VU la requête, enregistrée le 19 avril 1996 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris, présentée pour M. Eddy Z..., demeurant à Ecklo (9200) Stationstraat 718 Belgique, par Me X..., avocat ; M. Z... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9217451/1 du 5 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en réduction de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1989 et 1990 ;
2 ) de lui accorder la réduction des impositions contestées ;
3 ) de lui allouer une somme de 8.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le Traité instituant la Communauté économique européenne signé le 25 mars 1957, et notamment son article 48 ;
VU la convention fiscale franco-belge du 10 mars 1964 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 juin 1999 :
- le rapport de M. DIDIERJEAN, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme MARTEL, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que M. Z..., résident de Belgique et qui est employé en tant que salarié à la fois par une société située en France et une société située en Belgique, conteste l'imposition sur le revenu à laquelle il a été assujetti, par voie de retenue à la source, en raison de ses revenus de source française au motif que la base imposable de cette retenue a été arrêtée en fonction du montant brut et non du montant net desdits revenus, sans qu'en soient déduites les cotisations de sécurité sociale qu'en vertu du règlement CEE n 1408/71 il est tenu, dès lors qu'il exerce une activité salariée sur le territoire de deux Etats membres de l'Union européenne, de verser à l'Office national de sécurité sociale belge pour l'ensemble de ses salaires ; qu'il revendique l'application à son profit des dispositions de l'article 83-1 du code général des impôts qui prévoient que le montant net du revenu imposable est déterminé sous déduction des cotisations de sécurité sociale en soulignant que ni ce texte, ni la doctrine administrative ne limitent la portée de ce droit à déduction au cas où les cotisations sont versées aux organismes français de sécurité sociale et relève que toute autre interprétation serait contraire au principe d'égalité de traitement entre nationaux d'Etat différents prévu par l'article 25 de la convention fiscale conclue le 10 mars 1964 entre la France et la Belgique et porterait atteinte à la libre circulation des travailleurs consacrée par le Traité de Rome ;
Sur l'application de la loi interne :
Considérant qu'aux termes de l'article 182 A du code général des impôts : "I. Les traitements, salaires, pensions et rentes viagères, de source française, servis à des personnes qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France donnent lieu à l'application d'une retenue à la source. II- La base de cette retenue est constituée par le montant net des sommes versées, déterminé conformément aux règles applicables en matière d'impôt sur le revenu, à l'exclusion de celles qui prévoient la déduction des frais professionnels réels ..." ; et qu'aux termes de l'article 83-1 du code général des impôts : "Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés : 1 Les cotisations de sécurité sociale ..." ;
Considérant que si, pour demander que les cotisations de sécurité sociale obligatoires prélevées sur ses salaires de source française et versées en Belgique, pays dont il est résident, à l'Office national de sécurité sociale belge, soient déduites de ses bases d'imposition des années 1989 et 1990, le requérant soutient que l'article 83-1 précité du code général des impôts ne prévoit aucune restriction quant au pays où sont versées les cotisations, il ne résulte pas de ce texte, et notamment de l'examen des travaux préparatoires à l'adoption de la loi n 85-695 du 11 juillet 1985 qui a modifié ledit article 83-1, que le législateur ait entendu, par ces dispositions, viser des organismes de sécurité sociale et de prévoyance autres que ceux de droit français ; que le requérant n'est donc pas fondé à invoquer le bénéfice de l'article 83-1 du code général des impôts ;
Considérant, par ailleurs, que la circonstance que l'Etat belge aurait prévu la déductibilité du revenu imposable en Belgique des cotisations de sécurité sociale obligatoires effectuées en exécution d'une législation sociale étrangère, est sans influence sur la situation du requérant au regard de la loi fiscale française ;
Sur l'application de la doctrine administrative :
Considérant que l'instruction 5B 241 du 15 juin 1993, dont se prévaut M. Z..., est postérieure aux années d'imposition litigieuses et ne peut donc utilement, en tout état de cause, être invoquée à l'appui de la présente requête ; que la réponse ministérielle du 18 juin 1987 faite à M. Y... ne fait pas mention des cotisations de retraite obligatoires versées à un régime de droit étranger ; que celle en date du 22 novembre 1990 faite à M. A..., qui refuse la déductibilité du revenu global des cotisations sociales versées par des contribuables français résidant à l'étranger, n'est ni applicable, ni transposable aux circonstances de l'espèce ; que le requérant ne saurait donc davantage obtenir gain de cause au regard de la doctrine administrative ;
Sur l'application de l'article 48 du Traité de Rome :
Considérant qu'il résulte de cet article, tel qu'il est interprété par la Cour de justice des Communautés européennes, que s'il ne s'oppose pas, en principe, à l'application d'une réglementation d'un Etat membre imposant un travailleur ressortissant d'un autre Etat membre, qui réside dans ce dernier Etat et exerce une activité salariée sur le territoire du premier Etat, plus lourdement qu'un travailleur résidant sur le territoire du premier Etat et y occupant le même emploi, puisque ces deux catégories de contribuables ne se trouvent pas dans une situation comparable, il en va différemment lorsque le ressortissant du second Etat tire son revenu totalement ou presque exclusivement de l'activité exercée dans le premier Etat et ne perçoit pas dans le second des revenus suffisants pour y être soumis à une imposition permettant de prendre en compte sa situation personnelle et familiale ;
Considérant, qu'en l'espèce, la cour ne trouve pas au dossier les pièces qui lui permettraient d'apprécier si M. Z..., au cours de la période considérée, a tiré la quasi-totalité de ses revenus de l'activité salariée qu'il exerçait en France et si, en conséquence, le refus d'admettre en déduction du montant brut de ses salaires celui des cotisations sociales obligatoires prélevées sur ceux-ci, qu'un résident de l'Etat français est en droit de déduire en application de la législation française, constituerait une atteinte au principe de la libre circulation des travailleurs ; qu'il y a lieu, par suite, d'ordonner un supplément d'instruction aux fins de demander au requérant de faire parvenir à la cour, dans un délai de deux mois à compter du présent arrêt, toutes pièces de nature à justifier des montants respectifs des salaires perçus et des impôts payés par lui en France et en Belgique au cours des années 1989 et 1990 ;
Article 1er : Avant-dire droit sur les conclusions de la requête de M. Z..., il est ordonné un supplément d'instruction aux fins et dans les conditions ci-dessus exposées.
Article 2 : Tous droits et moyens autres que ceux sur lesquels il est expressément statué par le présent arrêt sont réservés.