Vu la requête, enregistrée le 31 juillet 2006, présentée pour Mme Angela Maria X veuve Y, élisant domicile à l'étude de ..., par Me Legendre ; Mme X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0507349/6-2 en date du 20 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions tendant à ce qu'il soit ordonné à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) de lui remettre une partie du matériel biologique et, en particulier, les lames d'examens biologiques de son défunt mari, M. Y ;
2°) d'enjoindre à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris de lui remettre une partie du matériel biologique et, en particulier, des lames d'examens biologiques de son défunt mari,
M. Y, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la somme de 5 000 euros ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 janvier 2008 :
- le rapport de M. Demouveaux, rapporteur,
- les observations de Me Legendre pour Mme X et celles de Me Odin pour l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris,
- et les conclusions de M. Jarrige, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y, qui souffrait d'une leucémie, a, en août 2002, fait l'objet d'une série d'examens pratiqués à l'hôpital Paul Brousse à Paris ; que des échantillons biologiques, prélevés sur lui à cette occasion, ont été conservés par l'établissement ; que M. Y est décédé en Italie le 20 septembre 2002 ; qu'en décembre 2004, sa veuve, Mme X, a demandé au directeur de l'hôpital Paul Brousse de lui remettre quelques-uns de ces échantillons afin d'y relever des empreintes génétiques pour les besoins d'une action en recherche de paternité ; que l'Assistance publique-Hopitaux de Paris (AP-HP) a rejeté cette demande le 27 décembre 2004, au motif que les conditions juridiques prescrites par le droit français pour les examens génétiques n'étaient pas remplies, et que les éléments biologiques demandés ne faisaient pas partie du dossier médical de M. Y ; que Mme X a demandé au Tribunal Administratif de Paris, d'une part, d'annuler ce refus pour excès de pouvoir et, d'autre part, d'enjoindre à l'AP-HP de lui remettre ces éléments ; que le tribunal, ayant accueilli les premières conclusions sur le seul fondement d'un moyen de légalité externe, s'est borné à enjoindre à l'AP-HP de réexaminer la demande ; que Mme X fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'injonction ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que si le juge de l'excès de pouvoir est libre de fonder sa décision d'annuler un acte administratif sur un seul des moyens fondés soulevés par le requérant ou sur un moyen qu'il est en droit de soulever d'office, et n'est donc pas tenu, en dehors des cas prévus par la loi, de se prononcer sur l'ensemble des moyens susceptibles de fonder cette annulation, en revanche, lorsqu'il est saisi de conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de prendre une mesure d'exécution dans un sens déterminé, il doit vérifier si l'un au moins des moyens de la requête implique nécessairement, s'il est fondé, le prononcé de cette injonction ;
Considérant qu'en refusant de prononcer l'injonction demandée au seul motif que le moyen de légalité externe qu'il avait retenu pour fonder l'annulation pour excès de pouvoir ne l'impliquait pas nécessairement, sans rechercher si l'un des autres moyens présentés par
Mme X aurait nécessairement impliqué que l'administration fît entièrement droit à la demande qui lui avait été présentée, le tribunal administratif a méconnu son office de juge de l'exécution ; que, par suite, Mme X est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions aux fins d'injonction ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur lesdites conclusions ;
Sur les conclusions à fin d'injonction présentées devant le tribunal administratif :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 1131-4 du code de la santé publique : La conservation et la transformation d'éléments et produits du corps humain, incluant la constitution et l'utilisation de collections d'échantillons biologiques humains à des fins de recherche génétique, sont régies par les dispositions des articles L. 1243-3 et L. 1243-4. ; qu'aux termes de l'article L. 1243-3 du code de la santé publique : Tout organisme qui en a fait la déclaration préalable auprès du ministre chargé de la recherche peut, pour les besoins de ses propres programmes de recherche, assurer la conservation et la préparation à des fins scientifiques de tissus et de cellules issus du corps humain ainsi que la préparation et la conservation des organes, du sang, de ses composants et de ses produits dérivés. Ces activités incluent la constitution et l'utilisation de collections d'échantillons biologiques humains. Lorsque l'organisme est un établissement de santé, la déclaration est faite conjointement au ministre chargé de la recherche et au directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation territorialement compétent. / (....) Les organismes mentionnés au premier alinéa ne peuvent céder les tissus et cellules du corps humain qu'ils conservent ou préparent qu'à un autre établissement ou organisme qui a lui-même déclaré des activités similaires. ; qu'aux termes de l'article L. 1245-2 du même code : Les tissus, les cellules et les produits du corps humain, prélevés à l'occasion d'une intervention chirurgicale pratiquée dans l'intérêt de la personne opérée, ainsi que le placenta peuvent être utilisés à des fins thérapeutiques ou scientifiques, sauf opposition exprimée par elle après qu'elle a été informée des finalités de cette utilisation. (...) Les tissus, les cellules, les produits du corps humain et le placenta ainsi prélevés sont soumis aux dispositions du titre Ier, à l'exception du premier alinéa de l'article L. 1211-2, et à celles du chapitre III du présent titre. ; qu'aux termes, enfin, de l'article L. 1111-7 du même code : Toute personne a accès à l'ensemble des informations concernant sa santé détenues, à quelque titre que ce soit, par des professionnels et établissements de santé, qui sont formalisées ou ont fait l'objet d'échanges écrits entre professionnels de santé, notamment des résultats d'examen, comptes rendus de consultation, d'intervention, d'exploration ou d'hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en oeuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé, à l'exception des informations mentionnant qu'elles ont été recueillies auprès de tiers n'intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers. ;
Considérant qu'aux termes de l'article 16-11 du code civil : L'identification d'une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée que dans le cadre de mesures d'enquête ou d'instruction diligentée lors d'une procédure judiciaire ou à des fins médicales ou de recherche scientifique ou d'identification d'un militaire décédé à l'occasion d'une opération conduite par les forces armées ou les formations rattachées./ En matière civile, cette identification ne peut être recherchée qu'en exécution d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge saisi d'une action tendant soit à l'établissement ou la contestation d'un lien de filiation, soit à l'obtention ou la suppression de subsides. Le consentement de l'intéressé doit être préalablement et expressément recueilli. Sauf accord exprès de la personne manifesté de son vivant, aucune identification par empreintes génétiques ne peut être réalisée après sa mort./ Lorsque l'identification est effectuée à des fins médicales ou de recherche scientifique, le consentement exprès de la personne doit être recueilli par écrit préalablement à la réalisation de l'identification, après qu'elle a été dûment informée de sa nature et de sa finalité. Le consentement mentionne la finalité de l'identification. Il est révocable sans forme et à tout moment. ;
Considérant que les demandes présentées par Mme X s'analysent comme tendant à la restitution définitive ou au prêt par l'AP-HP de produits du corps de M. Y, prélevés quelques années auparavant sur lui à des fins thérapeutiques et conservés, par la suite, dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article L. 1243-3 du code de la santé publique ; que cette remise a pour objet de permettre ultérieurement à l'expert mandaté par Mme X de procéder à l'examen des caractéristiques génétiques de M. Y ou à son identification par empreintes génétiques ;
Mais considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 1243-3 et L. 1245-2 du code de la santé publique que les tissus, cellules et produits du corps humain prélevés lors d'examens médicaux et d'interventions chirurgicales ne peuvent, sous réserve des dispositions de l'article 16-11 du code civil, être remis, à titre gratuit ou onéreux, qu'à l'un des organismes prévus par l'article L. 1243-3 du code précité et ce, à la condition que l'objet de cette remise soit thérapeutique ou scientifique ; qu'il est constant que la demande de Mme X n'est pas conforme à ces dispositions ;
Considérant, d'autre part, que Mme X ne peut invoquer utilement, à l'appui de sa demande, les dispositions précitées de l'article 16-11 du code civil ; que si, en effet, le Tribunal pour enfants de Catane, dans son jugement du 12 novembre 2003, a ordonné une expertise médico-légale tendant à l'établissement du lien de filiation entre M. Y et le jeune Z, cette expertise a été confiée à des experts judiciaires et non à l'expert choisi par Mme X ; qu'ainsi, la demande de Mme X ne peut être regardée comme correspondant à l'exécution d'une mesure d'instruction ordonnée par ce tribunal ;
Considérant, enfin, que les échantillons de matière organique prélevés sur le corps de M. Y en août 2002 à l'hôpital Lariboisière, ne peuvent être regardés comme une des informations formalisées auxquelles la requérante était en droit d'avoir accès sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 1111-7 du code de la santé publique ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'injonction présentées pour Mme X, tendant à la remise du matériel biologique détenu par l'AP-HP, ne sont pas fondées et doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que les dispositions susvisées font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'AP-HP, qui n'est pas pour l'essentiel, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que demande Mme X au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme X tout ou partie de la somme de 1 500 euros réclamée par l'AP-HP au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : L'article 4 du jugement susvisé du Tribunal administratif de Paris en date du
20 juin 2006 est annulé.
Article 2 : Les conclusions à fin d'injonction présentées pour Mme X devant le Tribunal administratif de Paris sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées pour l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 06PA02800