Vu l'ordonnance en date du 2 janvier 1989 par laquelle le président de la 7ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat par le ministre délégué auprès de ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget ;
Vu la requête présentée par le ministre délégué auprès de ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget ; elle a été enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 3 novembre 1988 ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1°) de réformer le jugement n° 65204/3 du 29 juin 1988 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à la société Aluminium X... (S.A.B.) une réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1979 à 1981 dans les rôles de la commune de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine) ;
2°) de remettre à la charge de la société les droits et pénalités dégrevés par le tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 29 mai 1990 :
- le rapport de M. Jean-Antoine, conseiller,
- les observations de M. J.P. X..., président-directeur général de la société Aluminium X...,
- et les conclusions de M. Loloum, commissaire du gouvernement ;
Sur l'exonération afférente aux créations d'entreprises nouvelles :
Considérant qu'aux termes de l'article 44 bis du code général des impôts : "I. Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, les bénéfices réalisés au cours de l'année de leur création et des autres années suivantes par les entreprises industrielles constituées à partir du 1er juin 1977 et avant le 1er janvier 1982 ne sont retenues que pour les deux tiers de leur montant ... II. L'abattement du tiers s'applique lorsque les conditions suivantes sont réunies :... 3° Pour les entreprises constituées sous forme de sociétés, les droits de vote attachés aux actions ou aux parts ne doivent pas être détenus, directement ou indirectement, pour plus de 50 % par d'autres sociétés ..." ;
Considérant qu'aux termes de l'article 44 ter du code général des impôts dans sa rédaction résultant de l'article 19 de la loi du 29 décembre 1978 : "Les bénéfices réalisés pendant l'année de leur création et chacune des deux années suivantes par les entreprises industrielles nouvelles définies à l'article 44 bis, soumises à un régime réel d'imposition et produisant un bilan, sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à la condition que ... elles s'obligent à maintenir ces bénéfices dans l'exploitatio ... L'exonération prévue au présent article ne peut se cumuler avec l'abattement du tiers prévu par l'article 44 bis ..." ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que seules entrent dans leur champ d'application les entreprises industrielles nouvelles qui satisfont à l'ensemble des conditions énoncées à l'article 44 bis du code dans sa rédaction résultant de l'article 17 de la loi du 30 décembre 1977 ;
Considérant, en premier lieu, qu'en appel le ministre soutient que les droits de vote attachés aux actions de la société S.A.B. seraient indirectement détenus à plus de 50 % par la société M.A.B. et que, par suite, les exonérations prévues par les articles 44 ter et 44 bis du code général des impôts respectivement applicables aux années d'impositions litigieuses ne seraient pas susceptibles d'être accordées ; qu'il fait valoir que deux des porteurs de parts de la S.A.R.L. M.A.B. - Messieurs Michel et Jean-Pierre X... - détiennent 380 des parts de celle-ci sur 400 et 140 des 210 actions de la société anonyme S.A.B. ; qu'ainsi la seconde serait indirectement contrôlée par la première dès lors, par ailleurs, que les deux sociétés avaient établi entre elles "des relations commerciales et financières suivies" ;
Mais considérant que ni la seule détention par les mêmes personnes physiques de la majorité des droits de vote attachés aux parts ou actions de deux sociétés distinctes, ni l'existence entre de telles sociétés de relations commerciales et financières ne sont par elles-mêmes de nature à établir la détention indirecte par l'une des sociétés de plus de 50 % des droits de vote attachés aux actions ou aux parts de l'autre, dès lors qu'il n'est pas établi que l'une des sociétés exerce réellement le pouvoir de décision dans l'autre par l'intermédiaire de ses propres détenteurs majoritaires de parts ou d'actions ;
Considérant, en second lieu, que dans la mesure où le ministre entend continuer à soutenir, comme l'a fait le service en première instance, que la société S.A.B. ne serait que la continuation sous une forme juridique différente de la société M.A.B. et par suite ne constituerait pas en réalité une entreprise nouvelle, il résulte de l'instruction que l'objet social des deux sociétés est différent et que leur activité s'exerce dans des secteurs industriels distincts pour ce qui est de la quasi totalité du chiffre d'affaires de la société S.A.B. ; que les relations commerciales et fonctionnelles établies entre les deux sociétés comme l'identité partielle de clientèle du fait notamment des diligences exercées au bénéfice de chacune par leur dirigeant commun M. Jean-Pierre X... et de la complémentarité de leurs activités qui pour autant demeurent nettement différenciées, ne sont pas de nature à justifier de ce que l'activité de la société S.A.B. n'est pas réellement nouvelle et constitue en fait la poursuite voire le simple prolongement de celle de la société M.A.B. ; que dans ces conditions le ministre n'est pas fondé à demander, en ce qui concerne le bénéfice de l'exonération litigieuse, l'infirmation du jugement entrepris ;
Sur l'appel incident de la société S.A.B. portant sur les dépenses de "sponsoring" :
Considérant que dans son mémoire en réplique de première instance du 13 février 1987, la société requérante a accepté "dans un esprit de conciliation le rehaussement provenant du rejet dans les frais généraux des dépenses de sponsoring" ; qu'en outre dans son mémoire enregistré le 14 juin 1988 elle a demandé "la décharge des impositions à l'égard desquelles elle a maintenu sa contestation" ; qu'ainsi dans le dernier état de ses conclusions de première instance la requérante avait limité ses prétentions au chef de redressement portant sur l'application des articles 44 bis et 44 ter du code général des impôts ; que compte tenu de ce qui précède la demande reprise en appel visant les frais de "sponsoring" excède le quantum de ses prétentions chiffrées de première instance ; qu'elle est par suite irrécevable ;
Article 1er : Le pourvoi du ministre délégué auprès de ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget est rejeté.
Article 2 : L'appel incident formé par la société S.A.B. est rejeté.