(4ème Chambre A)
VU, enregistrée au greffe de la cour le 15 décembre 1997, la requête présentée pour M. Daniel X... par Me CALIAMOU, avocat ; M. X... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9302372/5 en date du 2 juillet 1997 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 novembre 1990 par laquelle le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme a opposé la prescription quadriennale à sa demande de paiement des 1ère et 2ème fractions de l'indemnité d'éloignement ;
2 ) d'annuler la décision ministérielle du 29 novembre 1990 ;
3 ) de condamner l'Etat à lui payer les 1ère et 2ème fractions de ladite indemnité, majorées des intérêts de droit ;
4 ) de condamner l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, à lui verser la somme de 8.000 F ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi n 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, modifiée par le décret n 98-81 du 11 février 1998 ;
VU le décret n 53-1266 du 22 décembre 1953 portant aménagement du régime de rémunération des fonctionnaires de l'Etat en service dans les départements d'Outre-Mer ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors applicable ;
VU le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 septembre 2001 :
- le rapport de Mlle PAYET, premier conseiller,
- et les conclusions de M HEU, commissaire du Gouvernement ;
Sur la fin de non-recevoir :
Considérant qu'aux termes de l'article R.102, alinéa 1er du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel dont les dispositions ont été reprises à l'article R. 421-1 du code de justice administrative : "Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée." et qu'aux termes de l'article R. 105 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel dont les dispositions ont été reprises à l'article R. 421-7 du même code : "Les délais supplémentaires de distance prévus aux articles 643 et 644 du nouveau code de procédure civile s'ajoutent au délai de deux mois prévu à l'article R. 421-1." ; qu'aux termes de l'article 643 du nouveau code de procédure civile : "Lorsque la demande est portée devant une juridiction qui a son siège en France métropolitaine, les délais ( ...) d'appel ( ...) sont augmentés de : - Un mois pour les personnes qui demeurent dans un département d'outre-mer ( ...)." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de l'accusé de réception postal, que M. X..., qui est désormais domicilié à la Réunion, a reçu le 22 septembre 1997 notification du jugement du 2 juillet 1997 dont il fait appel ; que sa requête a été enregistrée au greffe de la cour le 15 décembre 1997, soit dans le délai d'appel majoré du délai de distance tel que défini par les dispositions réglementaires précitées ; que, par suite, le moyen tiré de la tardiveté de la requête manque en fait ;
Sur la recevabilité de la demande devant le tribunal administratif :
Considérant qu'aux termes de l'article R.104 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors applicable et dont les dispositions ont été reprises à l'article R. 421-5 du code de justice administrative : "Les délais de recours contre une décision déférée au tribunal ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision." ;
Considérant que la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris le 25 février 1993 doit être regardée comme dirigée non seulement contre la décision du 29 novembre 1990 par laquelle le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme a explicitement opposé la prescription quadriennale à sa demande tendant au paiement des 1ère et 2ème fractions de l'indemnité d'éloignement et contre la décision du 22 juillet 1991 rejetant sur ce point son recours hiérarchique du 17 juin 1991 mais aussi contre les décisions implicites de rejet de ses recours administratifs des 19 octobre 1992 et 3 novembre 1992 ayant même objet ;
Considérant que si la formation d'un recours administratif contre une décision établit que l'auteur de ce recours administratif a eu connaissance de la décision qu'il a contestée au plus tard à la date à laquelle il a formé ce recours, une telle circonstance est par elle-même sans incidence sur l'application des dispositions précitées de l'article R. 104 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors applicable et dont les dispositions ont été reprises à l'article R. 421-5 du code de justice administrative qui subordonnent l'opposabilité des délais de recours contentieux à la mention des voies et délais de recours dans la notification de la décision ; qu'en l'espèce, aucune des décisions explicites datées des 29 novembre 1990, 22 juillet 1991, non plus d'ailleurs que celles des 4 octobre 1991 et 16 juin 1992 prononçant le rejet des recours administratifs successifs formés par le requérant, ne mentionne les voies et délais de recours ; qu'ainsi, aucun délai n'avait commencé à courir à la date du 25 février 1993 à laquelle a été enregistrée au tribunal administratif de Paris la demande de M. X..., demande qui n'était dès lors pas tardive ; qu'ainsi, le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 2 juillet 1997 doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur la prescription quadriennale :
Considérant qu'aux termes de l'article 6 du décret susvisé n 53-1266 du 22 décembre 1953 : "Les fonctionnaires de l'Etat domiciliés dans un département d'outre-mer, qui recevront une affectation en France métropolitaine à la suite de leur entrée dans l'administration, d'une promotion ou d'une mutation, percevront, s'ils accomplissent une durée minimum de service de quatre années consécutives en métropole, une indemnité d'éloignement non renouvelable. Les taux et conditions d'attribution de cette indemnité sont identiques à ceux prévus par les articles 2, 4 et 5 du présent décret" et qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 2 du même décret : "L'indemnité d'éloignement est payable en trois fractions : la première lors de l'installation du fonctionnaire dans son nouveau poste, la seconde au début de la troisième année de service et la troisième après quatre ans de service." ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi n 68-1250 du 31 décembre 1968 modifiée : "Sont prescrites, au profit de l'Etat ( ...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis."et qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : "La prescription est interrompue par - Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance - Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours ( ...) - Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance - Toute émission de moyen de règlement, même si ce règlement ne couvre qu'une partie de la créance ou si le créancier n'a pas été exactement désigné - Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée." et qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : "La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement." ;
Considérant que l'indemnité d'éloignement constitue une indemnité unique payable en trois fractions, chacune de ces fractions constituant pour son bénéficiaire une créance liquide et exigible à partir du moment où les conditions fixées à l'article 2 du décret du 22 décembre 1953 se trouvent remplies pour chacune d'elles ; que si les droits au versement de l'indemnité d'éloignement ont été acquis par M. X... au 16 novembre 1982, date de sa titularisation en qualité d'ouvrier professionnel de l'Etat, puis au 16 novembre 1984 et au 16 novembre 1986 en ce qui concerne, respectivement, les deuxième et troisième fractions, et si l'intéressé a formulé le 9 septembre 1983, une première demande tendant à l'octroi de ladite indemnité, demande qui a eu pour effet d'interrompre le cours de la prescription quadriennale et d'ouvrir un nouveau délai expirant le 31 décembre 1987, il ressort des pièces du dossier que M. X... n'a renouvelé sa demande que le 8 février 1990, alors qu'à cette dernière date la prescription était déjà acquise pour les deux premières fractions qui étaient venues à échéance, respectivement, le 31 décembre 1987 et le 31 décembre 1988 ;
Considérant que ni la circonstance que l'administration rejetait à l'époque, de manière générale, les demandes analogues à celles de M. X..., en se fondant sur une interprétation stricte de la notion de domicile pour l'application des dispositions de l'article 6 précité du décret du 22 décembre 1953, ni celle qu'elle ait ultérieurement modifié son interprétation des textes réglementaires, ne sont de nature à faire échec aux règles relatives à la prescription quadriennale ; que, par ailleurs, si M. X... allègue que la réponse du 3 septembre 1984 à sa première demande du 9 septembre 1983 n'aurait été portée à sa connaissance que par courrier du 14 mars 1990 notifié le 19, il lui était loisible de renouveler utilement sa demande avant la survenance de chacune des échéances susmentionnées et, sur le refus de l'administration, de former un recours contentieux pour faire valoir ses droits devant le juge de l'excès de pouvoir ; que la circonstance que M. X... a renouvelé sa demande au cours des années 1990, 1991 et 1992 et que l'administration y a répondu négativement, est sans influence sur la solution du litige dès lors que ses créances étaient déjà atteintes par la prescription ; que, par suite, les conclusions de M. X... tendant à l'annulation des décisions attaquées lui opposant la prescription quadriennale au paiement des deux premières fractions de l'indemnité d'éloignement ne peuvent qu'être rejetées tout comme, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au versement des indemnités dont s'agit ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation de sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que M. X... est la partie perdante dans la présente instance ; que cette circonstance fait obstacle à la condamnation de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, à payer à M. X... une somme au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés ;
Article 1er : Le jugement n 9302372/5 en date du 2 juillet 1997 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetées.