Vu la requête, enregistrée le 11 avril 2006, présentée pour la COMPAGNIE FERMIERE BENJAMIN ET EDMOND DE ROTCHSCHILD, société anonyme dont le siège est 47, rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris (75008), par Me Riquelme; la COMPAGNIE FERMIERE BENJAMIN ET EDMOND DE ROTCHSCI-IILD demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 0202972/5 du 24 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Melun n'a que partiellement fait droit à sa demande en condamnant l'Etat à lui verser une somme de 59 045 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2002 et avec capitalisation des intérêts échus à la date du 6 septembre 2003 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser, outre la somme de 59 045 euros, la somme de 1 269 059 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2002, les intérêts étant eux-mêmes capitalisés à chaque année échue au titre de l'indemnisation de son cheptel abattu en application des mesures de police sanitaire relative à l'encéphalopathie spongiforme bovine ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat à lui verser une somme de 4 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code rural et notamment son article L. 221-2 ;
Vu l'arrêté du 30 mars 2001 fixant les modalités de l'estimation des animaux abattus sur ordre de l'administration ;
Vu l'arrêté du 20 novembre 2001 modifiant l'arrêté du 30 mars 2001 fixant les modalités de l'estimation des animaux abattus sur ordre de l'administration ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 novembre 2009 :
- le rapport de M. Piot, rapporteur,
- les conclusions de Mme Dely, rapporteur public,
- et les observations de Me Riquelme pour la COMPAGNIE FERMIERE BENJAMIN ET EDMOND DE ROTCHSCFIILD ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué:
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 30 mars 2001 fixant les modalités de l'estimation des animaux abattus sur ordre de l'administration, modifié par l'arrêté du 20 novembre 2001 : Lorsqu'un troupeau fait l'objet d'un abattage total sur ordre de l'administration dans le cadre des dispositions prises pour l'application des articles
L. 221-1 ou L. 223-8 du code rural, les animaux abattus et faisant l'objet d'une indemnisation en application de l'article L. 22 l-2 du code rural sont estimés aux frais de 1'administration par deux experts sur la base de leur valeur de remplacement. La valeur de remplacement inclut la valeur marchande objective de chaque animal considéré et les frais directement liés au renouvellement du cheptel... ; qu'aux termes de l'article 3 : Le propriétaire des animaux qui doivent être abattus conformément aux dispositions de l'article 1er choisit un expert de chaque catégorie, l'un sur la liste du département d'implantation de l'élevage, l'autre sur la liste d'un département limitrophe / ... En cas de refus par l'éleveur de choisir des experts, le directeur des services vétérinaires y procède d'office (...) ; qu'aux termes de l'article 4 : L'expertise (...) donne lieu à un rapport écrit (...) identifiant chaque animal ou groupe d'animaux et motivant leur estimation (...) ; qu'aux termes de l'article 5 Lorsque le montant de l'expertise visée à l'article 4 est supérieur au montant de base, tel que défini en annexe en moyenne par catégorie d'animaux, le rapport doit détailler les raisons de cette majoration, notamment au regard des caractéristiques et des performances du troupeau. Lorsque, à titre exceptionnel, ce montant dépasse le montant majoré tel que défini en annexe en moyenne par catégorie d'animaux, et dans l'hypothèse où des examens complémentaires justifient le dépassement du montant majoré, ou s'il l'estime nécessaire, le directeur des services vétérinaires fait procéder à une nouvelle expertise dans les conditions prévues aux articles 3 et 4, par deux experts choisis par ses soins sur les listes prévues à l'article 2 ou, en dehors de ces listes, après avis de la directrice générale de l'alimentation ; qu'enfin, aux termes de l'article 6 du même arrêté: Le préfet arrête le montant définitif de l'estimation et le notifie au propriétaire des animaux. Si, à titre très exceptionnel, ce montant dépasse le montant majoré tel que défini en annexe en moyenne par catégorie d'animaux, le préfet arrête le montant définitif de l'indemnisation après avis conforme de la directrice générale de l'alimentation et au vu du rapport des experts et des justificatifs des éléments visés à l'article 5 ;
Considérant que par un arrêté en date du 1er février 2002 portant déclaration d'infection d'une exploitation par l'encéphalopathie spongiforme bovine dite maladie de la vache folle le préfet de Seine-et-Marne a ordonné, en application des mesures de police sanitaire relative à l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'abattage de l'ensemble du cheptel bovin de la COMPAGNIE FERMIERE BENJAMIN ET EDMOND DE ROTHSCHILD ; que ledit préfet a, le 26 mars 2002, accordé à son propriétaire, à titre d'indemnisation, la somme de 1 205 947 euros ; que la Compagnie concernée a, le 13 mai 2002, contesté ce montant et sollicité le versement d'une somme de 2 534 051 euros, supérieur à celui fixé à 2 489 378 euros par le rapport en date du 14 mars 2002 des deux experts désignés en application des dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 30 mars 2001 précité ; que, par un jugement en date du 24 janvier 2006, le Tribunal administratif de Melun a partiellement fait doit à sa demande en condamnant l'Etat à lui verser une somme de 59 045 euros ; qu'elle demande à la cour de réformer ledit jugement et de lui allouer une somme complémentaire de 1 269 059 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2002 et avec capitalisation chaque année échue ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les experts désignés ont fixé la valeur de remplacement du cheptel de la requérante à un montant de 983 010 euros ; que si le préfet n'était pas tenu, en vertu des dispositions précitées, d'accorder le montant ainsi fixé, sa décision doit être fondée sur des motifs de nature à établir l'exagération de l'évaluation effectuée par les experts ; qu'en l'espèce, l'administration ne justifie toutefois, ni dans la motivation de sa décision, ni devant le tribunal administratif, la réfaction opérée sur ledit montant d'une somme de 8 302 euros ; que, par suite, la requérante est fondée à demander le versement du solde de l'indemnité fixée par le rapport d'expertise, correspondant à ladite somme ;
Considérant, que, contrairement à ce que soutient l'administration, il résulte de l'instruction et notamment du rapport desdits experts que cinq animaux précisément identifiés ont des caractéristiques exceptionnelles ; que lesdits experts chiffrent la plus-value en résultant à la somme de 3 756 euros ; que, par suite, la requérante est fondée à demander le versement de ladite somme ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et du même rapport d'expertise que trois vaches de réforme qui faisaient partie du troupeau au moment de la décision d'abattage ont été saisies à l'abattoir ; que cette seule circonstance est sans incidence sur le montant de l'indemnisation due à la requérante dès lors qu'elles ont été abattues en application de la décision préfectorale ; que lesdits experts chiffrent cette perte à la somme de 2 400 euros ; que, par suite, la requérante est fondée à demander le versement de ladite somme ;
Considérant que si la requérante demande l'indemnisation de la valeur des animaux nés après le 1er janvier 2002, il résulte de l'instruction que ces animaux n'ont pas été concernés par l'abattage; que la circonstance qu'ils auraient été difficilement commercialisables ne constitue pas la cause d'un préjudice pouvant faire l'objet d'une indemnisation au titre de l'article
L. 221-2 du code rural ni au regard du droit de recevoir une juste et préalable indemnité en cas de dépossession garanti par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, concernant la perte d'un bien, dès lors qu' il n'y a pas de dépossession ; que le préjudice allégué tenant à la difficulté de commercialisation desdits animaux n'est, au surplus, qu'éventuel ;
Considérant que les frais liés à la nourriture des génisses avant vêlage ne peuvent être regardés comme constituant une conséquence directe du renouvellement du cheptel ; que, par suite, ils ne peuvent pas faire l'objet d'une indemnisation par application des dispositions de l'article L 22l-2 et de l'arrêté du 20 novembre 2001 susvisés ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le calcul des pertes de production de lait a été effectué sur la base de la note de service du 17 avril 2001 prise en application de l'arrêté du 30 mars 2001 qui, dans son article 2.2.1.2, définit les frais directement liés au renouvellement des animaux ; que cette indemnisation couvre les pertes de production de lait liées au renouvellement du cheptel ; que, par suite, et alors même qu'à l'expiration d'une période de trois ans la production laitière n'aurait pas encore atteint le niveau produit avant l'abattage du troupeau, la requérante n'est pas fondée à demander une indemnisation complémentaire de ce chef de préjudice ;
Considérant que les préjudices dont la requérante demande réparation résultant de la perte des stocks de fromages de Brie en cave et de la nécessité de renforcer son action commerciale auprès des distributeurs et des consommateurs ne sont pas liés à l'abattage du cheptel mais à la présence d'un cas d'encéphalopathie spongiforme bovine au sein de l'élevage; qu'ainsi, la requérante ne peut prétendre à leur indemnisation en application de l'article L. 221-2 précité ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport des experts désignés que l'indemnité forfaitaire de 305 euros prévue pour couvrir les frais de désinfection est nettement insuffisante compte tenu de la très grande surface de bâtiments ; que lesdits experts ont estimé les frais dont s'agit à la somme de 1 600 euros ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par la requérante à ce titre en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 800 euros complémentaire demandée ;
Considérant que s'agissant des frais sanitaires à l'introduction, le paragraphe 2.2.1.2 de la note de service du 28 novembre 2001 prévoit leur indemnisation ; qu'une somme de 28 980 euros a été retenue à ce titre par les experts désignés ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par la requérante en condamnant l'Etat à lui verser 28 980 euros ;
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par la COMPAGNIE FERMIERE BENJAMIN ET EDMOND DE ROTCHSCHILD en le portant à la somme 103 283 euros ; que, par suite, la COMPAGNIE FERMIERE BENJAMIN ET EDMOND DE ROTCHSCHILD est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun n'a que partiellement fait droit à sa demande en condamnant l'État à lui verser une indemnité de 59 045 euros ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
Considérant que la COMPAGNIE FERMIERE BENJAMIN ET EDMOND DE ROTHSCHILD a droit aux intérêts de la somme de 103 283 euros à compter du 15 mai 2002 ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 6 septembre 2003 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts, que la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1du code de justice administrative:
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la COMPAGNIE FERMIERE BENJAMIN ET EDMOND DE ROTCHSCHILD et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er: La somme de 59 045 euros que l'Etat a été condamné à verser à la COMPAGNIE FERMIERE BENJAMIN ET EDMOND DE ROTCHSCHILD par le jugement susvisé du Tribunal administratif de Melun en date du 24 janvier 2006 est portée à la somme de 103 283 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2002. Les intérêts échus à la date du 6 septembre 2003, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Melun en date du 24 janvier 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à COMPAGNIE FERMIERE BENJAMIN ET EDMOND DE ROTCHSCHILD au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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N° 06PA01301