environnement. Elle justifie d'un intérêt suffisant au maintien du jugement attaqué enjoignant à la commune de Belz de procéder à la remise en état naturel d'une aire de stationnement située à proximité d'un site touristique. Ainsi son intervention est recevable.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :
3. Aux termes de l'article R. 222-25 du code de justice administrative, " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair. / Par dérogation à l'alinéa précédent, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique et sans conclusions du rapporteur public sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17 ". Aux termes de l'article R.811-17 du même code : " Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction. ".
4. D'une part, le jugement attaqué a pour effet d'enjoindre la commune de Belz de procéder à la remise en état naturel du site accueillant l'aire de stationnement de Saint-Cado dans le délai de quatre mois à compter de sa notification le 5 décembre 2023, ce qui implique, selon les termes de ce jugement, de procéder à l'enlèvement de tous les équipements présents et de leurs fondations, notamment les éléments de signalisation, de délimitation des places de stationnement ainsi que tous les mobiliers accessoires du parking, de réaliser un décapage complet des différentes couches du sol du parking et de leur substituer un apport de terre végétale sur l'intégralité de l'aire de stationnement, de supprimer la totalité des réseaux et canalisations et de leurs fondations éventuelles et, d'autre part de revégétaliser le site dans son état initial ou équivalent, avec des essences locales permettant l'apparition d'une végétation spontanée comparable à celle qui préexistait avant les travaux et présentant des caractéristiques similaires aux étendues naturelles à proximité, classées en zone Nds au plan local d'urbanisme de la commune. Ces travaux d'ampleur sont évalués, selon le devis produit par la commune de Belz, à 27 400 euros. En outre, la réalisation de ces travaux de remise en état, qui aboutit à la suppression d'une aire de stationnement permettant l'accès de nombreux touristes durant la saison estivale notamment, risque d'occasionner de sérieuses difficultés d'accueil et de gestion des déplacements sur le secteur. Dans ces conditions, l'exécution du jugement du tribunal administratif risque d'entrainer pour la commune de Belz des conséquences difficilement réparables.
5. D'autre part, le moyen tiré de ce que la régularisation de l'aire de stationnement litigieuse est possible et la remise en état du site à l'état naturel serait contraire à l'intérêt général paraît, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué.
6. Dans ces conditions, il y a lieu d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Rennes.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Belz, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, soit condamnée au versement de la somme de 3 000 euros à la SCI Maryse et autres au titre des frais de l'instance. Ces mêmes dispositions font par ailleurs obstacle à l'octroi d'une somme à l'association " Les Amis des chemins de ronde du Morbihan " (ACR56), qui est intervenante et n'a donc pas la qualité de partie. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la commune de Belz les frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : L'intervention de l'association " Les Amis des chemins de ronde du Morbihan " ACR56 est admise.
Article 2 : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur l'appel de la commune de Belz contre le jugement du 1er décembre 2023 du tribunal administratif de Rennes, il sera sursis à l'exécution de ce jugement.
Article 3 : Les conclusions présentées par la SCI Maryse, l'association Belz Economie, Libertés, Cadre de Vie : BELCV L'unité citoyenne et l'association " Les Amis des chemins de ronde du Morbihan " ACR 56 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Belz est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Belz, à la SCI Maryse, l'association Belz Economie, Libertés, Cadre de Vie : BELCV L'unité citoyenne, à l'association " Les Amis des chemins de ronde du Morbihan " ACR 56.
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet du Morbihan.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mars 2024.
Le président-rapporteur,
S. DEGOMMIERLe greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT00123