(2ème Chambre B)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 14 août 1996, présentée par le président du Gouvernement de la Polynésie française ; le TERRITOIRE DE LA POLYNESIE FRANCAISE demande à la cour :
1 ) de réformer le jugement n 95-2252 du 21 mai 1996 par lequel le tribunal administratif de Papeete a limité à la somme de 100.000 F CFP le montant des pénalités afférentes aux droits à l'impôt sur le revenu des capitaux mobiliers, mises à la charge, au titre de l'année 1992, de la société anonyme Compagnie tahitienne du Sud Pacifique ;
2 ) de remettre à la charge de ladite société l'intégralité des pénalités qui lui ont été assignées au titre de l'année 1992 ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi n 84-820 du 6 septembre 1984 portant statut du Territoire de la Polynésie française ;
VU le code des impôts directs de la Polynésie française ;
VU la délibération n 95-124 6AT du 24 août 1995 portant modification du code territorial des impôts directs ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 octobre 1998 :
- le rapport de Mme BRIN, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme KIMMERLIN, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que le TERRITOIRE DE LA POLYNESIE FRANCAISE fait appel du jugement du tribunal administratif de Papeete en date du 21 mai 1996 en tant que, par cette décision, les premiers juges ont réduit à la somme de 100.000 F CFP les pénalités devant assortir l'impôt sur le revenu des capitaux mobiliers auquel la société anonyme Compagnie tahitienne du Sud Pacifique a été assujettie au titre de l'année 1992 ; qu'il demande à la cour de remettre intégralement à la charge de ladite société les pénalités qui lui ont été assignées ; que, par la voie du recours incident, la société anonyme Compagnie tahitienne du Sud Pacifique conclut, quant à elle, à la décharge totale des pénalités litigieuses ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les moyens de la requête ni du recours incident :
Considérant qu'aux termes, applicables en l'espèce, du deuxième alinéa de l'article 48, section II, division 1 du code général des impôts directs de la Polynésie française, relatif aux pénalités en matière d'impôt sur le revenu des capitaux mobiliers, repris ensuite au deuxième alinéa de l'article 174-1 du même code : "Toute inexactitude ou omission entraînant un préjudice pour le Trésor donne lieu au paiement d'un droit en sus égal au complément de droit simple exigible sans pouvoir être inférieur à 1.000 F" ;
Mais considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : "La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires" ; que découle de ce principe la règle selon laquelle la loi pénale nouvelle doit, lorsqu'elle abroge une incrimination ou prévoit des peines moins sévères que la loi ancienne, s'appliquer aux auteurs d'infractions commises avant son entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à des condamnations passées en force de chose jugée ; que cette règle, même si le législateur a laissé le soin de les établir et de les prononcer à l'autorité administrative, s'applique à la majoration prévue par les dispositions précitées du code des impôts directs de la Polynésie française, dès lors qu'elle présente le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elle vise et n'a pas pour objet la seule réparation d'un préjudice pécu-niaire ; que, d'autre part, par l'effet de l'article 1er-2 de la délibération n 95-124 AT en date du 24 août 1995 de l'Assemblée territoriale, l'article 174-1 du code territorial des impôts a été abrogé et qu'aucune des dispositions du titre II de ce code, relatif aux pénalités, tel que résultant de l'article 6 de ladite délibération et aujourd'hui en vigueur, n'incrimine plus les seuls faits qui étaient visés audit article 174-1 ; que, par suite, il y a lieu d'accorder à la société anonyme Compagnie tahitienne du Sud Pacifique la décharge de la majoration d'un montant de 316.240 F CFP qui lui a été assignée au titre de l'année 1992 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête du TERRITOIRE DE LA POLYNESIE FRANCAISE doit être rejetée et que la société anonyme Compagnie tahitienne du Sud Pacifique est fondée à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas prononcé la décharge totale de ladite majoration ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'arti-cle L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions précitées, de condamner le TERRITOIRE DE LA POLYNESIE FRANCAISE à verser la somme de 3.000 F à la société anonyme Compagnie tahitienne du Sud Pacifique ;
Article 1er : La société anonyme Compagnie tahitienne du Sud Pacifique est déchargée des pénalités dont a été assorti l'impôt sur le revenu des capitaux mobiliers qui lui a été assigné au titre de l'année 1992.
Article 2 : Le jugement n 95-2252 du 21 mai 1996 du tribunal administratif de Papeete est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le TERRITOIRE DE LA POLYNESIE FRANCAISE versera à la société anonyme Compagnie tahitienne du Sud Pacifique une somme de 3.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : La requête du TERRITOIRE DE LA POLYNESIE FRANCAISE et le surplus des conclusions de la société anonyme Compagnie tahitienne du Sud Pacifique sont rejetés.