La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/06/1992 | FRANCE | N°90PA00866

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 02 juin 1992, 90PA00866


VU le recours et le mémoire complémentaire enregistrés les 27 septembre 1990 et 3 décembre 1990 au greffe de la cour, présentés par le MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, CHARGE DU BUDGET ; le ministre demande à la cour ;
1°) de réformer le jugement du 6 avril 1990 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à M. A... la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1976 et 1977 ;
2°) de remettre intégralement l'imposition contestée, en droits et e

n pénalités, à la charge de M. A... ;
VU les autres pièces du dossier ;
...

VU le recours et le mémoire complémentaire enregistrés les 27 septembre 1990 et 3 décembre 1990 au greffe de la cour, présentés par le MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, CHARGE DU BUDGET ; le ministre demande à la cour ;
1°) de réformer le jugement du 6 avril 1990 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à M. A... la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1976 et 1977 ;
2°) de remettre intégralement l'imposition contestée, en droits et en pénalités, à la charge de M. A... ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 19 mai 1992 :
- le rapport de M. PAITRE, conseiller,
- les observations de Me SAINT-MARCOUX, avocat à la cour, pour M. A...,
- et les conclusions de M. X..., com-missaire du Gouvernement ;

Sur l'étendue du litige :
Considérant que si, postérieurement à l'introduction par le MINISTRE DELEGUE AU BUDGET du recours susvisé, le chef des services fiscaux de la direction nationale des vérifications des situations fiscales a notifié à M. A... un avis de dégrèvement des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1976 et 1977, ce dégrèvement, intervenu en exécution du jugement du 6 avril 1990, n'a pas rendu sans objet le recours introduit par le ministre contre ce jugement ; que M. A... n'est par suite pas fondé à soutenir qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce recours ;
Sur le recours du MINISTRE DU BUDGET :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 28 novembre 1983 : "Tout intéressé est fondé à se prévaloir, à l'encontre de l'administration, des instructions, directives et circulaires publiées dans les conditions prévues par l'article 9 de la loi susvisée du 17 juillet 1978, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux lois et règlements" ;
Considérant que l'instruction du 18 juin 1976, publiée sous la référence 13-L-9-76 au Bulletin officiel de la direction générale des impôts, relative, notamment, à l'examen par un interlocuteur départemental des recours des contribuables vérifiés, prévoit qu'"aucune imposition supplémentaire ne peut être mise en recouvrement tant qu'il n'aura pas été statué sur le recours" ; que le recouvrement de l'impôt se trouve ainsi subordonné à une procédure, non prévue par les dispositions du livre des procédures fiscales, qu'au surplus l'auteur de l'instruction ne peut être regardé comme ayant eu compétence pour instituer ; que, par suite, en tant qu'elle impose cette procédure, l'instruction du 18 juin 1976 est contraire aux lois et règlements, au sens des dispositions précitées du décret du 28 novembre 1983 ; que les contribuables assujettis à une imposition supplémentaire ne peuvent, dès lors, utilement invoquer le fait qu'il n'a pas été donné suite à leur demande de saisine de l'interlocuteur départemental pour soutenir que l'imposition est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière, et pour en demander la décharge ; que le MINISTRE DU BUDGET est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris s'est fondé, pour décharger M. A... des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1976 et 1977, sur la circonstance qu'il n'avait pas été donné suite à la demande de saisine de l'interlocuteur départemental qu'il avait formulée le 12 décembre 1984 ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne l'ensemble des redressements :

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'après réception de l'avis de vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble, M. A... a communiqué à l'administration le nom et l'adresse d'une personne chargée de recevoir toute correspondance le concernant ; que, compte tenu du mandat ainsi donné, qui n'a pas été révoqué par la suite, l'administration a pu, sans que la régularité de la procédure s'en trouve affectée, adresser les correspondances destinées à M. A... à la personne ainsi désignée ; qu'est sans influence sur la régularité de la procédure la circonstance que cette personne a signé les réponses à ces correspondances, alors qu'elle n'avait pas été habilitée à le faire par M. A..., dès lors qu'il n'est ni établi, ni d'ailleurs allégué, que des mentions figurant dans ces réponses, assimilables à des défauts de réponse compte tenu de l'absence d'habilitation de leur signataire, ont été, dans la suite de la procédure, opposées à l'intéressé ;
En ce qui concerne l'absence d'indication des conséquences d'une acceptation des redressements au titre de 1977 :
Considérant que M. A... soutient que les conséquences d'une éventuelle acceptation des redressements intéressant 1977 auraient dû lui être précisées en application des dispositions de l'article 1649 septies A du code général des impôts aux termes desquelles : "Lorsque des redressements sont envisagés à l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration doit indiquer aux contribuables qui en font la demande les conséquences de leur acceptation éventuelle sur l'ensemble des droits et taxes dont ils sont ou pourraient devenir débiteurs ... " ; qu'il se prévaut, sur le fondement de l'article 1er déjà cité du décret du 28 novembre 1983, de la documentation de base 13 L 1322 qui rendait ces dispositions applicables non seulement en cas de vérification de comptabilité, mais également en cas de vérification de situation fiscale d'ensemble ;
Considérant, d'une part, que les dispositions précitées du code général des impôts ne sont applicables que dans le cas où les redressements peuvent faire l'objet d'une acceptation par le contribuable ; que le moyen tiré de ce qu'elles n'ont pas été respectées est, par suite et en tout état de cause, inopérant à l'encontre des compléments d'imposition établis par voie de taxation d'office ;
Considérant, d'autre part, que M. A... disposait, en application des dispositions de l'article 1649 quinquies A du code général des impôts reprises à l'article R 57 du livre des procédures fiscales, d'un délai de trente jours à compter de la notification, le 28 décembre 1981, des redressements donnant lieu à procédure contradictoire, pour faire parvenir son acceptation ou ses observations ; que, s'il a formulé des observations dans le délai imparti, il n'a demandé que le 28 janvier 1985 à connaître le montant des impositions supplémentaires devant intervenir en conséquence des redressements ; que par suite, quelle que soit la portée de la documentation susmentionnée, l'administration n'était pas tenue de faire droit à ces demandes, présentées hors délai ;
En ce qui concerne la régularité de la taxation d'office de crédits du compte bancaire de M. A... en 1977 :

Considérant que la réponse à la demande de justifications de l'origine des sommes inscrites les 25, 27 et 28 juillet 1977 au crédit du compte en banque de M.

A...

, pour un montant total de 1.700.000 F, signée par une personne qui n'avait pas été habilitée à le faire, et qui se bornait à indiquer que ces sommes provenaient de la cession d'actions au porteur ou de parts sociales que détenait M. A... dans diverses sociétés, sans produire aucun document probant relatif aux opérations alléguées, ou au lien entre ces opérations et les crédits bancaires, a pu être assimilée à un défaut de réponse par l'administration, laquelle était dès lors fondée à inclure le montant de ces crédits dans les revenus d'origine indéterminée taxés d'office, en application des articles 176 et 179, alors en vigueur, du code général des impôts ;
Sur le bien-fondé des compléments d'impositions de 1976 :
Considérant qu'il a été constaté par le service que les revenus de capitaux mobiliers de M. A... au cours de l'année 1976 se sont établis à 886.968 F au lieu des 1.273.792 F mentionnés dans l'avis d'impositions supplémentaires, et que le délai de prescription prévu par l'article L.188 du livre des procédures fiscales était expiré lorsque les majorations pour mauvaise foi dont ont été assortis les droits en principal de 1976 ont été constatée pour la première fois, par lettre du 8 novembre 1984 ; que si l'administration admet que M. A... est fondé à prétendre, en conséquence, à une réduction de 386.824 F de ses bases d'imposition de 1976, et à la substitution des intérêts de retard aux majorations de mauvaise foi, dans la limite des pénalités primitivement appliquées et, en ce qui concerne les droits assis par voie de procédure contradictoire, dans la limite de 25 % de ces droits, elle a limité à 2.403 F et 27.711 F les montants des réductions, en droit et en pénalités, qu'elle a accordés par décision du 2 juin 1987, en effectuant la compensation des dégrèvements reconnus justifiés par des insuffisances ou omissions constatées dans le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande, notamment la prise en considération d'un quotient familial comportant trois parts au lieu d'une seule ;

Considérant, toutefois, que M. A... produit un certificat par lequel le juge du district de Las Vegas atteste qu'il a célébré le 18 septembre 1976 le mariage de "Gaston Jacques A... et Toni K. Y..." ; que l'administration ne conteste pas sérieusement que ce mariage est intervenu en conformité avec la loi locale ; que s'il est constant qu'il n'a pas été précédé de la publication en France prévue par l'article 63 du code civil, à laquelle l'article 170 du même code subordonne la validité du mariage contracté en pays étranger entre français et étranger, l'administration n'établit ni d'ailleurs n'allègue que l'omission de cette formalité visait à éluder la publicité prescrite, et revêtait, de ce fait, le caractère d'une fraude à la loi française ; que, dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir que le nombre de parts de quotient familial devant servir au calcul de son impôt sur le revenu de l'année 1976 s'établit à deux, et à solliciter, par voie de conséquence, la réduction du complément d'imposition restant en litige au titre de 1976 ;
Sur le bien-fondé des compléments d'impositions de 1977 :
En ce qui concerne les sommes inscrites en crédit du compte en banque de M.

A...

en 1977 :
Considérant que M. A..., régulièrement taxé d'office, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, à raison de l'inscription en crédit de son compte en banque, les 25, 27 et 28 juillet 1977, de différentes sommes pour un montant total de 1.700.000 F, ne peut obtenir, par la voie contentieuse, la décharge ou la réduction de la cotisation qui lui a été assignée qu'en apportant la preuve de l'exagération des bases d'imposition ainsi retenues par l'administration ; que s'il allègue que les sommes en litige, qui proviennent, à hauteur de 700.000 F, de chèques de M. Jean Z..., à hauteur de 500.000 F, de virements de la société "Paris Nice", et, à hauteur de 500.000 F, de chèques de la société générale de protection incendie, lui ont été versées en règlement d'actifs qu'il détenait dans les sociétés "les stations Tour Eiffel", "Paris Nice" et "Altour", il se borne à produire, à l'appui de cette allégation, divers documents qui, ou bien ont été établis par lui-même, ou bien ont trait à des transferts d'actifs intervenus en dehors de la période litigieuse, ou bien encore sont dépourvus de date certaine ; qu'il ne saurait, dans ces conditions, être regardé comme apportant la preuve que la taxation d'office n'était pas justifiée ;
En ce qui concerne l'incidence du quotient familial de M. A... sur les compléments d'impositions de 1977 :

Considérant que le quotient familial de M. A... pour l'année 1977 a donné lieu, par voie de taxation d'office, à un redressement consistant en une réduction du nombre de parts de trois à un et demi, à défaut de justification de la situation et des charges de famille ; que si, par ailleurs, l'administration admet que le délai de prescription prévu par l'article L.188 du livre des procédures fiscales était expiré lorsque les majorations pour mauvaise foi ou pour manoeuvres frauduleuses dont ont été assortis les droits en principal de 1977 ont été constatées pour la première fois, par lettre du 21 décembre 1984, et que M. A... est fondé à prétendre, en conséquence, à la substitution des intérêts de retard aux majorations, dans la limite des pénalités primitivement appliquées et, en ce qui concerne les droits assis par voie de procédure contradictoire, dans la limite de 25 % de ces droits, elle s'estime fondée à compenser les dégrèvements ainsi justifiés par des insuffisances ou omissions constatées dans le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande, notamment la prise en considération d'un quotient familial d'une part et demi, alors que le nombre de parts aurait dû être limité à un ;
Mais considérant que, compte tenu de son mariage en 1976 avec Mme Y... dans les conditions susrappelées, M. A... est fondé à soutenir qu'en 1977 comme en 1976, le nombre de parts de son quotient familial s'établissait, pour les motifs indiqués ci-dessus, à deux, et à solliciter, par suite, la réduction correspondante des impositions restant en litige au titre de 1977 ;
Sur les justifications de l'origine de sommes inscrites en crédit du compte en banque de M.

A...

en 1979 :
Considérant que si M. A... fait valoir qu'il justifie de l'origine des sommes inscrites au crédit de son compte en banque à hauteur de 190.000 F en 1979, cette argumentation est inopérante dans le cadre du présent litige, qui concerne exclusivement des droits simples et des pénalités au titre des années 1976 et 1977 ;
Article 1er : Pour la détermination de la base de l'impôt sur le revenu assigné à M. A... au titre des années 1976 et 1977, le quotient familial s'établit à deux parts.
Article 2 : Les compléments d'impôts sur le revenu auxquels M. A... a été assujetti au titre des années 1976 et 1977, dont le tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge par son jugement du 6 avril 1990, sont remis à la charge de M. A..., sous réserve de l'application de l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 6 avril 1990 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DU BUDGET est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 90PA00866
Date de la décision : 02/06/1992
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-02-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU - ENFANTS A CHARGE ET QUOTIENT FAMILIAL


Références :

CGI 1649 septies A, 1649 quinquies A, 176, 179
CGI Livre des procédures fiscales R57, L188
Code civil 63, 170
Décret 83-1025 du 28 novembre 1983 art. 1
Instruction 13-L9-76 du 18 juin 1976


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: PAITRE
Rapporteur public ?: BERNAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1992-06-02;90pa00866 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award