(4ème chambre A)
VU la requête enregistrée au greffe de la cour le 9 juillet 1997 présentée pour la société anonyme TAHITI ALIZEE, dont le siège social est situé ..., représentée par son directeur général, par Me Z..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la société demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement du 10 avril 1997 par lequel le tribunal administratif de Papeete a annulé, à la demande de la société Casimir Duty Free Shop, la décision du 13 février 1996 par laquelle la société d'Equipement de Tahiti et des Iles (SETIL) a attribué la concession des boutiques de l'aéroport de Tahiti-Faaa à la société "TAHITI ALIZEE" ;
2 ) de rejeter la demande présentée par la société Casimir Duty Free Shop devant le tribunal administratif de Papeete ;
39-08-01-01 C+ 3 ) et de condamner la société Casimir Duty Free Shop à lui verser la somme de 15.000 F sur le fondement des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 24 octobre 2000 :
- le rapport de M. EVEN, premier conseiller,
- les observations de Me Z..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la société TAHITI ALIZEE, celles de la SCP WAQUET, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la société Casimir Tahiti, et celles de la SCP MONOD-COLIN, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la société Sétil,
- et les conclusions de M. LASTIER, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que la société TAHITI ALIZEE fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Papeete a, sur la demande de la société Casimir Duty Free Shop, annulé la décision par laquelle la Société d'Equipement de Tahiti et des Iles (SETIL) concessionnaire de l'aéroport de Tahiti-Faaa, lui a attribué une sous-concession portant autorisation d'exploiter les boutiques de l'aéroport ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article R.153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Sauf dans les cas mentionnés au premier alinéa de l'article L.9 et à l'article R.149, lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent présenter leurs observations" ;
Considérant que le tribunal administratif a annulé la décision qu'aurait prise la "commission d'attribution des appels d'offres" le 13 février 1996 de désigner la société TAHITI ALIZEE en soulevant d'office le moyen tiré de ce que cette commission n'était pas compétente pour ce faire en l'absence d'une habilitation régulière du directeur général de la SETIL, alors que la société Casimir Duty Free Shop avait simplement contesté la compétence du directeur des concessions des aéroports pour prendre une telle décision ; qu'il ressort des pièces du dossier que le président de ce tribunal n'a pas averti les parties de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur ce moyen ; que, par suite, la société TAHITI ALIZEE est fondée à soutenir que ce jugement a été pris en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R.153-1 et à demander en conséquence son annulation ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer la demande de la société Casimir Duty Free Shop présentée devant le tribunal administratif de Papeete ;
Sur la légalité de la décision d'attribution de la sous-concession :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée à cette demande :
Considérant que la SETIL a décidé, alors qu'elle n'y était tenue par aucune disposition législative ou règlementaire, d'organiser une procédure d'appel d'offres pour sélectionner la société devant exploiter les boutiques situées en zone sous douane du domaine public de l'aéroport de Tahiti Faaa ; qu'après avoir publié un avis d'appel d'offres fixant au 29 décembre 1995 la date limite de présentation des offres, la SETIL a soumis pour avis les offres reçues à la "commission d'attribution des appels d'offres" qui dans son procès-verbal du 13 février 1996 a sélectionné la société TAHITI ALIZEE ; que, par une décision du 20 février suivant, M. A..., directeur des concessions des aéroports de la SETIL, a attribué à cette société la sous-concession portant droit d'exploiter lesdites boutiques ; que la société Casimir Duty Free Shop doit être regardée comme demandant l'annulation, non de l'avis d'appel d'offres, mais de la décision en date du 20 février 1996 qui est un acte détachable de la convention passée entre la SETIL et la société TAHITI ALIZEE ;
Considérant en premier lieu que l'exploitation de l'aéroport de Tahiti-Faaa a été concédée à la SETIL par le décret du 7 janvier 1966 ; qu'en vertu de l'article 43 du cahier des charges joint audit décret, la durée de la concession est de trente ans à dater du 1er janvier qui suit l'octroi de la concession ; qu'ainsi, et nonobstant la circonstance que la concession a pris effet au 1er janvier 1966, elle ne venait à expiration qu'au 31 décembre 1996 ; que, par suite, la société Casimir Duty Free Shop n'est pas fondée à soutenir que, du fait de l'expiration de cette concession, la SETIL n'était plus en droit le 20 février 1996 d'attribuer, en application de l'article 31 du même cahier des charges, une sous-concession d'occupation du domaine public de l'Etat ;
Considérant en deuxième lieu qu'aux termes de l'article 16 des statuts de la SETIL : "Le conseil d'administration est investi des pouvoirs les plus étendus pour gérer la société et agir en son nom. Il a notamment les pouvoirs suivants ( ...) Il établit tous les cahiers des charges, consent, accepte et résilie tous les contrats ..." ; et qu'aux termes de son article 17 : "Le conseil d'administration délègue au président et en accord avec lui au directeur général, s'il en est nommé un, les pouvoirs nécessaires pour l'exercice de leurs fonctions. Il peut, en outre, conférer des pouvoirs spéciaux pour un ou plusieurs objets déterminés à telles personnes que bon lui semble, actionnaire ou non" ; que par une délibération en date du 18 août 1992, le conseil d'administration de la société a donné à M. A..., directeur des concessions d'aéroports, mandat pour la gestion des contrats de concessions aéroportuaires et notamment pour administrer les biens de ces concessions ; qu'en outre la même délibération a limité le mandat du directeur, homothétique de celui du président, aux seules opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application des contrats de concessions ; que la délibération du 29 novembre 1993 nommant un nouveau président comporte la même restriction quant au mandat qui lui est accordé ; qu'ainsi, la société Casimir Duty Free Shop n'est pas fondée à soutenir que, faute d'avoir été régulièrement habilité par le conseil d'administration de la SETIL, M. A... n'était pas compétent pour prendre le 20 février 1996 la décision d'attribuer à la société TAHITI ALIZEE la sous-concession en litige ;
Considérant en troisième lieu qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales : "Les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce ( ...). Les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et infiniment des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société" ; que conformément à l'article 5 précité de la loi du 24 juillet 1966, les critères d'évaluation des offres tels que fixés par le règlement de la consultation arrêté par la note de présentation de l'appel d'offres, ont été vérifiés par la SETIL en prenant en compte l'expérience, les garanties financières et le projet d'exploitation des sociétés actionnaires de la future société et qui s'engageaient pour son compte ; que, dans ces conditions la société Casimir Duty Free Shop n'est pas fondée à soutenir que la circonstance que la société TAHITI ALIZEE était en cours de formation fît obstacle à ce que cette dernière soit retenue comme attributaire de la sous-concession par la décision du 20 février 1996 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande de la société Casimir Duty Free Shop tendant à l'annulation de cette décision du 20 février 1996 ne peut qu'être rejetée ;
Sur l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de condamner la société Casimir Duty Free Shop à verser à la société "TAHITI ALIZEE" une somme de 15.000 F sur le fondement des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Papeete en date du 10 avril 1997 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société Casimir Duty Free Shop devant le tribunal administratif de Papeete est rejetée.
Article 3 : La société Casimir Duty Free Shop est condamnée à verser à la société TAHITI ALIZEE une somme de 15.000 F sur le fondement des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel. Délibéré à l'issue de l'audience du 24 octobre 2000 où siégeaient :
Le président de la formation de jugement, M. JOUGUELET, président de chambre, Le rapporteur, M. EVEN, premier conseiller, Les assesseurs, Mlle Y..., MM. MAGNARD et COIFFET, premiers conseillers. PRONONCE A PARIS, EN AUDIENCE PUBLIQUE, LE 14 NOVEMBRE 2000. Le Président, Le Rapporteur,
J-P. X... B. EVEN
Le Greffier,
V. BOUZIAT
La République mande et ordonne au secrétaire d'Etat à l'outre-mer, en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.