Vu, enregistrée le 2 juillet 1999 au greffe de la cour, la requête présentée pour M. Claude X, demeurant ..., par M. FERET avocat ; M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 882520 en date du 25 mars 1999 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1981 et 1982 ;
2°) de prononcer la décharge de l'imposition restant en litige ;
3°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement attaqué ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 30 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
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Classement CNIJ : 19-04-01-02-01
C+
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 27 mai 2003 :
- le rapport de M. MAGNARD, premier conseiller,
- les observations de Me Losappio, avocat pour M. X,
- et les conclusions de M. BOSSUROY, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que M. Claude X fait appel du jugement du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il a rejeté sa demande en décharge de l'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 1981 et 1982 ;
Sur la domiciliation fiscale du contribuable :
Considérant d'une part qu'aux termes de l'article 4 A du CGI : Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française ; qu'aux termes de l'article 4 B-1 du même code : Sont considérés comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée au non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques ; que, pour l'application des dispositions du paragraphe a du 1 de l'article 4 B précité, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles, et que le lieu du séjour principal du contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où celui-ci ne dispose pas de foyer ;
Considérant, d'autre part que l'article 2 de la convention conclue le 24 novembre 1971 entre la France et le Togo en vue d'éviter les doubles impositions stipule : 1. Une personne physique est domiciliée, au sens de la présente convention, au lieu où elle a son foyer permanent d'habitation, cette expression désignant le centre des intérêts vitaux, c'est-à-dire le lieu avec lequel les relations personnelles sont les plus étroites. Lorsqu'il n'est pas possible de déterminer le domicile d'après l'alinéa qui précède, la personne physique est réputée posséder son domicile dans celui des Etats contractants où elle séjourne le plus longtemps. En cas de séjour d'égale durée dans les deux Etats, elle est réputée avoir son domicile dans celui dont elle est ressortissante. Si elle n'est ressortissante d'aucun d'eux, les autorités administratives supérieures des Etats trancheront la difficulté d'un commun accord... ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Claude X disposait au cours des années en litige d'une résidence au Vésinet, qu'il avait acquise en 1980 où vivaient ses quatre enfants qui étaient alors scolarisés en France ; qu'il supportait de façon régulière en France des dépenses de vie courante et qu'il employait à sa résidence du Vésinet deux puis trois domestiques ; qu'il y recevait de façon quotidienne du courrier ; qu'ainsi et alors même que l'intéressé utilisait effectivement au cours des mêmes années une résidence au Togo où il exerçait une activité professionnelle, et sans qu'il soit besoin de recourir à l'expertise graphologique sollicitée, M. Claude X doit être regardé comme ayant eu, au cours desdites années, son foyer en France au sens des dispositions précitées de l'article 4 B du code général des impôts ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. X disposait au Togo, où il exerçait une activité professionnelle d'une résidence où il résidait une partie de l'année avec son épouse ; qu'il doit être regardé comme disposant d'un foyer permanent d'habitation en France et au Togo ; qu'il convient, dès lors, en vertu des stipulations ci-dessus rappelées de la convention, de rechercher l'Etat dans lequel il séjournait le plus longtemps ;
Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que M. et Mme X partageaient leur temps entre la France et le Togo de manière équilibrée ; qu'il convient, dès lors, en vertu des stipulations ci-dessus rappelées de la convention, de rechercher l'Etat dont le contribuable détenait la nationalité ;
Considérant qu'il est constant que M. X est de nationalité française ; qu'il doit être regardé comme résident français au sens des stipulations précitées de la Convention franco-togolaise ; que, par suite, ces dernières ne peuvent faire obstacle à l'obligation fiscale illimitée de M. X en France ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que contrairement à ce que soutient le requérant, le service était en droit, sans contrevenir aux dispositions légales et réglementaires en vigueur, d'effectuer des enquêtes auprès de tiers après avoir adressé au contribuable un avis de vérification de sa situation fiscale d'ensemble ;
Sur la prescription de l'année 1981 :
Considérant qu'en vertu des dispositions, applicables en l'espèce, des articles L. 168 et L. 169 du livre des procédures fiscales, dans leur rédaction antérieure à celle qui résulte de l'entrée en vigueur de l'article 18 de la loi n° 86-824 du 11 juillet 1986, les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette de l'impôt sur le revenu peuvent être réparées par l'administration fiscale jusqu'à l'expiration de la quatrième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ; qu'aux termes de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales : La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de redressement... ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la notification de redressement concernant l'année 1981 a été dans un premier temps envoyée à l'adresse de M. X au Vésinet ; que la copie de l'enveloppe contenant cette notification fait exclusivement apparaître un tampon du bureau de départ de Paris en date du 28 octobre 1985 et un tampon du bureau de Lomé, à destination duquel le courrier a été réexpédié à la demande du contribuable, en date du 30 janvier 1986 ; que les mentions de l'enveloppe ne permettent pas d'établir à quelle date ledit courrier est parvenu au bureau de poste du Vesinet ; qu'ainsi, et à supposer même comme le soutient l'administration, que M. X n'ait pas informé le service de son départ pour le Togo, le courrier litigieux ne saurait être regardé comme ayant régulièrement interrompu le délai de reprise en ce qui concerne l'année 1981 ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'administration a également envoyé la notification de redressement concernant l'année 1981 à l'adresse de M. X, B.P. 10054, route de l'Aéroport, à Lomé, le 25 novembre 1985, adresse que l'intéressé avait indiqué au service ; qu'il résulte de l'instruction et en particulier de la copie de l'enveloppe produite par le requérant comme étant celle ayant contenu ladite notification, que M. X n'a eu communication de ce pli par les services postaux togolais que le 9 janvier 1986 ; qu'il suit de là que la prescription ne peut être regardée comme ayant été régulièrement interrompue, l'administration ne fournissant aucun élément permettant d'établir que M. X aurait été averti de l'arrivée du pli, notamment par le dépôt dans sa boîte postale d'un avis d'instance, avant le 1er janvier 1986 ; que par suite M. X est fondé à demander la décharge du complément d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre de l'année 1981 ;
Sur le montant des impositions litigieuses au titre de l'année 1982 :
Considérant qu'il appartient à M. X taxé d'office en application des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales d'apporter la preuve de l'exagération des impositions qu'il conteste ;
Considérant, en premier lieu, que, pour justifier les versements d'espèces constatés sur les comptes bancaires examinés par le service, d'un montant de 715.000 F en 1982, M. X soutient que les versements en cause auraient été alimentés par des retraits effectués sur des comptes dont il dispose au Togo et produit des attestations émanant de plusieurs de ces banques ;
Considérant que faute pour M. X d'identifier, pour chaque somme taxée, le retrait ayant permis le crédit litigieux, le contribuable ne met par la cour en état de constater une corrélation entre les retraits opérés et les versements correspondants ; qu'en outre, il ne fournit aucun élément permettant d'établir qu'il a effectivement changé en francs français les francs CFA retirés auprès des banques togolaises ; qu'il ne saurait par suite être regardé comme apportant la preuve, dont, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il a la charge, de l'origine et de la nature des crédits taxés ;
Considérant, en second lieu, que pour justifier des virements en provenance de la société Socotimex, M. Claude X soutient qu'il s'agit de règlements de créances en contrepartie de services rendus par l'entreprise Togotrans dont il était exploitant individuel, à Socotimex ; que les pièces produites au dossier ne permettent pas d'établir la corrélation entre les factures émises par Togotrans à l'intention de Socotimex et les ordres de virement litigieux ; qu'au surplus, en l'absence de toute pièce retraçant l'évolution du compte de l'exploitant et du compte client de Socotimex dans la comptabilité de Togotrans, M. X ne met pas la cour en mesure de déterminer la nature des sommes qui lui ont ainsi été versées ;
En ce qui concerne les pénalités :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, le fait que M. X ait estimé à tort qu'il pouvait se prévaloir de la qualité de résident fiscal togolais et n'ait pu apporter des justifications sur l'origine et la nature des sommes figurant sur ses comptes ne suffit pas à établir la mauvaise foi du contribuable ; que M. X est par suite fondé à soutenir que c'est à tort qu'il a été assujetti aux pénalités prévues par les dispositions, alors applicables, de l'article 1729 du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est seulement fondé à demander la décharge de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1981 et la substitution des intérêts de retard aux pénalités de mauvaise foi mises à sa charge au titre de l'année 1982 ; que pour le surplus M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant qu'il a lieu dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions précitées, de condamner l'Etat à payer à M. X la somme de 1.500 euros ;
D E C I D E :
Article 1er : M. X est déchargé, en droits et pénalités, de l'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre de l'année 1981.
Article 2 : les intérêts de retard sont substitués aux pénalités de mauvaise foi dont ont été assorties les cotisations d'impôt sur le revenu mises à la charge de M. X au titre de l'année 1982.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 25 mai 1999 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : L'Etat est condamner à payer à M. X la somme de 1.500 euros.
N° 99PA02078 2