(2ème Chambre B)
VU le recours, enregistré au greffe de la cour le 1er avril 1996, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ; le ministre demande à la cour :
1 ) d'annuler l'article 1er du jugement n 9214340/1 du 24 octobre 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à M. et Mme X... décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1982 et 1983 ;
2 ) de remettre lesdites impositions à la charge de M. et Mme X... ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 mai 1999 :
- le rapport de M. MENDRAS, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme KIMMERLIN, commissaire du Gouver-nement ;
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 12, 13 et 83 du code général des impôts que les sommes à retenir, au titre d'une année déterminée, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu, sont celles qui, au cours de ladite année, ont été mises à la disposition du contribuable, soit par voie de paiement, soit par voie d'inscription à un compte courant, ou, s'agissant d'un dirigeant de société, à un compte de charges à payer ouvert dans les écritures de celle-ci, sur lequel l'intéressé aurait pu, en droit ou en fait, opérer un prélèvement avant le 31 décembre ;
Considérant que, lors de la vérification de la comptabilité de la société "X... et Fils", laquelle exerce l'activité de concessionnaire d'une marque de véhicules automobiles, le service a constaté que M.Guiot, son dirigeant et principal actionnaire, s'était abstenu de prélever certaines de ses rémunérations, qui avaient été inscrites sur un compte de frais à payer pour des montants de 290.774 F en 1982 et 790.270 F en 1983 ; qu'estimant que l'intéressé avait eu la disposition de ces sommes, l'administration les a réintégrées dans son revenu imposable ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à M. X... décharge des compléments d'impôt sur le revenu correspondants ;
Considérant que si le montant des valeurs disponibles ou réalisables à court terme inscrites aux bilans de clôture des exercices 1982 et 1983 de la société "X... et Fils", pour respectivement 5.358.907 et 3.904.796 F, était insuffisant pour couvrir les dettes immédiatement exigibles de l'entreprise, lesquelles s'élevaient à 9.361.042 et 9.276.309 F, il ressort cependant de ces mêmes bilans que cette dernière disposait, en caisse et sur ses comptes bancaires, pour 1.301.810 et 466.564 F de liquidités, lesquelles lui permettaient de payer, pour leur totalité en 1982 et pour partie en 1983, les sommes dues à M. X... ; que si ce dernier soutient que ces liquidités ne pouvaient être affectées au paiement de ses rémunérations sans que l'entreprise, dont le niveau des fonds propres et du fonds de roulement net n'était pas conforme aux normes exigées par son fournisseur, ne courre le risque d'une résiliation anticipée de sa concession, il ne justifie cependant pas de l'impossibilité matérielle dans laquelle se serait trouvée la société de procéder à ce versement ; qu'ainsi, il doit être regardé comme ayant volontairement laissé à la disposition de la société "X... et Fils" les rémunérations dont s'agit à hauteur des liquidités détenues par la société aux 31 décembre 1982 et 1983 ; qu'il y a lieu, dans cette mesure, de remettre à sa charge les compléments d'impôt sur le revenu qui lui ont été assignés et de rejeter le surplus des conclusions du ministre ;
Sur l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que la lettre même des dispositions de cet article fait obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, soit condamné au remboursement des frais irrépétibles ;
Article 1er : Les compléments d'impôt sur le revenu auxquels a été assujetti M. X... au titre des années 1982 et 1983 sont remis à sa charge pour son intégralité en ce qui concerne le premier, et, en ce qui concerne le second, à concurrence de la réintégration dans son revenu imposable de la somme de 466.564 F.
Article 2 : Le jugement n 9214340 en date du 24 octobre 1995 du tribunal adminis-tratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions du ministre et les conclusions reconven-tionnelles de M. X... sont rejetés.