VU, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel le 22 décembre 1997, la requête présentée pour la société BOSCH SIEMENS HAUSGERATE GMBH, société de droit allemand dont le siège social est situé Hochstrabe 17, D-81669 München (Allemagne), par Me Y..., avocat ; la société BOSCH SIEMENS HAUSGERATE GMBH demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 93 08927/1 en date du 27 mars 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de remboursement d'une somme de 34.080,33 F au titre de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquittée en France au cours de l'année 1992 ;
2 ) de lui accorder le remboursement de ladite somme de 34.080,33 F ;
3 ) d'assortir le remboursement d'intérêts de droit ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le traité instituant la Communauté européenne du 25 mars 1957 modifié par le traité sur l'Union européenne du 7 février 1992 ;
VU la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959 modifiée par deux avenants du 9 juin 1969 et du 28 septembre 1989 ;
VU la sixième directive n 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 ;
VU la huitième directive n 79/1072/CEE du Conseil des Communautés européennes du 6 décembre 1979 ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 1999 :
- le rapport de M. MORTELECQ, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme MARTEL, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que l'administration fiscale a refusé à la société BOSCH SIEMENS HAUSGERATE GMBH, à concurrence d'une somme de 34.080,33 F le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée demandé par celle-ci sur le fondement des articles 242 OM à 242 OT de l'annexe II au code général des impôts relatifs au remboursement de la taxe aux assujettis établis hors de France, au motif que les trois factures jointes ne constituaient pas des originaux, en méconnaissance des termes de l'article 242 OQ qui prévoient que "la demande ... est accompagnée des originaux des factures" ; que la requérante fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a refusé de lui donner gain de cause dans le litige ; qu'elle fait valoir que si elle n'a pu produire que des copies certifiées conformes, la perte ou l'absence d'envoi des originaux ne lui étant pas imputable, le texte de l'article 242 OQ pris pour la transposition de la huitième directive du Conseil des Communautés européennes n'exclut pas que le droit au remboursement puisse être justifié autrement que par des originaux lorsque ceux-ci ont disparu et que les deux sociétés intéressées sont convenues, d'un commun accord, de régulariser les factures par voie de certification ; qu'elle souligne que la jurisprudence de la cour de justice des communautés admet d'ailleurs, au regard des textes applicables à l'assujetti établi dans un Etat membre, que les Etats ont le pouvoir de l'autoriser à produire, pour justifier de son droit à déduction, à défaut de l'original, d'autres preuves concluantes de la réalité de la transaction ; qu'elle relève que la doctrine administrative est également en ce sens ; qu'elle en conclut qu'il serait en conséquence contraire tant à l'article 25 de la convention fiscale franco-allemande, qui affirme le principe de l'égalité de traitement fiscal entre les nationaux des deux pays, qu'aux principes du traité de Rome de traiter différemment un assujetti établi en France et un assujetti établi hors de France relevant de la procédure spécifique prévue par le droit communautaire ;
Sur le terrain de l'application de la loi :
Au regard des dispositions du code général des impôts :
Considérant qu'aux termes de l'article 242 0 Q de l'annexe II au code général des impôts : "Le remboursement doit être demandé au service des impôts avant la fin du sixième mois suivant l'année civile au cours de laquelle la taxe est devenue exigible. La demande est établie sur un imprimé de modèle prévu par l'administration. Elle est accompagnée des originaux des factures, des documents d'importation et de toutes pièces justificatives ... " ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient la société BOSCH SIEMENS HAUSGERATE GMBH, ce texte subordonne le droit à remboursement à la production des originaux des factures ; que la commune volonté de la société qui a émis la facture et de celle qui en est destinataire de substituer à un original une copie certifiée conforme ne saurait conférer à cette copie la qualité d'original ; qu'à supposer que la requérante ait entendu invoquer l'exception d'incompatibilité dudit texte avec les dispositions de l'article 3 a) de la huitième directive selon lesquelles les assujettis doivent, pour bénéficier du remboursement, déposer une demande à laquelle seront annexés les originaux des factures, ce moyen ne peut être accueilli dès lors que l'article 3 a) de la huitième directive doit être interprété en ce sens que, s'il ne s'oppose pas à ce que les Etats membres prévoient dans leur droit la possibilité pour un assujetti qui n'est pas établi dans l'Etat, dans l'hypothèse de la perte de l'original et lorsque certaines conditions sont, par ailleurs, réunies, de prouver autrement son droit à remboursement, aucune obligation en ce sens n'existe à la charge des Etats ;
Au regard des dispositions du traité instituant la Communauté européenne :
Considérant que, conformément au principe de non-discrimination énoncé à l'article 6 du traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne, modifié par le traité sur l'Union européenne du 7 février 1992, et rappelé au cinquième considérant de la huitième directive n 79/1072/CEE du Conseil des Communautés européennes du 6 décembre 1979, l'application de cette directive "ne doit pas aboutir à soumettre les assujettis à un traitement différent selon l'Etat membre à l'intérieur duquel ils sont établis" ; qu'il suit de là que, dès lors qu'un assujetti établi en France a la possibilité de prouver son droit à déduction ou son droit à remboursement de taxe sur la valeur ajoutée en produisant un duplicata ou une photocopie de la facture lorsque l'original lui est parvenu et a ensuite été perdu sans qu'une telle perte lui soit imputable, le principe de non-discrimination exige qu'une telle possibilité soit également reconnue à l'assujetti qui n'est pas établi en France lorsque la transaction qui est à l'origine de la demande de remboursement a eu lieu et qu'il n'y a pas de risque de demandes de remboursement ultérieures ;
Considérant qu'aux termes de l'article 289 du code général des impôts : "I. Tout assujetti doit délivrer une facture ou un document en tenant lieu ... II. La facture ou le document en tenant lieu doit faire apparaître ... " ; que ce texte a été pris pour la transposition de l'article 22 paragraphe 3 de la sixième directive du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, qui autorise les Etats membres à entendre par facture non seulement l'original, mais également tout autre document en tenant lieu qui répond aux critères qu'ils ont fixés, et leur confère le pouvoir d'exiger la production de l'original de la facture pour pouvoir justifier le droit à déduction, ainsi que celui d'admettre, lorsque l'assujetti ne le détient plus, d'autres preuves établissant que la transaction qui fait l'objet de la demande a effectivement eu lieu ;
Considérant qu'à l'appui de sa demande de remboursement, la société BOSCH SIEMENS HAUSGERATE GMBH a produit devant la cour non des duplicatas, mais des photocopies des duplicatas des factures en cause ; que l'administration serait en droit de ne pas admettre qu'un assujetti établi en France puisse prouver par de tels documents son droit à récupération de la taxe par voie d'imputation ou de remboursement ; que, dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en lui refusant la possibilité de prouver ainsi son droit au remboursement, l'administration fiscale aurait méconnu le principe de non-discrimination énoncé par le traité de Rome, et ce alors même que la transaction aurait réellement eu lieu et qu'il n'existe aucun risque de demande de remboursement ultérieure ;
Au regard des dispositions de la convention fiscale franco-allemande :
Considérant que la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959, modifiée par deux avenants du 9 juin 1969 et du 28 septembre 1989, ne concerne pas la taxe sur la valeur ajoutée ; que, dès lors, la société BOSCH SIEMENS HAUSGERATE GMBH n'est pas fondée à invoquer cette convention à l'appui de ses conclusions relatives à son droit à remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sur le terrain de l'application de la loi, la demande de remboursement présentée par la société BOSCH SIEMENS HAUSGERATE GMBH ne saurait être accueillie ;
Sur le terrain de l'interprétation de la loi faite par la doctrine :
Considérant que la société BOSCH SIEMENS HAUSGERATE GMBH invoque à l'appui de ses conclusions aux fins de remboursement les doctrines administratives tirées, d'une part, d'une réponse ministérielle publiée le 25 janvier 1990 à un sénateur français, M. X..., et, d'autre part, de la documentation administrative publiée sous le numéro 3 D 1211 ; que la documentation administrative en cause, relative aux conditions formelles d'exercice du droit à déduction, se borne à rappeler l'exigence de la mention de la taxe sur la facture ou le document en tenant lieu, sans définir ce qu'il y a lieu d'entendre par un tel document ; que la réponse ministérielle faite à M. X..., qui admet un droit à déduction en cas de production de remise de duplicata de factures, ne se prononce pas sur la possibilité de justifier ce droit par d'autres documents ; que, par suite, ces doctrines ne peuvent être utilement invoquées par la société BOSCH SIEMENS HAUSGERATE GMBH ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société BOSCH SIEMENS HAUSGERATE GMBH n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Article 1er : La requête de la société BOSCH SIEMENS HAUSGERATE GMBH est rejetée.