(3ème Chambre)
VU la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 28 mars, 25 avril et 7 juin 1995, présentés pour M. Michel X..., demeurant ... et Miquelon, par Me ALVAREZ de Y..., avocat ; M. X... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 27 décembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Saint-Pierre et Miquelon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la chambre de commerce, d'industrie et des métiers de Saint-Pierre et Miquelon (CCIM) à lui verser diverses indemnités ;
2 ) de condamner la chambre de commerce, d'industrie et des métiers de Saint-Pierre et Miquelon à lui payer, avec les intérêts au taux légal à compter du 15 juin 1994, les sommes de :
- 18.000 F au titre de retenues sur salaire pour le paiement du logement de fonction, - 19.350 F, montant des loyers du logement de fonction du 15 juin au 15 septembre 1994, date de fin de bail, - 36.500 F, montant des frais de voyage aller-retour en métropole pour l'ensemble de la famille, engagés avant la fin du contrat et pendant la période de congés payés, - 67.000 F, à titre de provision sur le montant du devis relatif aux frais de déménagement de Saint-Pierre au nouveau domicile, - 29.450 F, à titre de provision sur le montant du devis concernant les frais de transport aérien entre Saint-Pierre et le nouveau domicile, - 175.000 F, à titre d'indemnité de préavis correspondant à six mois de salaires, - 175.000 F à titre d'indemnité pour le non-respect de la procédure de résolution de son contrat, - 41.250 F, à titre de complément de salaire et de congés payés jusqu'au 15 juin 1994, - 90.000 F, à titre de dommages et intérêts pour abus de pouvoir, - 100.000 F, en réparation du préjudice moral causé à lui-même et à sa famille ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mai 1997 :
- le rapport de M. RATOULY, président-rapporteur,
- et les conclusions de Mme HEERS, commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X... a été engagé par la chambre de commerce, d'industrie et des métiers de Saint-Pierre et Miquelon, par un contrat de travail signé le 3 août 1993, pour exercer les fonctions de directeur du développement à compter du 15 septembre 1993 ; que, par lettre en date du 25 février 1994, le président de la chambre a prorogé de trois mois la période d'essai de six mois prévue au contrat ; que, par décision du 14 juin 1994, la même autorité a licencié M. X... à compter du 15 juin 1994, date d'expiration de la deuxième période d'essai ; que M. X... demande la condamnation de la chambre de commerce, d'industrie et des métiers de Saint-Pierre et Miquelon à lui payer diverses indemnités en réparation du préjudice qu'il a subi résultant de l'illégalité de la prolongation de sa période d'essai ainsi que de celle de son licenciement ;
Considérant qu'il ressort des dispositions du contrat de travail susmentionné que "le statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie, et le règlement intérieur de la chambre de commerce, d'industrie et des métiers sont applicables à M. X... dans toutes leurs dispositions sauf celles concernant la rémunération et les conditions de cessation de fonction" ; qu'à la rubrique du contrat intitulée "cessation de fonctions" il est prévu une clause de non concurrence, une clause d'objectifs et les modalités de rupture du contrat après l'entrée en vigueur de celui-ci, subordonnée à une période probatoire de six mois prévue à la rubrique "période d'essai" ;
Sur la responsabilité :
Considérant que si le contrat de travail de M. X... a prévu une période d'essai de six mois, aucune possibilité de renouvellement de cette période n'a été expressément mentionnée dans le contrat ; que, contrairement à ce que soutient la chambre de commerce, d'industrie et des métiers, si M. X... a effectivement pris acte, par lettre en date du 3 mars 1994, de la décision de la chambre de proroger sa période d'essai pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 15 juin 1994, il n'a pas donné son accord à cette mesure ; qu'ainsi, le licenciement de M. X..., le 15 juin 1994, ne peut être regardé comme intervenu à l'issue d'une période d'essai ; que, conformément aux dispositions du contrat de travail de M. X..., la chambre de commerce, d'industrie et des métiers ne pouvait mettre fin à ce contrat qu'en respectant un préavis de six mois ; qu'il y a lieu, par suite, de condamner la chambre de commerce, d'industrie et des métiers à payer à M. X... une indemnité représentative du défaut de préavis de six mois ; que la cour ne trouvant pas au dossier les éléments lui permettant de calculer l'indemnité due à M. X..., il y a lieu de le renvoyer devant la chambre de commerce, d'industrie et des métiers pour qu'elle procède au calcul de l'indemnité sur la base du dernier traitement perçu par l'intéressé ;
Considérant, par contre, qu'en application des dispositions précitées du contrat de travail de M. X..., le président de la chambre de commerce pouvait mettre fin aux fonctions de l'intéressé sans respecter les règles de procédure prévues par le statut et le règlement intérieur de la chambre, expressément écartées par le contrat ; que le licenciement de M. X... n'étant pas intervenu pour des raisons disciplinaires, son dossier n'avait pas à lui être communiqué ;
Considérant, par ailleurs, qu'il ressort des pièces du dossier que le licenciement de M. X... pour insuffisance professionnelle était justifié ; qu'en effet, l'intéressé ne fait état d'aucun résultat positif en faveur de la chambre au cours de sa période d'essai ; que celle-ci établit au contraire, sans être sérieusement contredite par M. X..., que ce dernier ne l'a pas informée de sa situation financière très obérée, ce fait étant de nature à rompre le climat de confiance qui devait régner entre la chambre et M. X..., compte tenu de l'importance des fonctions confiées à ce dernier ; que la chambre établit encore que M. X... l'a mise en relation avec un investisseur douteux, sur lequel il n'avait effectué aucune enquête et en omettant de communiquer à son employeur l'information qui lui avait été donnée par la direction de la Poste outre-mer qui faisait apparaître que le projet d'entreprise envisagé n'était pas rentable ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par M. X... tendant au versement d'une indemnité de 175.000 F pour non-respect de la procédure de résolution de son contrat, de 90.000 F à titre de dommages et intérêts pour abus de pouvoir et de 100.000 F en réparation du préjudice moral causé à lui-même et à sa famille, ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant que si M. X... demande en outre, la condamnation de la chambre de commerce, d'industrie et des métiers à lui payer, à titre de provision, les sommes de 67.000 F et 29.450 F correspondant à des devis relatifs à son déménagement et à ses frais de transport en métropole, il ne justifie pas du paiement de ces sommes ;
Considérant que si M. X... demande la condamnation de la chambre de commerce, d'industrie et des métiers à lui payer la somme de 18.000 F au titre de retenues sur salaire pour le paiement du logement de fonction, il n'apporte aucun élément permettant à la cour de statuer sur ce point ;
Considérant que M. X... n'avait aucun droit à occuper gratuitement son logement de fonction pour la période du 15 juin au 15 septembre 1994 ; que, par suite, sa demande tendant au paiement de la somme de 19.350 F ne peut qu'être rejetée ;
Considérant que M. X... ne tenait pas de son contrat, pendant la période d'essai, le droit d'être remboursé de ses frais de voyage aller-retour en métropole pour l'ensemble de sa famille ; que ses conclusions présentées à ce titre pour un montant de 36.500 F doivent être rejetées ;
Considérant, enfin, que la demande de paiement de la somme de 41.250 F à titre de complément de salaire et de congés payés n'est assortie d'aucune précision et ne peut dès lors qu'être rejetée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... est seulement fondé à demander la réformation du jugement attaqué ;
Article 1er : Le jugement en date du 27 décembre 1994 du tribunal administratif de Saint-Pierre et Miquelon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 2 : La chambre de commerce, d'industrie et des métiers de Saint-Pierre et Miquelon est condamnée à payer à M. X... une indemnité de préavis égale à six mois de salaires, calculée sur la base du dernier traitement perçu par l'intéressé.
Article 3 : M. X... est renvoyé devant la chambre de commerce, d'industrie et des métiers de Saint-Pierre et Miquelon pour qu'il soit procédé à la liquidation de ses droits.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.