Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 6 septembre 2000 sous le n° 00PA02801, présentée pour la société PARKE-DAVIS S.C.A. dont le siège est ..., représentée par son président, venant aux droits de la société Institut de Recherche Jouveinal, par le bureau Francis Lefebvre, avocats ; la société PARKE-DAVIS S.C.A demande à la cour :
1°) de réformer le jugement en date du 5 mai 2000 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'amende prévue par l'article 1768 du code général des impôts à laquelle la société Institut de Recherche Jouveinal a été assujettie au titre des années 1993, 1994 et 1995 ;
2°) de lui accorder la décharge de l'amende restant en litige au titre desdites années ;
3°) de condamner l'Etat aux entiers dépens conformément à l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 ;
Vu la convention franco-canadienne du 9 mai 1975 ;
Vu la convention franco-australienne du 13 avril 1976 ;
Vu la convention franco-italienne du 5 octobre 1989 ;
Vu la convention franco-autrichienne du 26 mars 1993 ;
Vu la convention franco-américaine du 31 août 1994 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mars 2005 :
- le rapport de M. Alfonsi, rapporteur,
- les observations de Me X... Luc, pour la société PARKE-DAVIS S.C.A.,
- et les conclusions de M. Magnard, commissaire du gouvernement ;
- et connaissance prise de la note en délibéré présentée le 30 mars 2005 pour la société PARKE-DAVIS S.C.A. ;
Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1995, l'administration a, par deux notifications de redressements datées du 19 décembre 1996 et du 29 janvier 1997, soumis la société Institut de Recherche Jouveinal au titre des exercices clos en 1993, 1994 et 1995 à l'amende prévue à l'article 1768 du code général des impôts à concurrence du montant de la retenue à la source mentionnée à l'article 182 B du même code non effectuée sur des sommes payées au cours de la période vérifiée à des créanciers établis hors de France en rémunération de prestations fournies ou utilisées en France ; que, par le jugement attaqué, rendu le 5 mai 2000, le Tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de la société PARKE-DAVIS S.C.A, venant aux droits de la société Institut de Recherche Jouveinal, tendant à la décharge de ladite amende ;
Considérant qu'aux termes de l'article 182 B du code général des impôts I. Donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'ils sont payés par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés, relevant de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, qui n'ont pas dans ce pays d'installation professionnelle permanente : ... c) les sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées en France ; qu'en vertu des dispositions combinées des articles 1671 A et 1768 du même code, les personnes qui s'abstiennent d'opérer la retenue à la source sur les sommes qu'elles versent à des créanciers établis hors de France sont passibles d'une amende égale au montant de la retenue non effectuée ; que les sommes payées par un débiteur exerçant en France une activité relevant de l'impôt sur les sociétés à une personne n'ayant pas dans ce pays d'installation professionnelle permanente en rémunération de prestations de toute nature fournies ou utilisées en France constituent des revenus de source française soumis à la retenue à source en application des dispositions précitées de l'article 182 B lorsqu'une convention internationale n'y fait pas obstacle ;
Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article 182 B du code général des impôts, les sommes que la société Institut de Recherche Jouveinal a versées au cours des années 1993, 1994 et 1995 à des tiers n'ayant pas d'installation professionnelle permanente en France donnaient lieu à l'application d'une retenue à la source ; qu'il n'est pas contesté que ladite société s'est abstenue d'opérer cette retenue à la source sur lesdites sommes ; que, par suite, la société Institut de Recherche Jouveinal était passible sur le fondement de la loi fiscale de l'amende égale au montant de la retenue non effectuée prévue par l'article 1768 du code général des impôts ;
Considérant toutefois que, pour contester le bien fondé de l'amende en litige, la société requérante soutient que les stipulations des conventions fiscales internationales conclues par la France qu'il y a lieu d'appliquer en l'espèce et l'interprétation donnée du modèle des conventions fiscales bilatérales de l'OCDE par le comité des affaires fiscales de cette organisation faisaient échec à la retenue à la source sur les versements réalisés en faveur de ses prestataires de service étrangers en faisant valoir que les sommes en cause provenant de France et payées à un résident de l'autre Etat contractant ne constituaient pas des redevances rémunérant des informations ou des connaissances ayant trait à une expérience acquise dans le domaine industriel, commercial ou scientifique au sens des stipulations de ces conventions et étaient dès lors exclusivement imposables dans cet autre Etat ;
En ce qui concerne les conventions fiscales internationales conclues par la France avec la Suisse, le Canada, l'Australie, l'Italie et les Etats-Unis :
Considérant que, d'une part, en vertu de l'article 13 de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966, de l'article 12 de la convention franco-canadienne du 9 mai 1975 dans sa rédaction issue de l'article 4 de l'avenant du 16 janvier 1987, de l'article 11 de la convention franco-australienne du 13 avril 1976 modifiée par l'avenant du 19 juin 1989, de l'article 12 de la convention franco-italienne du 5 octobre 1989 et de l'article 12 de la convention franco-américaine du 31 août 1994, lequel est applicable en vertu de son article 33 aux redevances payées à compter du 1er janvier 1991, les redevances provenant d'un Etat contractant payées à un résident de l'autre Etat contractant peuvent être imposées dans l'Etat contractant d'où elles proviennent et selon la législation de cet Etat, mais l'impôt ainsi établi ne peut excéder un pourcentage fixé, selon les cas à 5 % ou 10 % du montant brut des redevances ; que figurent au nombre des redevances désignées auxdits articles les rémunérations de toute nature payées pour des informations ayant trait à une expérience acquise dans le domaine industriel, commercial ou scientifique ou, s'agissant des stipulations de l'article 11 de la convention franco-australienne du 13 avril 1976, les sommes versées au titre de la fourniture de connaissances ou d'informations scientifiques, techniques, industrielles ou commerciales ; que, d'autre part, en vertu des stipulations des articles 7.1 et 16.1 de la convention franco-suisse, des articles 7.1 et 14.1 de la convention franco-canadienne, des articles 6.1 et 13.1 de la convention franco-australienne, des articles 7.1 et 14.1 de la convention franco-italienne et des articles 7.1 et 14.1 de la convention franco-américaine du 31 août 1994, ainsi que des articles 6.1 et 14.1 de la convention antérieure conclue le 28 juillet 1967 entre la France et les Etats-Unis auxquelles elles se sont substituées, les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant et les revenus tirés d'une profession libérale ou d'autres activités de caractère indépendant par un résident d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins qu'ils n'exercent leur activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable ou d'une base fixe ; qu'il résulte de ces stipulations que les bénéfices d'une entreprise de l'un des Etats liés à la France par les conventions précitées ou les revenus tirés par un résident de ces Etats d'une profession libérale ou d'autres activités de caractère indépendant, lesquels, contrairement aux redevances susmentionnées, ne rémunèrent pas la mise à disposition d'un droit de propriété intellectuelle, ne sont pas soumis en France à la retenue à la source prévue par les dispositions de l'article 182 B du code général des impôts, à moins que leurs bénéficiaires ne disposent en France d'un établissement stable ou d'une base fixe ;
Considérant en premier lieu qu'il résulte de l'instruction que la société Institut de recherche Jouveinal a versé au cours des années 1993, 1994 et 1995 des rémunérations se rapportant à des missions de conseil sur ses orientations et sa stratégie de recherche accomplies dans le cadre d'un groupe de travail dénommé Advisory Board à des experts scientifiques ou des praticiens, résidents des Etats-Unis et du Canada dont la spécialité scientifique ou médicale correspondait aux domaines de recherche de ce laboratoire ; que les prestations de conseil fournies dans le cadre de ce groupe de travail étaient relatives aux orientations générales et à la stratégie internationale de recherche du laboratoire ; qu'en dépit de leur caractère confidentiel, ces prestations ne sont pas à l'origine d'un droit de propriété intellectuelle nécessaire au développement d'un produit particulier ; qu'ainsi, les rémunérations versées aux membres de ce groupe de travail ne peuvent être regardées comme des redevances payées pour des informations ayant trait à une expérience acquise dans le domaine industriel, commercial ou scientifique au sens des stipulations précitées ;
Considérant en deuxième lieu que les études pharmaco-cliniques réalisées à la demande de l'Institut de Recherche Jouveinal par des scientifiques étrangers pour le développement de produits particuliers constituaient des prestations de services ne comportant pas la cession de droits de propriété intellectuelle ; que, notamment la rémunération des études et avis relatifs au développement du produit fédotozine ne constituait pas une redevance au sens des stipulations précitées ; qu'il en va de même de la rémunération des contrats de collaboration, avis, consultations et rapports établis pour le développement d'autres produits déterminés ;
Considérant en troisième lieu que les études dites de criblage réalisées par la société américaine Panlabs avaient pour seul objet de sélectionner parmi plusieurs molécules présentant les mêmes caractéristiques, celles qui paraissaient les plus intéressantes au regard d'objectifs préalablement définis ; que, par suite, ces études présentaient le caractère de prestations d'assistance technique dont la rémunération ne constituait pas des redevances au sens des stipulations précitées ;
Considérant enfin que la circonstance que l'ensemble des prestations délivrées à l'Institut de Recherche Jouveinal aurait été couvert par une clause de confidentialité, ne révèle pas par elle-même que la rémunération de ces prestations présentait le caractère de redevances, alors surtout que la société requérante fait valoir sans être sérieusement contredite que cette clause était exclusivement destinée à la protection du secret commercial ;
Considérant, dès lors, que les stipulations des conventions fiscales internationales précitées faisaient obstacle à ce que les rémunérations en litige versées par l'Institut de Recherche Jouveinal à des organismes et experts scientifiques américains, canadiens, italiens, suisses et australiens ne disposant pas d'une base fixe ou d'un établissement stable en France soient soumises à la retenue à la source prévue à l'article 182 B du code général des impôts ; qu'ainsi, l'Institut de Recherche Jouveinal n'était pas passible de l'amende fiscale qui lui a été appliquée à ce titre ;
En ce qui concerne la convention fiscale internationale conclue par la France avec l'Autriche :
Considérant qu'il résulte des stipulations de l'article 12 de la convention franco-autrichienne du 26 mars 1993, que les redevances provenant d'un Etat contractant et payées à un résident de l'autre Etat contractant sont exclusivement imposables dans cet autre Etat ; que l'article 14 de la même convention stipulent que les revenus qu'un résident d'un Etat contractant tire d'une profession libérale ne sont imposables que dans cet Etat à moins qu'il ne dispose d'une façon habituelle d'une base fixe dans l'autre Etat ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la facture d'honoraires d'un montant de 15.550 F produite par la société PARKE-DAVIS S.C.A. a été établie le 7 septembre 1995 pour la rémunération d'une conférence par M. Y..., professeur de médecine en Autriche et résident autrichien ; que, par suite, et en admettant même que cette facture rémunérerait des informations ayant trait à une expérience acquise dans le domaine scientifique et présenterait le caractère d'une redevance, la société PARKE-DAVIS S.C.A. est en tout état de cause fondée à soutenir que l'administration ne pouvait estimer que la somme de 15.550 F mentionnée sur cette facture était soumise à la retenue à la source dont l'omission rend passible de l'amende en litige ;
Considérant qu'il suit de là que la société PARKE-DAVIS S.C.A. est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la réduction de l'amende fiscale en litige ; qu'il y a lieu, en conséquence, de réduire ladite amende, dans la limite des conclusions de la contribuable, d'un montant non contesté de 241.881 F (36.865 euros) ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'affaire, de faire application des dispositions susvisées et de condamner l'Etat à rembourser à la société PARKE-DAVIS S.C.A., dont les conclusions susvisées ne sont d'ailleurs pas chiffrées, le frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : L'amende fiscale réclamée par avis de mise en recouvrement du 7 août 1997 à la société PARKE-DAVIS S.C.A. en application de l'article 1768 du code général des impôts au titre des années 1993, 1994 et 1995 est réduite d'un montant de 241.881 F ( 36.865 euros ).
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Melun en date du 5 mai 2000 est annulé.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société PARKE-DAVIS S.C.A. est rejeté.
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N° 00PA02801