(4ème Chambre A)
VU, enregistrée au greffe de la cour le 28 mai 1999, la requête présentée pour la SOCIETE IMMOBILIERE FAMILIALE, dont le siège social est sis Tour Eve, Place du Sud, la Défense 9, 92806 Puteaux cédex, venant aux droits de la Société SIGPA aux termes d'un traité de fusion du 30 octobre 1997, par Me REVEL-BASUYAUX, avocat ; la SOCIETE IMMOBILIERE FAMILIALE demande à la cour :
1 ) de réformer le jugement n 9616498/3 en date du 10 février 1999 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à lui verser une indemnité de 1.263 F, qu'elle estime insuffisante, en réparation de son préjudice résultant du refus de prêter le concours de la force publique pour l'exécution d'une décision de justice ;
2 ) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 17.331 F majorée des intérêts de droit à compter du 3 avril 1996 ;
3 ) de condamner l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, à lui verser la somme de 3.000 F ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 septembre 2001 :
- le rapport de Melle PAYET, premier conseiller,
- et les conclusions de M. HEU, commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'à la demande de la Société immobilière Carnot Raspail, le juge des référés du tribunal d'instance de Saint-Denis a, par une ordonnance du 22 juillet 1994, constaté l'acquisition du bénéfice de la clause résolutoire figurant dans l'engagement de location qui avait été consenti le 13 décembre 1984 à M. et Mme Ali X..., et autorisé leur expulsion de l'appartement ; qu'après signification de cette ordonnance le 2 septembre 1994, commandement de quitter les lieux le 23 février 1995 et tentative d'expulsion le 31 mars 1995, l'huissier instrumentaire a requis le 6 avril 1995 le concours de la force publique qui ne fut pas accordé ; que, par le jugement attaqué du 10 février 1999 non contesté sur ce point, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a estimé que la responsabilité de l'Etat envers la société SIGPA, venant aux droits de la société Carnot-Raspail, était engagée pour la période du 6 juin 1995 au 31 décembre 1996 ; qu'il a toutefois limité l'indemnité qu'il a accordée à la requérante à la somme de 1.263 F tous intérêts compris, en réparation des troubles de gestion qu'elle avait subis et des frais de procédure qu'elle avait dû exposer ; que, par la requête susvisée, la SOCIETE IMMOBILIERE FAMILIALE, qui vient aux droits de la société SIGPA, fait appel dudit jugement en tant qu'il a refusé toute indemnisation au titre des pertes de loyers et charges ;
Sur l'indemnisation en principal :
Considérant que la nature et l'étendue des réparations incombant à une collectivité publique doivent être déterminées par le juge administratif compte tenu des règles relatives à la responsabilité des personnes morales de droit public et indépendamment des sommes qui ont pu être exposées par le requérant ou qu'il n'a pu recouvrer ;
Considérant, en premier lieu, qu'en ce qui concerne les loyers, la SOCIETE IMMOBILIERE FAMILIALE réitère sa demande tendant au paiement d'une somme de 8.678,92 F correspondant à la dette locative de M. et Mme Ali X... pour la période comprise entre le 6 juin 1995 et le 31 décembre 1996, date de l'arrêté des comptes ; que cette demande, qui est assortie de pièces justificatives, n'apparaît pas excessive s'agissant d'un logement d'une pièce principale dépendant d'un immeuble situé à Villetaneuse ; qu'il y a lieu, par suite, de condamner l'Etat à verser à la société requérante une indemnité de ce montant ;
Considérant, en second lieu, qu'en ce qui concerne les charges locatives, il ressort des documents produits qu'elles auraient atteint, pour la même période, la somme de 8.652,08 F soit près de 100 % du montant du loyer ; qu'en l'absence au dossier d'états justificatifs de répartition des charges récupérables sur le locataire que ne peut suppléer un simple relevé de créances, la cour n'est pas en mesure d'apprécier le bien-fondé de la demande présentée sur ce point par la SOCIETE IMMOBILIERE FAMILIALE ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en fixant forfaitairement à 30 % du montant du loyer la valeur de ces charges ; qu'il y a lieu, par suite, d'allouer à ce titre à la société requérante une indemnité de 2.603,68 F ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le montant total de l'indemnisation due à la SOCIETE IMMOBILIERE FAMILIALE au titre des pertes de loyers et charges s'établit à 11.282,60 F ;
Sur les intérêts :
Considérant que la SOCIETE IMMOBILIERE FAMILIALE a droit à compter du 4 avril 1996, date de la réception par l'administration préfectorale de la Seine-Saint-Denis de sa demande préalable, aux intérêts des loyers et charges échus avant cette date et, pour la période postérieure à cette date, à ceux qui courent à compter de la date d'échéance de chaque loyer ;
Sur la subrogation de l'Etat :
Considérant que le versement à la SOCIETE IMMOBILIERE FAMILIALE des indemnités fixées par le présent arrêt est subordonné à la subrogation de l'Etat dans les droits que détient ladite société à l'encontre de M. et Mme Ali X... ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, à verser à la SOCIETE IMMOBILIERE FAMILIALE, au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés au cours de la présente instance, la somme qu'elle réclame de 3.000 F ;
Article 1er : A la somme de 1.263 F tous intérêts compris que, par l'article 1er du jugement n 9616498/3 en date du 10 février 1999, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à la Société SIGPA aux droits de laquelle se présente la SOCIETE IMMOBILIERE FAMILIALE, est ajoutée la somme de 11.282,60 F au titre des pertes de loyers et charges relatives à la période du 6 juin 1995 au 31 décembre 1996. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 4 avril 1996 pour les loyers échus à cette date et, pour le surplus, à compter de leurs dates respectives d'échéance.
Article 2 : Le versement de l'indemnité fixée à l'article 1er ci-dessus est subordonné à la subrogation de l'Etat dans les droits de la SOCIETE IMMOBILIERE FAMILIALE à l'encontre de M. et Mme Ali X....
Article 3 : Le jugement n 9616498/3 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris en date du 10 février 1999 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : l'Etat est condamné, sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, à verser à la SOCIETE IMMOBILIERE FAMILIALE la somme de 3.000 F.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE IMMOBILIERE FAMILIALE est rejeté.