Vu la requête, enregistrée le 21 mars 2006, présentée pour M. Issa X, élisant domicile chez Mlle Velten, au 26 rue de Clisson, à Paris 13ème, par Me Marianne Lagrue ; M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 06-01399 du 2 février 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 janvier 2006 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière sur le fondement de l'article L. 511-1-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. X soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il vit en France depuis 1993, qu'il y a créé des liens affectifs et amicaux solides et vit en concubinage avec une ressortissante française ; que l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11-3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il réside habituellement en France depuis plus de dix ans ;
Vu le jugement attaqué, en date du 2 février 2006, du Tribunal administratif de Paris :
Vu l'arrêté attaqué, en date du 28 janvier 2006, du préfet de police ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ensemble le décret du 3 mai 1974 portant publication de la convention ;
Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951, relative aux réfugiés et le protocole signé à New-York, le 31 janvier 1967 ;
Vu l'accord franco-sénégalais du 29 mars 1974 ;
Vu la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée à Schengen le 19 juin 1990, ensemble le décret n° 95-304 du 21 mars 1995 portant publication de cette convention ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et en tant que de besoin, l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946, modifié, réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu l'arrêté interministériel du 10 avril 1984 relatif aux conditions d'entrée des étrangers sur le territoire métropolitain et dans les départements d'outre-mer français ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du 1er septembre 2006 par laquelle le président de la cour a délégué les pouvoirs qui lui sont attribués par l'article L. 512-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, modifiée, à M. Bernardin ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir au cours de l'audience publique du 14 septembre 2006, présenté son rapport et entendu :
- les conclusions de M. Coiffet, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. (…) » ; qu'il est constant que M. Issa X, de nationalité sénégalaise, n'a pas été en mesure de présenter les documents justifiant de la régularité de sa présence en France ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;
Considérant que si M. X fait valoir qu'il vit en concubinage depuis 2002 avec une ressortissante française, qu'il a tissé en France de solides liens affectifs et amicaux, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de la durée et des conditions de séjour de M. X en France, célibataire, sans personne à charge, arrivé en France à l'âge de 25 ans, et eu égard au caractère non établi de la réalité du concubinage et à la très brève durée de celui-ci, l'arrêté en date du 28 janvier 2006 n'a pas porté au respect dû à sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention “vie privée et familiale”est délivrée de plein droit : (...) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant. Les années durant lesquelles l'étranger s'est prévalu de documents d'identité falsifiés ou d'une identité usurpée ne sont pas prises en compte. (...) » ;
Considérant que si M. X fait valoir qu'il réside depuis 1993 en France, les pièces qu'il produit sont insuffisantes pour établir qu'il réside habituellement en France depuis plus de dix ans, notamment au cours des années allant de 1997 à 2000 pour lesquelles il se borne à produire des témoignages de proches et une attestation du centre des impôts de prise en compte de ses revenus pour la période 1994-2001 datée du 1er février 2006 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police ne pouvait légalement prendre à son encontre l'arrêté attaqué sans méconnaître les dispositions précitées ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin de régularisation de la situation administrative de l'intéressée :
Considérant que la présente décision qui rejette la requête de M. X n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de délivrer à M. X un titre de séjour doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Issa X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Lu en audience publique, le 9 octobre 2006.
Le magistrat délégué
A.-G. BERNARDIN
Le greffier
J. BOULLAY
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 06PA01104