VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 22 octobre 1992, présentée par la société COFREC dont le siège social est ... ; la société COFREC demande à la cour :
1°) l'annulation du jugement du 19 juin 1992 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa requête ;
2°) le dégrèvement du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice 1983, à hauteur d'un montant de 490.000 F ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 6 juillet 1993 :
- le rapport de Mme COCHEME, président-rapporteur,
- et les conclusions de Mme de SEGONZAC, commissaire du Gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens :
Considérant qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts : "Les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45 et 53 à 58" ; qu'aux termes de l'article 39 duodecies du même code, "1. Par dérogation aux dispositions de l'article 38 les plus-values provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé sont soumises à des régimes distincts suivant qu'elles sont réalisées à court ou à long terme. 2. Le régime des plus-values à court terme est applicable : a) Aux plus-values provenant de la cession d'élements acquis ou créés depuis moins de deux ans ; ... 3. Le régime des plus-values à long terme est applicable aux plus-values autres que celles définies au 2" ; qu'enfin l'article 219 de ce code relatif au calcul de l'impôt sur les sociétés dispose que : "1. ... a) ... le montant net des plus-values à long terme ... fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 15 % ..." ;
Considérant que la société COFREC demande la réduction de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés qui lui a été assignée au titre de l'année 1983 en soutenant que c'est à tort qu'a été comprise dans ses bénéfices imposables au taux de droit commun une somme de 1.400.000 F qu'elle a regardée comme assimilable au prix de cession d'un élément incorporel de son actif immobilisé et qu'elle a en conséquence soumise, pour son montant intégral, à une imposition séparée au taux de 15 % ; que l'administration soutient au contraire qu'il s'agit d'une recette d'exploitation échappant aux prévisions de l'article 219-1 et par suite imposable au taux de droit commun ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société COFREC assurait en France la distribution exclusive depuis avril 1976, des produits fabriqués par la société espagnole Troquelerias Irurak, en vertu d'un contrat d'agent commercial, conclu le 12 avril 1976 sans détermination de durée ; que ce contrat a été résilié à l'initiative de la société espagnole le 24 octobre 1980 et que l'indemnité litigieuse a été versée à la requérante en exécution d'un protocole d'accord intervenu le 9 novembre 1982 ;
Considérant que si le contrat ainsi résilié était devenu depuis quelques années une source régulière de profits pour la société COFREC, pareille source de profit ne pouvait constituer pour celle-ci un élément incorporel de son actif immobilisé qu'à la condition notamment que l'entreprise pût, eu égard aux liens de droit et aux rapports de fait qui l'unissaient à son cocontractant, escompter normalement la poursuite de l'exécution du contrat pendant une assez longue période ; que tel était le cas en l'espèce dès lors que ce contrat avait été conclu pour une durée indéterminée, qu'un préavis de douze mois était prévu avant résiliation effective et qu'une indemnité devait être versée au mandataire conformément aux dispositions du décret du 23 décembre 1958 auxquelles se référait expressement ledit contrat ; qu'eu égard à ces éléments qui favorisaient son activité par l'assurance et la stabilité relative d'un certain volume de ventes, la société requérante doit être regardée comme s'étant constitué un élément incorporel de son actif immobilisé ; que l'indemnité litigieuse a été perçue à l'occasion de la perte de cet élément d'actif et a eu pour effet de réparer cette perte ; que dès lors, la perception de l'indemnité en cause constitue pour la société requérante une plus-value assimilable à une plus-value de cession portant sur un élément incorporel de son actif immobilisé et non, comme le soutient l'administration, la contrepartie de la perte de recettes d'exploitation ; que cet élément ayant été créé depuis plus de deux ans, le régime des plus-values à long terme est, en vertu des dispositions précitées de l'article 39 duodecies, applicable à la plus-value correspondante ; que par suite, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 19 juin 1992 est annulé.
Article 2 : La société COFREC est déchargée du complément d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'année 1983.