(3ème Chambre B)
VU, enregistrée le 17 octobre 1997 au greffe de la cour, la requête présentée par M. Bernard POIRREZ, demeurant ... à Noisy-le-Sec 92130 ;
M. POIRREZ demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement du 17 juin 1998 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la contestation de la liquidation de sa pension de retraite telle qu'elle résulte de son inscription au grand livre de la dette publique le 11 septembre 1995 sous le numéro B 95047 171 T ;
2 ) de prononcer la mesure sollicitée ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le Pacte international de New-York relatif aux droits civils et politiques ;
VU le Pacte international de New-York relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ;
VU la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
VU le code des pensions civiles et militaires ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juin 1999 :
- le rapport de M. MATTEI, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme COROUGE, commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que M. POIRREZ conteste les bases de liquidation de la pension civile qui lui a été attribuée, à compter du 1er octobre 1995, en sa qualité d'ancien professeur certifié de l'éducation nationale, en estimant qu'il est en droit de prétendre, en application des dispositions des articles L.12 et R.14 du code des pensions civiles et militaires, au bénéfice d'une campagne double au titre de son service militaire effectué en Algérie pour la période allant du 9 mars 1960 au 6 mars 1962 ; que par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande aux motifs, d'une part, que le doublement du bénéfice de campagne pour service accompli en opération de guerre ne saurait lui être accordé dès lors qu'aucune disposition législative n'a reconnu aux opérations effectuées en Afrique du Nord, entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962, le caractère d'opération de guerre, et ce nonobstant la circonstance que la qualité d'ancien combattant ait été reconnue, sous certaines conditions, par la loi n 74-1044 du 9 décembre 1974 aux personnes y ayant participé et, d'autre part, qu'il n'était pas établi par l'intéressé que l'application à son endroit des textes précités aurait créé à son encontre une distinction à caractère discriminatoire au sens des dispositions des Pactes internationaux de New-York et de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en appel, M. POIRREZ, fait principalement valoir que la norme française, introduisant des distinctions à caractère discriminatoire entre anciens combattants, doit être écartée comme contraire aux conventions internationales susvisées, qui lui sont hiérarchiquement supérieures ;
Sur le moyen relatif à la reconnaissance de l'état de guerre en Algérie :
Considérant qu'aux termes de l'article R.14 du code des pensions civiles et militaires : "Les bénéfices de campagne prévus à l'article L.12 c, attribués en sus de sa durée effective des services militaires sont décomptés selon les règles ci-après : A -double en sus de la durée effective pour le service accompli en opérations de guerre :
1 Soit dans les opérations des armées françaises et des armées alliées ; ... B - Totalité en sus de la durée effective : 1 Pour le service accompli sur pied de guerre, pour les militaires autres que ceux placés dans les positions ci-dessus définies en A ... ;
Considérant qu'il est constant qu'aucune disposition législative n'a reconnu, à ce jour, aux opérations effectuées en Afrique du Nord, entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962, le caractère d'opération de guerre ; qu'il suit de là que M. POIRREZ ne saurait utilement prétendre que les services qu'il a effectués en Algérie du 9 mars 1960 au 6 mars 1962 rentrent dans les prévisions du A de l'article R.14 du code des pensions civiles et militaires précité et ce nonobstant la circonstance, que la qualité d'ancien combattant ait été reconnue, sous certaines conditions, par la loi n 74-1044 du 9 décembre 1974, aux personnes ayant participé aux opérations de maintien de l'ordre effectuées en Afrique du Nord durant la période susvisée ;
Sur le moyen relatif à la méconnaissance des dispositions des Pactes internationaux de New-York :
Considérant qu'il résulte de la coexistence du Pacte de New-York relatif aux droits civils et politiques et du Pacte du même nom relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, dont les ratifications ont été autorisées par la loi du 25 juin 1980, publiée au journal officiel par le décret du 29 janvier 1981, que l'article 26 du premier de ces Pactes, invoqué par le requérant, ne peut concerner que les droits civils et politiques ; que les dispositions précitées de l'article R.14 A du code des pensions civiles et militaires sont relatives à des droits économiques et patrimoniaux, qui ne relèvent pas, en tout été de cause, de la catégorie des droits protégés par le Pacte de New-York relatif aux droits civils et politiques et ce alors même que les deux conventions, dans leur article 2 respectif, engagent les Etats signataires, en des termes identiques, à ne procéder dans leur domaine propre à aucune discrimination ; qu'il suit de là que les personnes visées par le texte réglementaire précité ne peuvent utilement invoquer, au soutien de leur demande, la violation du principe d'égalité consacré par l'article 26 dudit Pacte relatif aux droits civils et politiques ; que, par suite, le moyen présenté en ce sens par M. POIRREZ doit être écarté ;
Sur le moyen relatif à la méconnaissance des dispositions de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
Considérant qu'aux termes de l'article 14 de ladite Convention : "La jouissance des droits et libertés reconnus dans la ... Convention doit être assurée, sans distinction aucune ..." ; que l'article 1 du Protocole n 1 précise que : "toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou autres contributions ou amendes." ; qu'il suit de là, que ces mêmes Etat peuvent opérer, sans méconnaître les dispositions conventionnelles précitées, des distinctions si les différences de situations le permettent, mais que toute distinction est discriminatoire au sens de ces mêmes dispositions si elle manque de justification objective et conduit à l'application de règles différentes à des situations comparables ou, à l'inverse, à l'application de la même règle à des situations différentes ;
Considérant qu'en faisant un décompte différent pour le calcul des droits à pension selon que les services militaires étaient ou non accomplis en opérations de guerre, l'article R.14 du code des pensions civiles et militaires précité n'a pas opéré de distinction discriminatoire et par suite méconnu les dispositions de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 1 du Protocole n 1 susvisés, dès lors que ladite distinction repose sur la prise en compte de situations différentes et trouve ainsi une justification objective en ce qu'elle ne conduit pas à l'application de règles différentes à des situations comparables ou bien à l'application de la même règle à des situations différentes ; que par suite le moyen présenté sur ce point par M. POIRREZ doit être aussi écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. POIRREZ n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la contestation de la liquidation de sa pension de retraite ;
Article 1er : La requête de M. POIRREZ est rejetée.