(4ème chambre) VU la requête, enregistrée le 4 juin 1996, présentée pour la COMMUNE DE CHAMPAGNE-SUR-OISE représentée par son maire en exercice, par la SCP HUGLO et associés, avocat ; la COMMUNE DE CHAMPAGNE-SUR-OISE demande à la cour l'annulation du jugement n 924208-932196 en date du 23 février 1996 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé les arrêtés de son maire en date du 12 décembre 1991 et 24 octobre 1992 prolongeant et mettant fin au stage de Mme X... ainsi que la décision implicite de refus de réintégration, et l'a condamnée à réparer le préjudice subi par l'intéressée ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mai 1997 :
- le rapport de M. LAURENT, conseiller,
- les observations de la SCP HUGLO et associés, avocat, pour la COMMUNE DE CHAMPAGNE-SUR-OISE et celles de Me Y..., avocat, pour Mme X...,
- et les conclusions de M. BROTONS, commissaire du Gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de la version manuscrite du jugement qu'il contient que l'ensemble des moyens présentés par les parties n'ont été ni visés, ni analysés ; que, dès lors, le jugement attaqué est irrégulier en la forme ; que la COMMUNE DE CHAMPAGNE-SUR-OISE est, par suite, fondée à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Versailles ;
Sur la jonction :
Considérant que les demandes enregistrées au greffe du tribunal administratif de Versailles sous les n s 932196 et 944208 concernent la situation d'un même agent et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu d'en prononcer la jonction pour qu'il y soit statué par un même arrêt ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne l'arrêté du 12 décembre 1991 :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le maire de Champagne-sur-Oise, en prolongeant d'un an le stage de Mme X... par l'arrêté susvisé, a, eu égard à l'avis défavorable de la commission administrative paritaire et à la manière de servir de l'intéressée telle qu'elle apparaît dans les notations annuelles, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, dès lors, Mme X... est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 12 décembre 1991 ;
En ce qui concerne l'arrêté du 22 octobre 1991 :
Considérant que l'annulation de l'arrêté du 12 décembre 1991 a pour effet de remettre en vigueur l'arrêté du 22 octobre 1991 auquel il s'était substitué ;
Considérant qu'eu égard aux incidents survenus en 1990 et 1991 susceptibles de révéler une insuffisance professionnelle de Mme X..., le maire de Champagne-sur-Oise en prorogeant par l'arrêté attaqué, pour six mois à compter du 1er novembre 1991, le stage de l'intéressée, n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions dirigées contre l'arrêté du maire de Champagne-sur-Oise en date du 22 octobre 1991, lequel était d'ailleurs suffisamment motivé, ne sauraient être accueillies ;
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté en date du 24 octobre 1992 et de la décision portant refus implicite de réintégration :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le maire de la COMMUNE DE CHAMPAGNE-SUR-OISE a, par lettre en date du 30 juin 1992, écrit son intention de prendre cette décision en raison de l'introduction d'un recours contentieux par l'intéressée à l'encontre de l'arrêté prolongeant son stage ; que, par suite, l'arrêté du 24 octobre 1992 est entaché de détournement de pouvoir ; que, dès lors, Mme X... est fondée à demander l'annulation dudit arrêté ainsi que de la décision portant refus implicite de réintégration opposée à sa demande du 19 novembre 1992 ;
Sur les conclusions aux fins d'indemnités :
En ce qui concerne le préjudice matériel :
Considérant que Mme X..., fonctionnaire irrégulièrement évincée à compter du 1er novembre 1992, a droit, en l'absence de service fait, à la réparation du préjudice matériel qu'elle a effectivement subi du fait de son éviction illégale ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que Mme X... ait exercé une activité après son licenciement ; que toutefois l'intéressée n'a justifié son préjudice qu'en ce qui concerne la période prenant fin le 31 décembre 1993 ; qu'il y a lieu de condamner la COMMUNE DE CHAMPAGNE-SUR-OISE à payer à Mme X..., en réparation de son préjudice matériel, une indemnité correspondant à la différence entre le montant des traitements qu'elle aurait perçus si elle était demeurée en activité au cours de la période du 1er novembre 1992 au 31 décembre 1993, à l'exclusion de toute indemnité liée à l'exercice effectif des fonctions, et le montant des sommes perçues durant ces mêmes périodes par l'intéressée au titre des allocations de chômage ; que la cour ne trouvant pas au dossier les éléments nécessaires à la fixation, à partir de ces bases, du montant de l'indemnité, il y a lieu, dès lors, de renvoyer Mme X... devant la COMMUNE DE CHAMPAGNE-SUR-OISE aux fins de faire procéder à sa liquidation ;
En ce qui concerne les préjudices autres que matériels :
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des autres chefs de préjudice subis par Mme X... en condamnant la commune à payer à cette dernière, pour leur réparation, la somme de 5.000 F ;
Sur les intérêts :
Considérant que Mme X... a droit aux intérêts au taux légal afférents à l'indemnité allouée par le présent arrêt au titre des préjudices autres que matériels à compter du 23 novembre 1992, date de réception par la commune de la demande préalable de l'intéressée ; que s'agissant de l'indemnité correspondant à la réparation du préjudice matériel, les intérêts demandés courront successivement de chacune des dates de paiement des traitements pris en considération pour sa liquidation ;
Sur la capitalisation des intérêts :
Considérant que Mme X... a demandé le 4 décembre 1996 la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les conclusions de Mme X... à fins d'application des dispositions des articles L.8-2 et L.8-3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Lorsqu'un jugement ou arrêt implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure, assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution, par le même jugement ou le même arrêt" ; qu'aux termes de l'article L.8-3 du même code : "Saisi de conclusions en ce sens, le tribunal ou la cour peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application de l'article L.8-2 d'une astreinte qu'il prononce dans les conditions prévues au quatrième alinéa de l'article L.8-4 et dont il fixe la date d'effet" ;
Considérant que sur le fondement de ces dispositions, Mme X... présente des conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte à la COMMUNE DE CHAMPAGNE-SUR-OISE de la réintégrer dans ses fonctions ; que l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que la commune réintègre l'intéressée et reconstitue sa carrière ; qu'il y a lieu de prescrire ces mesures ; qu'il y a lieu également, compte tenu des circonstances de l'affaire d'assortir cette injonction d'une astreinte de 500 F par jour à compter de l'expiration d'un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner, sur le fondement des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la COMMUNE DE CHAMPAGNE-SUR-OISE à payer à Mme X... la somme de 7.000 F au titre des frais non compris dans les dépens que celle-ci a exposés tant en première instance qu'en appel ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 23 février 1996 est annulé.
Article 2 : Les arrêtés du maire de Champagne-sur-Oise en date du 12 décembre 1991 et 24 octobre 1992 ainsi que le refus implicite de réintégrer Mme X... sont annulés.
Article 3 : La COMMUNE DE CHAMPAGNE-SUR-OISE est condamnée à payer à Mme X..., en réparation de ses préjudices matériels, une indemnité dont le montant est déterminé selon les bases définies dans les motifs du présent arrêt ; ladite somme portera intérêts de droit calculés selon les modalités énoncées dans les motifs du présent arrêt.
Article 4 : Mme X... est renvoyée devant l'administration pour le calcul et la liquidation de l'indemnité fixée à l'article 3 du présent arrêt.
Article 5 : La COMMUNE DE CHAMPAGNE-SUR-OISE est condamnée au paiement d'une somme de 5.000 F (cinq mille francs) à Mme X... à titre de réparation des préjudices autres que matériels ; cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 23 novembre 1992.
Article 6 : Les intérêts afférents aux indemnités définies aux articles 3 et 5 du présent arrêt et échus le 4 décembre 1996 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 7 : Il est enjoint à la COMMUNE DE CHAMPAGNE-SUR-OISE de réintégrer Mme X... et de reconstituer sa carrière dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt sous peine d'une astreinte de 500 F par jour de retard.
Article 8 : La COMMUNE DE CHAMPAGNE-SUR-OISE est condamnée à payer à Mme X..., au titre des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la somme de 7.000 F.
Article 9 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DE CHAMPAGNE-SUR-OISE et le surplus des demandes et des conclusions d'appel incident de Mme X... sont rejetés.