(4ème chambre A)
VU, enregistré au greffe de la cour le 24 janvier 2001, le recours présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, lequel demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 24 octobre 2000, par lequel le tribunal administratif de Papeete a annulé une décision de rejet de l'indexation de la prime de commandement dont bénéficie M. X..., et a enjoint à l'Etat de lui verser une indemnité égale au montant de l'indexation de cette prime, assortie des intérêts de droit à compter de sa demande, et une somme de 30.000 FCP au titre des frais irrépétibles ;
2°) de rejeter la demande présentée par l'intéressé devant le tribunal administratif de Papeete ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la Constitution du 4 octobre 1958 ;
VU la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;
VU la loi n° 96-313 du 12 avril 1996 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;
VU la loi n° 50-772 du 30 juin 1950 ;
VU la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
VU la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
VU le décret n° 67-600 du 23 juillet 1967 ;
VU le décret n° 74-845 du 11 octobre 1974 ;
VU le décret n° 96-247 du 25 mars 1996 ;
VU le décret n° 97-708 du 11 juin 1997 ;
VU le décret n° 97-221 du 16 juin 1997 modifié ;
VU le décret n° 98-115 du 27 février 1998 ;
VU le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cour de l'audience publique du 25 septembre 2001 :
- le rapport de M. EVEN, premier conseiller,
- et les conclusions de M. HEU, commissaire du Gouvernement,
et connaissance prise de la note en délibéré présentée le 28 septembre 2001 pour M. X... ;
Sur les fins de non recevoir :
Considérant, en premier lieu, que le recours susvisé du ministre de l'intérieur comporte l'apposition d'un timbre fiscal de 100 F, conformément à l'article 1089 B du code général des impôts dans sa rédaction issue de l'article 44 de la loi de finances n° 93.1352 du 30 décembre 1993 ; que le moyen tiré de l'absence de timbre fiscal manque donc en fait ;
Considérant, en second lieu, que la délégation permanente donnée, par arrêté du ministre de l'intérieur du 4 septembre 2000, publié au journal officiel du 5 septembre 2000, à M. Jean-Marie Y..., directeur des libertés publiques et des affaires juridiques, pour signer, dans la limite de ses attributions et au nom du ministre de l'intérieur, tous actes, arrêtés et décisions à l'exclusion des décrets s'applique notamment aux recours en justice, de même que celle donnée par un autre arrêté du même jour à M. Ramiro Z..., sous-directeur, en cas d'absence ou d'empêchement de M. Jean-Marie Y... ; que la délégation donnée par ce dernier arrêté à M. Guillaume A..., attaché principal d'administration centrale, en cas d'absence ou d'empêchement de M. Ramiro Z..., pour signer notamment les recours et mémoires en défense devant les tribunaux, à l'exception de ceux qui sont présentés devant le tribunal des conflits et le Conseil d'Etat, s'applique aux recours présentés devant les cours administratives d'appel ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que MM. Y... et Z... n'étaient pas absents ou empêchés lorsque M. A... a signé le recours susvisé ; que, par suite, la fin de non recevoir tirée de ce que ledit recours aurait été signé par une autorité incompétente doit être écartée ;
Au fond :
Considérant qu'aux termes de l'article 64 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : "Les fonctionnaires régis par le présent titre ont droit, après service fait, à une rémunération fixée conformément aux dispositions de l'article 20 du titre I du statut général." ; qu'aux termes de l'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : "Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. S'y ajoutent les prestations familiales obligatoires" ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 98-115 du 27 février 1998 du Premier ministre, portant attribution d'une prime de commandement aux fonctionnaires du corps de commandement et d'encadrement de la police nationale : "En raison des responsabilités particulières qu'ils assument et des contraintes inhérentes à leurs fonctions, il peut être alloué une prime de commandement, non soumise à retenue pour pension civile de l'Etat, aux fonctionnaires du corps de commandement et d'encadrement de la police nationale, à l'exclusion des élèves ..." ; et qu'aux termes de l'article 2 du même décret : "La prime de commandement est attribuée mensuellement après service fait. Elle est exclusive du bénéfice : - de l'allocation de service - de l'indemnité horaire pour travail de nuit et majoration pour travail intensif de nuit - de l'indemnité horaire pour travail du dimanche et des jours fériés - de l'indemnité pour service continu et postes difficiles - de la prime de qualification d'agent de police judiciaire de l'article 20 du code de procédure pénale - des frais de police. - Cette indemnité n'est affectée d'aucun coefficient de majoration outre-mer" ;
Considérant qu'aucun principe, ni disposition d'une valeur juridique supérieure au décret susmentionné n° 98-115 du 27 février 1998, et notamment pas la loi n° 50-772 du 30 juin 1950, n'attribue un caractère général aux règles d'indexation des primes versées aux fonctionnaires affectés dans les territoires d'outre mer ; que contrairement à ce qu'affirment les premiers juges, la prime de commandement, qui est réservée aux membres du corps de commandement et d'encadrement, ne peut être qualifiée comme étant de même nature que celles versées aux autres corps de fonctionnaires de la police nationale ; que M. X... ne pouvait utilement soulever une exception tirée de l'illégalité du dernier alinéa de l'article 2 susmentionné du décret du 27 février 1998, fondée sur une méconnaissance du principe d'égalité, le respect de ce principe ne s'imposant qu'entre fonctionnaires appartenant à un même corps ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que c'est à tort que le tribunal administratif de Papeete a accueilli cette exception d'illégalité pour condamner l'Etat à verser au défendeur une somme correspondant à l'indexation de sa prime de commandement ;
Considérant toutefois, qu'il appartient à la cour saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... ;
En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence du signataire du décret du 27 février 1998 :
Considérant que la Constitution du 4 octobre 1958 dispose, d'une part, en son article 13 : "Le président de la République signe les ordonnances et les décrets délibérés en conseil des ministres ", et d'autre part, en son article 21 : "Le Premier ministre dirige l'action du Gouvernement. ( ...). Sous réserve des dispositions de l'article 13, il exerce le pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires ... " ;
Considérant que le décret n° 74-845 du 11 octobre 1974, relatif à la procédure de fixation des indemnités des personnels civils et militaires de l'Etat relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite, signé par le Président de la République, après avoir été délibéré en Conseil des ministres, dispose, en son article 2, que l'article 4 du décret du 10 juillet 1948 portant classement hiérarchique des grades et emplois des personnels civils et militaires de l'Etat relevant du régime général des retraites, est remplacé par les dispositions suivantes : "Les personnels civils et militaires de l'Etat relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite ne peuvent bénéficier d'aucune indemnité autre que celles prévues par leur statut général. Ces indemnités sont attribuées par décret " ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions, dès lors qu'aucun texte de valeur législative en vigueur à la date à laquelle a été pris le décret précité du 11 octobre 1974 ne réservait cette compétence au Président de la République, qu'il appartient au Premier ministre exerçant le pouvoir réglementaire de fixer et de modifier les indemnités des personnels civils et militaires de l'Etat y compris de ceux qui sont en service outre-mer, alors même que ces indemnités ainsi que leurs modalités de versement, auraient été fixées antérieurement au décret précité du 11 octobre 1974 par un décret signé par le Président de la République après avoir été délibéré en Conseil des ministres ;
Considérant que si le décret n° 67-600 du 23 juillet 1967 relatif au régime de rémunération des magistrats et des fonctionnaires de l'Etat en service dans les territoires d'outre-mer a été signé par le Président de la République après avoir été délibéré en Conseil des ministres, il résulte des dispositions précitées de la Constitution du 4 octobre 1958 et du décret du 11 octobre 1974 qu'une disposition dérogeant à l'article 4 du décret du 23 juillet 1967, aux termes duquel : "Les indemnités payables aux magistrats et fonctionnaires en service dans les territoires d'outre-mer ne sont affectés du coefficient de majoration que lorsque leur montant est fixé directement en francs métropolitains", a pu être légalement décidée par décret du Premier ministre ;
Considérant que, comme il a été exposé plus haut, il appartient au Premier ministre exerçant le pouvoir réglementaire de fixer et de modifier les indemnités des personnels civils et militaires de l'Etat, y compris de ceux qui sont en service outre-mer ; que, dès lors, agissant dans le cadre de ses prérogatives, le Premier ministre a pu légalement décider de remplacer différentes indemnités, jusque-là indexées par une prime de commandement non indexée ;
En ce qui concerne l'absence de contreseing du Secrétaire d'Etat à l'outre mer :
Considérant qu'en vertu de l'article 22 de la Constitution du 4 octobre 1958, les actes du Premier ministre sont contresignés par les ministres chargés de leur exécution ; que le contreseing du secrétaire d'Etat à l'outre-mer sur le décret du 27 février 1998 n'était pas nécessaire, dès lors que le ministre de l'intérieur, auprès duquel est délégué ce secrétaire d'Etat, avait contresigné ledit décret ;
En ce qui concerne la méconnaissance de la circulaire NOR/INT/C/98/00063/C du 12 mars 1998 :
Considérant que le défendeur ne peut utilement se prévaloir de la circulaire NOR/INT/C/98/00063/C du 12 mars 1998 relative à la mise en uvre de la prime de commandement versée aux fonctionnaires du corps de commandement et d'encadrement de la police nationale, qui est dépourvue de valeur règlementaire ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Papeete a condamné l'Etat à verser à M. X... une somme correspondant à l'indexation de sa prime de commandement ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer au défendeur la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement n° 99-175 du 24 octobre 2000 du tribunal administratif de Papeete est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Papeete et ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat au remboursement des frais irrépétibles sont rejetées.