(2ème chambre B)
VU le recours, enregistré le 7 février 1997 au greffe de la cour, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ; le ministre demande à la cour :
1 ) de réformer le jugement n 9302183/2 en date du 11 juin 1996 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Paris a accordé à la Société Nouvelle Noailles Immobilière décharge de l'imposition d'impôt sur les sociétés établie au titre de l'année 1990 à raison de la plus-value réalisée lors de la cession de l'immeuble "Hôtel de Noailles" situé ... ;
2 ) de rétablir la Société Nouvelle Noailles Immobilière au rôle de l'impôt sur les sociétés à concurrence de la taxation au taux de droit commun de la plus-value dégagée lors de la cession de l'immeuble précité ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 janvier 2000 :
- le rapport de Mme PERROT, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme KIMMERLIN, commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts applicable aux sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 : "1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques d'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation ..." ; qu'aux termes de l'article 39 duodecies du même code : "1. Par dérogation aux dispositions de l'article 38, les plus-values provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé sont soumises à des régimes distincts suivant qu'elles sont réalisées à court ou à long terme. 2. Le régime des plus-values à court terme est applicable : a) Aux plus-values provenant de la cession d'éléments acquis ou créés depuis moins de deux ans ; b) Aux plus-values réalisées à l'occasion de la cession d'éléments détenus depuis deux ans au moins, dans la mesure où elles correspondent à des amortissements déduits pour l'assiette de l'impôt. Le cas échéant, ces plus-values sont majorées du montant des amortissements expressément exclus des charges déductibles ainsi que de ceux qui ont été différés en contravention aux dispositions de l'article 39 B ; 3. Le régime des plus-values à long terme est applicable aux plus-values autres que celles définies au 2 ..." ; qu'aux termes de l'article 39 quindecies : "I.1. Sous réserve des dispositions des articles 41, 151 octies et 210 A à 210 C, le montant net des plus-values à long terme autres que celles visées au II fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 16% ..." ;
Considérant que la Société Nouvelle Noailles Immobilière, après avoir, de 1935 à 1977, exploité par voie de location à usage d'hôtel l'Hôtel de Noailles sis ..., a procédé à des travaux de restructuration en vue de transformer cet immeuble et de le vendre à usage de bureaux ; qu'elle a déclaré les gains provenus de cette vente, intervenue le 23 juillet 1990, comme une plus-value à long terme générée par la cession d'éléments de son actif immobilier et, par suite, soumise, en vertu des dispositions des articles précités du code général des impôts, à un taux réduit d'imposition ; que, par le jugement attaqué, dont le ministre de l'économie et des finances fait appel, le tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles l'avait assujettie l'administration fiscale, laquelle, à la suite d'une vérification de comptabilité, avait estimé que la cession en litige n'avait pas porté sur un élément de l'actif immobilisé de la société mais sur un bien en stock et entrait en conséquence dans le champ d'application de l'article 38 précité du code général des impôts ;
Considérant que les travaux susmentionnés de démolition et de reconstruction de l'immeuble, dont le coût a représenté six fois sa valeur d'actif, telle qu'inscrite au bilan de la société, ont, eu égard à leur nature et à leur ampleur, et même compte tenu de la difficulté de trouver un acquéreur invoquée par la société, excédé ceux qui eussent été nécessaires s'il ne s'était agi que de procéder à la liquidation de l'actif de l'entreprise comme le soutient l'intéressée ; que, dans ces conditions, la Société Nouvelle Noailles Immobilière doit, ainsi que le soutient le ministre en appel, être regardée comme ayant renoncé à l'exploitation de l'immeuble en cause par voie de location, pour l'affecter à l'exercice d'une branche d'activité nouvelle, la reconstruction-vente d'immeubles ; qu'en conséquence, la vente en litige n'a pas consisté en la cession d'un élément de l'actif immobilisé de la société, mais d'un bien faisant désormais partie de l'actif disponible de celle-ci ; que l'imposition de la plus-value résultant de cette cession relevait ainsi du taux de droit commun de l'impôt sur les sociétés, sur le fondement de l'article 38 susrapporté du code général des impôts ;
Considérant, il est vrai, que la société intimée se prévaut, à titre subsidiaire, des dispositions de l'article 221 bis du code général des impôts auxquelles renvoie l'article 221 du même code selon lequel : " ... 5. Le changement de l'objet social ou de l'activité réelle d'une société emporte cessation d'entreprise. Toutefois, dans cette situation, les dispositions de l'article 221 bis sont applicables, sauf en ce qui concerne les provisions dont la déduction est prévue par des dispositions légales particulières ..." ; que, cependant, ainsi qu'il résulte de l'instruction, alors que selon ses statuts elle avait pour objet social généralement "toutes opérations financières ou immobilières" par delà l'administration des biens dont elle était propriétaire, la Société Nouvelle Noailles Immobilière a, postérieurement à l'engagement des travaux susindiqués sur l'hôtel de Noailles, par lesquels, comme il a été dit ci-dessus, elle a développé une activité de reconstruction-vente, poursuivi, jusqu'à leur vente en 1990, dont le tribunal administratif a estimé dans son jugement non attaqué sur ce point que le produit devait être soumis à l'impôt au taux des plus-values à long terme sur cessions d'éléments de l'actif immobilisé, l'exploitation par bail de ses autres biens, consistant en un appartement à usage d'habitation, une chambre de bonne et trois parkings également situés à Marseille, de telle sorte qu'elle ne peut être regardée comme ayant procédé à un changement d'activité réelle de nature à avoir emporté une cessation d'entreprise au sens des dispositions susrapportées et, par suite, à lui ouvrir droit, en tout état de cause, aux dispositions de l'article 221 bis du code général des impôts dont elle revendique l'application ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a déchargé la Société Nouvelle Noailles Immobilière du complément d'impôt sur les sociétés qui lui avait été assigné au titre de l'année 1990, à raison de la plus-value réalisée par elle sur la cession de l'immeuble en cause ;
Article 1er : La cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle la Société Nouvelle Noailles Immobilière a été assujettie au titre de l'année 1990, à raison de la plus-value ayant procédé de la cession de l'immeuble "Hôtel de Noailles" sis ..., est remise à sa charge.
Article 2 : Le jugement n 9302183/2 du tribunal administratif de Paris en date du 11 juin 1996 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.