Vu l'arrêt en date du 25 juillet 1989 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a ordonné un supplément d'instruction aux fins, d'une part, pour les parties de fournir à la cour toutes les pièces procédant soit de contrat initial soit d'un acte subséquent de nature à lui permettre d'apprécier la qualité de l'entreprise Sud Parisienne de Construction (SPC) pour introduire le 6 décembre 1983 une requête devant le tribunal administratif de Paris au nom des entreprises Pétrault frères, Schneider et compagnie, Vetrouet, Capaldi, Meneguzzo, Lesage, Evrisol, Sotoma, PMB, Entreprise générale de miroiterie et Dardet ; et, d'autre part, pour le Département du Val-de-Marne de fournir le cahier des clauses administratives particulières applicable au marché litigieux ;
Vu les lettres enregistrées le 17 août et le 17 novembre 1989 par lesquelles le Département du Val-de-Marne produit à la cour le cahier des clauses administratives particulières du marché et l'extrait de la délibération du Conseil général du Département du Val-de-Marne du 25 juillet 1983 autorisant son président à ester en justice dans la présente instance ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience du 29 mai 1990 :
- le rapport de M. Jean-Antoine, conseiller ;
- les observations de Me Nadine Barret, avocat à la cour, substituant la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour le Département du Val-de-Marne,
- et les conclusions de M. Bernault, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par un marché en date du 13 avril 1981, le Département du Val-de-Marne a chargé plusieurs entreprises de la construction d'une crèche à Fontenay-sous-Bois ; que la société Sud Parisienne de Construction (SPC), titulaire de trois lots, était désignée en qualité de mandataire commun des autres entreprises ; que le maître de l'ouvrage, estimant que le délai contractuel n'avait pas été respecté, a notifié à la société sud parisienne de construction, par une décision en date du 6 juin 1983, le bilan des pénalités de retard qu'il entendait appliquer aux entreprises concernées ; que par une lettre du 8 juin 1983, la société sud parisienne de construction a contesté cette décision et a réclamé le paiement des sommes restant dues ainsi que les intérêts moratoires y afférents ; que le 23 juin 1983, le département a confirmé les pénalités mises à la charge des entreprises et a refusé le versement des intérêts moratoires demandés par celles-ci ; que le tribunal administratif de Paris, saisi du litige, a par jugement attaqué du 11 juin 1987, d'une part, annulé les pénalités de retard infligées par le Département du Val-de-Marne ainsi que la décision du président de cette collectivité du 6 juin 1983, et d'autre part, renvoyé les entreprises groupées conjointes devant cette autorité pour la liquidation des intérêts moratoires contractuels qui leur sont dus lesquels portent intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 1986 ; qu'il a en outre fixé la date de réception des travaux de la crèche au 10 décembre 1982 et a mis à la charge du département les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que si dans sa requête sommaire, le Département du Val-de-Marne a critiqué la régularité du jugement déféré en appel, et fait valoir que l'appel en garantie formulé devant le tribunal administratif était fondé, il n'a apporté au soutien de ces constatations aucune précision de nature à permettre d'en apprécier la pertinence ;
Sur la qualité pour agir devant le tribunal administratif de la société sud parisienne de construction en tant que la requête était présentée pour les autres entreprises membres du groupement :
Considérant que par l'acte initial d'engagement, la société sud parisienne de construction était mandataire des entreprises groupées-conjointes qui s'engageaient "à exécuter les travaux qui (les) concernent respectivement" ; qu'ainsi elle était solidaire de chacune des autres entreprises jusqu'à la date à laquelle les obligations contractuelles prenaient fin et les représentait vis-à-vis du maître d'ouvrage jusqu'à l'expiration du délai de garantie, en application des dispositions combinées des articles 2-31 et 50-5 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché ; que ce mandat comportait notamment l'habilitation à intenter au nom de l'ensemble des entreprises groupées-conjointes une action contentieuse devant la juridiction administrative ; qu'en tout état de cause, à la date d'introduction de la requête devant le tribunal administratif de Paris, le délai de garantie n'était pas en l'espèce expiré ; que, par suite, les conclusions de la société sud parisienne de construction sont recevables en tant non seulement qu'elles la concernent mais aussi en tant qu'elles concernent les autres entreprises groupées-conjointes ;
Sur la forclusion de la requête contentieuse de la société sud parisienne de construction :
Considérant qu'aux termes de l'article 50-22 du cahier des clauses administratives générales : "Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage" ; qu'aux termes de l'article 50-23 : "La décision à prendre sur les différends prévus aux 21 et 22 du présent article appartient au maître de l'ouvrage. Si l'entrepreneur ne donne pas son accord à la décision ainsi prise, les modalités fixées par cette décision sont appliquées à titre de règlement provisoire du différend, le règlement définitif relevant des procédures décrites ci-après" et qu'aux termes de l'article 50-32 : "Si, dans le délai de six mois à partir de la notification à l'entrepreneur de la décision prise conformément au 23 du présent article sur les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, l'entrepreneur n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal administratif compétent, il est considéré comme ayant accepté ladite décision et toute réclamation est irrecevable. Toutefois, le délai de six mois est suspendu en cas de saisine du comité consultatif de règlement amiable dans les conditions du 41 du présent article" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société sud parisienne de construction a adressé une première demande d'intérêts moratoires au Département du Val-de-Marne, le 23 mars 1983 renouvelée le 8 juin 1983 et justifiée par des acomptes mandatés tardivement ; que si cette réclamation a été rejetée par le maître d'ouvrage le 23 juin 1983, il n'est pas établi par ce dernier la date de notification de cette décision de rejet ; qu'ainsi la requête introduite devant le tribunal administratif le 6 décembre 1983, ensemble le mémoire ampliatif du 14 octobre 1986 comportant des conclusions chiffrées, ne peuvent être regardés comme entachés de forclusion au regard des délais prescrits par les articles susmentionnés du cahier des clauses administratives générales ;
Sur les pénalités de retard :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, compte tenu d'un délai supplémentaire de 21 jours pour intempéries, la réception des travaux aurait dû intervenir le 28 septembre 1982, mais qu' en raison du retard dû au concessionnaire chargé du raccordement des installations au réseau de chauffage urbain, l'ensemble de l'ouvrage n'était en état d'être réceptionné que le 10 décembre 1982 ; que toutefois les travaux de raccordement en cause n'ont pu retarder que les titulaires des lots chauffage et VRD, les titulaires des autres lots étant passibles des pénalités de retard à compter du 29 septembre 1982 ; que si l'article 9-2 du cahier des clauses administratives particulières applicable au marché en cause dispose que : "La réception de l'ouvrage, tous corps d'état, sera prononcée sous réserve de l'exécution concluante des épreuves définies au cahier des clauses techniques particulières ...", cette stipulation contractuelle est sans incidence sur l'application de l'article 20-1 du cahier des clauses administratives générales selon lequel : "les pénalités sont encourues du fait de la constatation du retard par le maître d'oeuvre", dès lors que les lots gros oeuvre et VRD étaient distincts et que le fait du concessionnaire de chauffage, extérieur au groupement d'entreprises, n'a pu empêcher la réalisation dans les délais contractuels que des travaux de VRD et non de ceux du lot "gros oeuvre" ; que, par ailleurs l'entreprise sud parisienne de construction, qui ne formule d'ailleurs, aucune conclusion incidente sur ce point, n'établit pas que la prolongation du délai contractuel à raison des intempéries aurait dû excéder la durée de 21 jours retenue par le tribunal conformément aux conclusions de l'expert commis par ce dernier ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que, comme l'a relevé cet expert, les travaux étaient en état d'être reçus dès le 10 décembre 1982 ; que, par suite, les pénalités de retard n'étaient dues que jusqu'au 10 décembre 1982 ; qu'il y a lieu dans cette limite de réformer le jugement attaqué ;
Sur les intérêts moratoires :
Considérant que le requérant affirme que les seuls dépassements constatés ont eu pour origine le comportement de l'entreprise qui a refusé de signer l'ordre de service n° 30/83 ; qu'il résulte de l'instruction, que, dès, septembre 1982, de nombreux retards de paiement ont été relevés par l'expert désigné par le tribunal administratif ; que, d'autre part, en cherchant à imposer à la société sud parisienne de construction la signature de l'ordre de service précité, le département a voulu obtenir la reconnaissance, par les entreprises, du bien-fondé des pénalités qu'il entendait leur infliger ; que c'est à tort qu'en exigeant la signature de cet ordre de service, le département a retardé le règlement des sommes dues aux entreprises ; que, pour le surplus, le département n'établit pas l'inexactitude des bases retenues par le tribunal administratif pour la liquidation des intérêts moratoires ;
Considérant qu'aux termes de l'article 353 du code des marchés publics : "... le défaut de mandatement dans le délai prévu ... fait courir de plein droit et sans autre formalité, au bénéfice du titulaire ... des intérêts moratoires" ; que dès lors les intérêts moratoires réclamés par le groupement d'entreprises représentées par la société sud parisienne de construction doivent être mis à la charge du Département du Val-de-Marne ; que, par suite, par les moyens qu'il invoque, le dit département n'est pas fondé à se plaindre que le tribunal administratif ait renvoyé les entreprises devant le président du conseil général pour obtenir la liquidation des intérêts moratoires auxquels elles avaient droit ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de maintenir à la charge du Département du Val-de-Marne les frais d'expertise exposés lors de la procédure de référé ;
Article 1er : Les pénalités de retard infligées à l'entreprise sud parisienne de construction par le Département du Val-de-Marne sont remises à la charge de l'entreprise sud parisienne de construction pour la période du 29 septembre 1982 au 10 décembre 1982.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 11 juin 1987 est réformé en tant qu'il est contraire à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi du Département du Val-de-Marne est rejeté.