(2ème chambre B)
VU la requête enregistrée au greffe de la cour le 27 janvier 1997, présentée pour Mme Françoise X..., par Me Comte Bellot, avocat ; Mme X... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n 9218940/1 en date du 2 juillet 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels elle et son mari ont été assujettis au titre des années 1982 à 1984 ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son protocole additionnel ;
VU le code civil, notamment son article 9 ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 novembre 2001 :
- le rapport de M. BATAILLE, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme KIMMERLIN, commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme X... demande l'annulation du jugement en date du 2 juillet 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels les époux X... ont été assujettis au titre des années 1982 à 1984 en application de l'article 168 du code général des impôts qui prévoit qu'en cas de disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et ses revenus, la base d'imposition à l'impôt sur le revenu est portée à une somme forfaitaire, ainsi que des pénalités dont ces compléments d'impôt ont été assortis;
Sur la régularité de la décision du directeur des services fiscaux :
Considérant que la requérante soutient que n'est pas signée la décision en date du 2 août 1988 de rejet de sa réclamation en date du 14 décembre 1987 ; que toutefois le moyen tiré du défaut de signature d'une telle décision, à l'appui de conclusions tendant à la décharge d'une imposition, est inopérant ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne la demande d'information du 10 janvier 1985 :
Considérant que M. et Mme X... ont fait l'objet d'une demande d'informations patrimoniales en date du 10 janvier 1985 ; que la requérante soutient que cette demande d'une part constitue une ingérence dans la vie privée de M. X... effectuée sans motivation expresse de droit et de fait et sans que le contribuable soit averti de la possibilité de se faire assister d'un conseil, en violation des articles 9 du code civil et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'autre part ne comporte pas de signature ;
Considérant en premier lieu qu'aux termes de l'article 9 du code civil : "Chacun a droit au respect de sa vie privée" et qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ..." ; que ces dispositions et stipulations de portée générale n'ont ni pour objet, ni pour effet d'interdire les investigations, notamment sous forme de demande d'informations, que prévoient les dispositions particulières de la loi fiscale en vue de faciliter la tâche des services chargés de l'assiette de l'impôt sur le revenu ; que par suite le moyen doit être écarté ;
Considérant en deuxième lieu qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que les demandes d'informations prévues par les dispositions de l'article L.10 du livre des procédures fiscales doivent comporter mention expresse des motifs de fait ou de droit qui en seraient le fondement ou de la possibilité pour le contribuable de se faire assister d'un conseil ;
Considérant en troisième et dernier lieu que le moyen tiré de l'absence de signature de ladite demande à l'appui de conclusions en décharge des compléments d'impôt sur le revenu établis à la suite d'une vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble, à le supposer établi, est inopérant ;
En ce qui concerne la vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble :
Considérant que M. et Mme X... ont fait l'objet d'une vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble concernant la période du 1er janvier 1982 au 31 décembre 1984; que la requérante soutient que cette vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble a été effectuée sans avis préalable, en violation de l'article L.47 du livre des procédures fiscales et qu'ils n'ont été avertis de cette vérification que par la notification de redressement du 26 août 1986 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, un avis de vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble a été envoyé avec accusé de réception le 10 janvier 1986 à l'adresse de M. et Mme X... et a été retourné à son expéditeur avec la mention "Non réclamé retour à l'envoyeur" après que deux avis de passage eurent été déposés les 10 et 24 janvier 1986 ; qu'ainsi quel qu'ait été l'état de santé de M. X..., son épouse pouvant retirer elle-même ce pli, ledit avis doit être considéré comme ayant été régulièrement notifié ; que la vérification a ainsi commencé à cette date et non antérieurement comme le soutient à tort Mme X... ;
Considérant par ailleurs, que si Mme X... invoque la méconnaissance des articles L.16 et L.69 du livre des procédures fiscales, de tels moyens sont inopérants dès lors que le service n'a envoyé aucune demande d'éclaircissements ou de justifications et que les impositions litigieuses ont été établies selon la procédure de redressement contradictoire ;
En ce qui concerne le recours à la procédure d'évaluation forfaitaire de la base d'imposition à l'impôt sur le revenu :
Considérant que la requérante soutient que la procédure d'évaluation forfaitaire prévue par les dispositions combinées de l'article L.63 du livre des procédures fiscales et de l'article 168 du code général des impôts en cas de disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et les revenus qu'il déclare, ne pouvait en l'espèce être mise en oeuvre faute de déclaration souscrite par M. et Mme X... au titre des années en litige ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que des déclarations ont été souscrites par M. et Mme X... au titre des années 1981 à 1984 ; que, par suite, le moyen manque en fait ;
En ce qui concerne la notification de redressement et les évaluations forfaitaires du 26 août 1986 :
Considérant que la requérante soutient d'une part que la notification de redressement du 26 août 1986 est paraphée et non signée, ne comporte pas le nom et visa de l'inspecteur principal, mentionne de façon erronée, faute d'avis préalable, qu'elle fait suite à une vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble, n'indique pas les dates de début et de fin de cette vérification, n'est pas motivée quant à la disproportion entre le train de vie et les revenus, ne comporte pas de motivation suffisante quant aux valeurs locatives retenues pour les immeubles, d'autre part que les évaluations forfaitaires du 26 août 1986 pour les trois années ne comportent également pas de signature, sous réserve d'authentification du paraphe, ni de motivation concernant l'évaluation du train de vie ;
Considérant en premier lieu qu'il résulte de ce qui précède concernant la régularité de la vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble que ce n'est pas à tort, contrairement à ce que soutient la requérante, que la notification de redressement mentionne faire suite à une telle vérification ;
Considérant en deuxième lieu que, malgré le caractère illisible de la signature figurant sur la notification de redressement et les évaluations forfaitaires, aucun élément du dossier ne laisse supposer qu'il ne s'agisse pas de celle de Mlle Y..., inspecteur des impôts ; qu'ainsi le moyen doit être écarté sans qu'il soit besoin de recourir à authentification de ces signatures ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoyant que la notification de redressements prononcés sur le fondement de l'article 168 du code général des impôts doive, à la date de la vérification litigieuse, être revêtue du visa d'un inspecteur principal, le moyen tiré de défaut d'un tel visa est en tout état de cause inopérant ;
Considérant en troisième lieu qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne faisant obligation à l'administration de mentionner sur la notification de redressement les dates de début et de fin de la vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble, la requérante ne peut utilement se prévaloir de l'absence d'une telle mention ;
Considérant en quatrième lieu que, contrairement à ce que soutient la requérante qui en critique la motivation, la lecture de la notification de redressement et des lettres concernant l'évaluation forfaitaire minimale du revenu imposable d'après certains éléments du train de vie permet de quantifier les disproportions entre train de vie et revenus déclarés pour chaque année litigieuse ;
Considérant en cinquième et dernier lieu que la requérante conteste la motivation de la notification de redressement s'agissant de la valeur locative retenue pour certains immeubles en considérant que la seule référence à l'année 1983 ne suffit pas pour un studio ni la seule année 1984 pour un trois pièces en procédant à une variation de 5 % pour les autres années ; que s'agissant d'un moyen tiré de l'insuffisante motivation des documents en cause, celui-ci n'est pas fondé ; qu'au demeurant, si les requérants entendent ainsi contester les motifs de l'imposition, ils se bornent, comme l'ont retenu les premiers juges, à critiquer la méthode ainsi suivie sans apporter aucun élément de comparaison ;
En ce qui concerne l'information sur les conséquences des redressements :
Considérant que la requérante soutient que, s'agissant d'une procédure terminée le 26 août 1986 et d'une imposition mise en recouvrement antérieurement au 1er janvier 1990, les dispositions de l'article L.48 du livre des procédures fiscales n'ont pas été respectées ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction et notamment de la lettre du 22 septembre 1986, par laquelle M. X... a fait part de ses observations, que M. et Mme X... aient effectué une demande quant aux conséquences des redressements envisagés comme leur en faisait obligation la rédaction alors en vigueur de l'article L.48 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;
En ce qui concerne la réponse aux observations datée du 7 octobre 1986 :
Considérant que la requérante soutient que la réponse aux observations du contribuable du 7 octobre 1986 est dépourvue de motivation quant au refus de prise en compte de la situation médicale et économique de M. X..., en violation du deuxième alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, selon lequel en cas de rejet des observations du contribuable, la réponse doit être motivée ; que le seul point de contestation portant sur l'évaluation d'un véhicule automobile a fait l'objet d'une réponse; que l'état de santé de M. X... et sa situation de chômage n'étaient pas de nature en eux-même à remettre en cause les impositions litigieuses ;
En ce qui concerne les rôles :
Considérant que la requérante demande la production de toute délégation permettant de vérifier que les rôles ont été régulièrement homologués en application de l'article 1658 du code général des impôts ; qu'il résulte de l'instruction qu'en application de cet article, le préfet a donné délégation de pouvoir au directeur des services fiscaux par arrêté du 13 juin 1984, qui a donné délégation de signature au directeur départemental le 26 février 1987, lequel a homologué le rôle le 15 avril 1987 ;
En ce qui concerne les avis d'imposition :
Considérant que le moyen tiré de l'irrégularité dont seraient entachés les avis d'imposition, est en tout état de cause inopérant ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant en premier lieu que la requérante soutient que l'application des tarifs forfaitaires prévus à l'article 168 du code général des impôts viole les stipulations de l'article 1er du protocole additionnel de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales selon lequel : "Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international" ; que, toutefois, ledit article ne porte pas en tout état de cause atteinte au droit de chaque Etat, conformément aux termes mêmes de son deuxième alinéa, de mettre en oeuvre les lois qu'il juge nécessaires pour assurer le paiement des impôts ;
Considérant en second lieu que la requérante soutient que l'administration n'apporte pas la preuve de la disposition, laquelle n'aurait pas eu lieu, des sommes retenues comme base d'imposition et applique ainsi une présomption portant atteinte aux droits de la défense en violation de l'article 6 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif à la présomption d'innocence, le barême forfaitaire s'apparentant à une sanction en matière pénale au sens de cette convention ; que, toutefois, l'article 6 de ladite convention n'est applicable qu'aux procédures contentieuses suivies devant des juridictions; que par suite le moyen est inopérant ; qu'au surplus l'administration n'a pas à apporter la preuve que les revenus ainsi forfaitairement calculés auraient été, quoique dissimulés, à la disposition du contribuable ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Article 1 : La requête de Mme X... est rejetée