(2ème Chambre)
VU la requête, enregistrée le 2 mai 1995 au greffe de la cour, présentée pour Mme Marie-Claude Y..., demeurant ..., par Me X..., avocat ; Mme Y... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9106837/1 en date du 7 avril 1994 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1986 à raison de la plus-value immobilière réalisée par ses enfants mineurs associés de la société civile immobilière Boissière propriétaire de l'appartement vendu ;
2 ) de la décharger de l'imposition contestée ;
3 ) de condamner l'Etat à lui rembourser les frais exposés en première instance et en appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
C+ VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 1997 :
- le rapport de Mme PERROT, conseiller,
- les observations de la SCP DESPREZ-DEGROUX-BRUGERE de PINGON-BURLOTTE, avocat, pour Mme Y...,
- et les conclusions de Mme MARTIN, commissaire du Gouvernement :
Considérant que Mme Y... conteste le complément d'impôt sur le revenu qui lui a été assigné, au titre de l'année 1986, à la suite d'une vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble, à raison de la plus-value réalisée lors de la cession d'un immeuble situé ..., appartenant à la société civile immobilière Boissière-Trocadéro, dont ses deux enfants à charge Juliette et Mathieu étaient les associés ; qu'elle fait appel du jugement en date du 7 avril 1994 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, que Mme Y..., à laquelle l'adminis-tration a notifié le 5 septembre 1988, en les motivant régulièrement, les redressements qu'elle envisageait d'apporter, au titre de l'année 1986, à son revenu imposable à raison de la quote-part de ses enfants dans les résultats de la société civile immobilière Boissière, a bénéficié des garanties de la procédure contradictoire et n'est ainsi pas fondée à soutenir que, faute pour l'administration d'avoir au préalable adressé une notification de redressements à la société civile immobilière, la procédure d'imposition la concernant aurait été irrégulière ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L.59 du livre des procédures fiscales : "Lorsque le désaccord persiste sur les redressements notifiés, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts ..." ; qu'en vertu du 5 de l'arti-cle 1651 du code, la commission, lorsqu'elle intervient dans la procédure de redressement contradictoire en cas de désaccord sur le résultat des vérifications, ne peut connaître que des matières indiquées à l'article L.59 A du livre des procédures fiscales ; qu'il résulte de ces dispositions que l'administration n'est tenue de saisir la commission départementale des impôts sur demande du contribuable que lorsque le litige concerne des matières pour lesquelles la commission est compétente en vertu de l'article L.59 A du livre précité ; que les matières visées aux articles 150 A et suivants du code général des impôts n'étant pas au nombre de celles prévues à l'article L.59 A du livre des procédures fiscales, la requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que l'administration, en refusant de saisir la commission, aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L.59 du même livre et entaché la procédure d'imposition d'irré-gularité ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 150 A du code général des impôts : "Sous réserve des dispositions particulières qui sont propres aux bénéfices profes-sionnels et aux profits de construction, les plus-values effectivement réalisées par des personnes physiques ou des sociétés de personnes lors de la cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature sont passibles : 1 De l'impôt sur le revenu, lorsque ces plus-values proviennent de biens immobiliers cédés moins de deux ans après l'acquisition ou de biens immobiliers cédés moins d'un an après celle-ci ; 2 De l'impôt sur le revenu suivant les règles particulières définies aux articles 150 B à 150 T, selon que ces plus-values proviennent de biens immobiliers cédés plus de deux ans ou de biens immobiliers cédés plus d'un an après l'acquisition ..." ; qu'aux termes de l'article 150 C du code général des impôts : "I. Toute plus-value réalisée lors de la cession d'une résidence principale est exonérée. Sont considérés comme résidences principales : a. Les immeubles ou parties d'immeubles constituant la résidence habituelle du propriétaire depuis l'acquisition ou l'achèvement ou pendant au moins cinq ans ; aucune condition de durée n'est requise lorsque la cession est motivée par des impératifs d'ordre familial ou un changement de résidence ; b. Les immeubles ou parties d'immeubles constituant la résidence en France des Français domiciliés hors de France, dans la limite d'une résidence par contribuable. Cette définition englobe les dépendances immédiates et nécessaires de l'immeuble. II. Il en est de même pour la première cession d'un logement lorsque le cédant ou son conjoint n'est pas propriétaire de sa résidence principale, directement ou par personne interposée, et que la cession est réalisée au moins cinq ans après l'acquisition ou l'achèvement. Toutefois, cette exonération n'est pas applicable lorsque la cession intervient dans les deux ans de celle de la résidence principale. Les délais de cinq ans et de deux ans ne sont pas exigés lorsque la cession est motivée par l'un des événements dont la liste est fixée par un décret en Conseil d'Etat et concernant la situation personnelle, familiale ou profes-sionnelle du contribuable" ;
Considérant, en premier lieu, que les attestations produites par Mme Y... au dossier de première instance ne suffisent pas - si nombreuses qu'elles soient - à établir que, comme elle le soutient, ses enfants Mathieu et Juliette, dont elle avait la garde depuis son divorce d'avec leur père, qu'elle déclarait fiscalement à sa charge et au titre desquels elle perçevait de son ex-mari des pensions alimentaires et des remboursements de frais pour pourvoir à leur éducation, auraient néanmoins habité de manière effective et habituelle, depuis son acquisition, le 13 décembre 1982, et encore à la date de sa cession, le 18 janvier 1986, l'immeuble en question qui constituait le domicile de leur père ; que, dès lors, les enfants de Mme Y..., sans qu'il soit besoin de statuer sur leur qualité de propriétaires de l'immeuble en litige, ni Mme Y... en tant que leur représentant légal, ne peuvent prétendre au bénéfice de l'exonération prévue en cas de cession d'une résidence principale au paragraphe I de l'article 150 C susrapporté du code général des impôts ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 74 B bis de l'annexe II au code général des impôts : "Les plus-values réalisées à l'occasion de la première cession d'un logement prévue à l'article 150 C du code général des impôts sont exonérées de l'impôt sur le revenu, quelle que soit la date de la cession, lorsque celle-ci est motivée par l'un des événements suivants : 1 Changement dans la situation de la famille résultant de l'augmentation du nombre des enfants à charge, du divorce ou de la séparation de corps, du décès du contribuable ou de l'un des époux soumis à une imposition commune ..." ; qu'il est constant que l'immeuble en cause n'a été détenu que pendant moins de cinq ans avant que n'intervienne sa cession ; que si, pour être dispensée d'avoir à satisfaire à cette condition légale, la requérante fait état de son second divorce intervenu en juillet 1985, elle n'établit en tout état de cause pas qu'il aurait été la cause immédiate et nécessaire de la cession immobilière dont s'agit et qu'elle entrerait par suite dans les prévisions de l'article 74 B bis précité de l'annexe II au code général des impôts ; qu'il suit de là que Mme Y... n'est, en toute hypothèse, pas davantage fondée à demander le bénéfice de l'exonération de la plus-value litigieuse sur le fondement du paragraphe II de l'article 150 C précité du code général des impôts ;
Considérant, en troisième lieu, que le principe d'égalité devant les charges publiques ne fait pas obstacle à ce que des dispositions fiscales distinctes soient appliquées à des contribuables qui se trouvent dans des situations de fait différentes ; que tel est le cas, en l'espèce, des deux enfants de Mme Y... qui, n'ayant pas eu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, leur résidence principale dans l'immeuble du ..., sont dans une situation distincte, au regard des règles applicables en matière d'imposition des plus-values immobilières, de celle du troisième enfant de leur père qui résidait, avec ce dernier, dans cet immeuble de manière effective et permanente ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme Y... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal admi-nistratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que Mme Y... succombe dans la présente instance ; que sa demande, qui n'est d'ailleurs pas chiffrée, tendant à ce que l'Etat soit condamné, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratif et des cours administratives d'appel, à lui verser une somme au titre des frais qu'elle a exposés doit, en conséquence, être rejetée ;
Article 1er : La requête de Mme Y... est rejetée.