VU l'ordonnance en date du 2 janvier 1989 par laquelle le président de la 9ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat pour M. Y... ;
VU la requête et le mémoire complémentaire présentés pour M. Serge Y... demeurant ..., par Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; ils ont été enregistrés au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat les 26 août 1987 et 23 décembre 1987 ; M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) de réformer le jugement n° 44468/3 du 10 juin 1987 en tant que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1977, 1978, 1979 et 1980 dans les rôles de la commune de Sceaux et de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamée pour la période du 1er janvier 1977 au 31 décembre 1980 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ainsi que des pénalités dont elles ont été assorties ;
3°) de condamner l'Etat à lui rembourser les frais de procédure et à lui verser une indemnité ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 18 juin 1992 :
- le rapport de M. HOURDIN, conseiller,
- les observations de Me GUILLOUX, avocat à la cour, pour M. Y...,
- et les conclusions de M. BERNAULT, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne l'année 1977 :
Considérant, d'une part, que les impositions supplémentaires auxquelles M. Y... a été assujetti au titre de l'année 1977 tant au titre de la taxe sur la valeur ajoutée qu'en matière d'impôt sur le revenu ont été établies à la suite de la procédure de redressement contradictoire ; qu'il résulte cependant de l'instruction qu'en ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux, le requérant s'était abstenu de souscrire la déclaration catégorielle correspondante dans les délais qui lui étaient impartis et se trouvait donc en situation d'évaluation d'office ; que, dès lors que cette situation ne résulte pas des opérations de vérification dont le contribuable a fait l'objet, les irrégularités qui auraient affecté ces opérations, sont, à les supposer même établies, sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition appliquée aux bénéfices industriels et commerciaux ;
Considérant, d'autre part, que si M. Y... soutient ne s'être pas trouvé en situation d'imposition d'office en ce qui concerne le revenu global, ses prétentions sur ce point apparaissent comme sans objet en fait dès lors que les dégrèvements dont il a bénéficié au cours de la procédure contentieuse incluent notamment les redressements apportés d'office à son revenu global ;
Considérant, en outre, qu'il résulte de l'instruction que les opérations de vérification diligentées à l'encontre du contribuable n'ont pas débuté le 21 juillet 1981, date à laquelle les avis de vérification correspondants ont été remis en mains propres au requérant par le vérificateur, celui-ci s'étant alors borné à recueillir des informations d'ordre général sur les activités de M. Y... ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que les opérations de contrôle auraient débuté dans des conditions irrégulières ne peut être accueilli ; que ne peut l'être davantage le moyen tiré de ce que la vérification de comptabilité en cause se serait déroulée dans les locaux de l'administration, dès lors que le requérant n'établit pas avoir déféré à l'invitation qui lui avait été faite d'apporter ses documents comptables au siège du service ;
Considérant, enfin, qu'il ressort des pièces du dossier que les exemplaires originaux des avis de vérifications des 12 février et 2 juin 1981 ainsi que des notifications de redressement en date des 16 et 18 décembre 1981, relatives aux recettes et aux revenus de M. Y... en 1977, portaient à la fois, contrairement à ce qu'il soutient, la mention dactylographiée du nom d'un inspecteur et la signature manuscrite de celui-ci ; que, par suite, le requérant, qui s'est abstenu de retirer les plis recommandés contenant ces avis et ces notifications, alors même que ceux-ci lui avaient été présentés, ainsi que l'établit l'administration, conformément à la réglementation postale alors en vigueur, n'est pas fondé à soutenir que les impositions supplémentaires auxquelles il a été assujetti, au titre de l'année 1977, tant en matière d'impôt sur le revenu que de taxe sur la valeur ajoutée, ont été établies à la suite d'une procédure irrégulière ;
En ce qui concerne les années 1978, 1979 et 1980 :
Considérant, en premier lieu, que, conformément à l'article L.74 du livre des procédures fiscales, l'administration est en droit d'évaluer d'office les bases d'imposition lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu, notamment du fait du contribuable ; qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a trouvé, au rendez-vous qu'il avait fixé avec l'expert comptable de M. Y... le 10 décembre 1981, l'établissement fermé et qu'il n'a pu obtenir de nouveaux rendez-vous avec le contribuable dès lors que celui-ci n'a pas retiré les quatorze plis qui lui ont été envoyés avec avis de réception postal à son domicile et au siège de la société civile professionnelle au sein de laquelle il exerçait son activité d'huissier ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a évalué d'office la taxe sur la valeur ajoutée relative à la période du 1er janvier 1978 au 31 décembre 1980 et les bénéfices industriels commerciaux ainsi que les bénéfices non commerciaux des années 1978, 1979 et 1980. Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration, lorsqu'elle décide de recourir à la procédure d'évaluation d'office visée à l'article L.74 du livre des procédures fiscales de rédiger un procès-verbal ; qu'en vertu du dernier alinéa de l'article L.76 du même livre, l'administration n'est pas davantage tenue de notifier les bases de calcul des impositions ainsi établies d'office ; que, par suite, les irrégularités qui auraient affecté la notification de redressement adressée à M. Y... le 9 avril 1982, à les supposer établies, ne sont, en tout état de cause, pas de nature à vicier la procédure d'imposition ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en ce qui concerne son revenu global des années 1978 à 1980, il est constant que le requérant s'est abstenu de souscrire les déclarations d'ensemble de ses revenus dans les délais qui lui étaient impartis, nonobstant l'envoi par l'administration de mises en demeure qu'elle a fait parvenir au contribuable à l'adresse qu'il avait lui-même indiquée ; qu'ainsi, c'est à bon droit que, par application des dispositions de l'article L.66-1° du livre des procédures fiscales, M. Y... a été taxé d'office ; que, dès lors que cette situation de taxation d'office ne résulte pas des opérations de vérification dont le contribuable a par ailleurs fait l'objet, les irrégularités qui auraient affecté lesdites opérations sont sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;
Considérant, en troisième lieu, que si, selon les dispositions du premier alinéa de l'article L.76 du livre des procédures fiscales, l'administration est tenue de notifier les bases des impositions taxées d'office, il ressort des pièces du dossier que la notification de redressement en date du 19 avril 1982 adressée à M. Y... en matière de revenu global, satisfait à ces dispositions et était, contrairement à ce qu'il soutient, revêtue de la signature manuscrite de l'inspecteur ; que, par suite, le requérant, qui s'est abstenu de retirer le pli recommandé contenant cette notification, alors même que celui-ci lui avait été adressé, ainsi que l'établit l'administration, conformément à la réglementation postale alors en vigueur, n'est pas fondé à soutenir que les impositions correspondantes ont été établies à la suite d'une procédure irrégulière ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant que, conformément à l'article L.193 du livre des procédures fiscales, il appartient à M. Y... d'apporter la preuve de l'exagération des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 1977 au 1er décembre 1980 et des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1977, 1978, 1979 et 1980 ;
Considérant, d'une part, que si le requérant soutient que la reconstitution de ses recettes et de ses revenus effectuée par l'administration serait radicalement viciée, il n'apporte aucun élément à l'appui de cette allégation, alors surtout que les dégrèvements dont il a bénéficié au cours de la procédure résultent de la prise en considération des mouvements de compte à compte, des sommes déposées à titre de séquestre et des charges supportées par le contribuable et que celui-ci persiste à faire grief à l'administration de n'avoir pas pris en compte ces différents éléments ;
Considérant, d'autre part, que si M. Y..., qui s'est abstenu, au titre des années 1978, 1979 et 1980, de souscrire toute déclaration de ses revenus, produit des livres journaux contenant le détail de ses recettes et dépenses desdites années afférentes à son activité libérale, il résulte de l'instruction que ces documents, qui ne sont d'ailleurs appuyés d'aucune pièce justificative, ne portent que sur cinq des vingt et un comptes bancaires utilisés par le requérant au cours desdites années et s'avèrent donc incomplets ; que, dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, laquelle ne pourrait être, en l'espèce, que frustratoire, M. Y... ne peut être regardé comme apportant la preuve de l'exagération des bases d'imposition maintenues par l'administration ;
Considérant, enfin, que si le requérant soutient que le taux de 5% retenu par le service pour le calcul de la plus-value à court terme réalisée lors de la cession d'un local professionnel sis à Bagneux est exagéré, il est constant que ce taux correspond à celui couramment admis pour ces locaux professionnels et que M. Y... ne produit aucun élément de nature à établir son exagération ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la lettre en date du 16 juin 1982, par laquelle l'administration a entendu porter à la connaissance du contribuable la motivation des pénalités dont étaient assorties les impositions contestées, a été adressée par courrier simple, sans accusé de réception ; que, par suite, l'administration ne peut apporter au juge de l'impôt, ainsi que le requérant est fondé à le réclamer, la preuve de la réception de ladite lettre par le contribuable ; que, dans ces conditions, il y a lieu de prononcer la décharge des pénalités en cause et d'y substituer, dans la limite de leur montant, les intérêts et indemnités de retard ;
Article 1er : Les intérêts et indemnités de retard sont substitués, dans la limite du montant desdites pénalités, aux pénalités pour mauvaise foi mises à la charge de M. Y... et afférentes respectivement d'une part aux suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1977, 1978, 1979 et 1980 et, d'autre part, aux compléments de taxe sur la valeur qui lui ont été assignés au titre des mêmes années.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 10 juin 1987 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Y... est rejeté.