Vu la requête, enregistrée le 11 mars 2009, présentée pour M. Habib A demeurant chez ... par Me Gassoch-Dujoncquoy ; M. A demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0815631 du 2 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 septembre 2008 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;
2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale , sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
Vu la loi du 11 juillet 1979 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mars 2010 :
- le rapport de M. Magnard, rapporteur,
- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public ;
Considérant que M. A, de nationalité tunisienne, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que ce renouvellement de titre de séjour a été refusé par arrêté du 5 septembre 2008 du préfet de police, qui lui fait également obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de destination d'une éventuelle reconduite d'office à la frontière ; que M. A relève appel devant la cour du jugement du 2 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation dudit arrêté ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin inspecteur ou le médecin chef peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin inspecteur départemental de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé et, à Paris, par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. Quand la commission médicale régionale a été saisie dans les conditions prévues à l'article R. 313-26, l'avis mentionne cette saisine. (...) ; que l'arrêté du 8 juillet 1999 pris pour l'application de ces dispositions impose au médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales ou, à Paris, au médecin chef du service médical de la préfecture de police, d'émettre un avis, pris sur le fondement d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié dans son pays ;
Considérant, d'une part, que, pour rejeter la demande de renouvellement de son titre de séjour présentée par M. A, le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis émis le 22 mai 2008 par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police, qui a estimé que, si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale de longue durée dont le défaut serait susceptible d'entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, M. A peut toutefois effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, ce faisant, ledit médecin, chef du service médical de la préfecture de police, auquel le secret médical interdisait de révéler des informations sur la pathologie de l'intéressé et la nature de ses traitements médicaux, fût-ce en portant une appréciation sur l'état du système de soins dans le pays d'origine et nonobstant la circonstance qu'il ait rendu précédemment des avis contraires, a suffisamment motivé son avis ;
Considérant, d'autre part, qu'il ne ressort ni des mentions de l'arrêté préfectoral contesté ni des pièces du dossier que le préfet de police se serait estimé lié par l'avis susvisé du médecin, chef du service médical de la préfecture de police ; que les mentions dudit arrêté, qui expose les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et s'avère ainsi suffisamment motivé, font au contraire ressortir que le préfet de police s'est livré à un examen d'ensemble de la situation personnelle et familiale de M. A ;
Considérant, enfin, qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que l'état de santé de M. A nécessite une prise en charge médicale dont le défaut serait susceptible d'avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, toutefois, si l'intéressé soutient qu'il ne pourrait bénéficier en Tunisie d'une prise en charge adaptée à sa situation, les médecins psychiatres y étant rares et n'étant pas spécialisés dans sa pathologie, ces affirmations ne sont étayées d'aucune précision non plus que d'une quelconque production susceptible d'en établir le bien-fondé ; que, s'il ressort du certificat établi le 12 mars 2008 par le Dr Nuss, praticien hospitalier, que le traitement médicamenteux et psychologique ainsi que les soins nécessaires à M. A ne peuvent être prodigués qu'en France compte tenu de leur caractère culturellement et religieusement transgressif, ces affirmations restent insuffisantes pour remettre en cause le bien-fondé de l'avis émis le 22 mai 2008 par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police ; que le dernier certificat du Dr Nuss, établi le 17 septembre 2008, soit postérieurement à l'arrêté préfectoral contesté, ne permet pas de modifier cette analyse ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de renouveler son titre de séjour, le préfet de police a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 susvisé ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié : Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) / 7º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ;
Considérant que si M. A soutient qu'il est présent en France depuis l'année 1990, qu'il travaille et qu'il a ainsi fixé en France ses intérêts privés, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il ne justifie pas de la continuité de son séjour au cours de l'ensemble de la période ; que, célibataire et sans charge de famille en France, il n'est pas démuni d'attaches en Tunisie où demeurent son frère et sa soeur ; qu'ainsi, nonobstant le contrat de travail dont il est titulaire et eu égard aux buts en vue desquels la mesure a été prise, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de renouveler son titre de séjour, le préfet de police a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'il suit de là que l'arrêté préfectoral en litige n'a pas été pris en méconnaissance des stipulations conventionnelles et dispositions légales susvisées ;
Considérant, en troisième lieu, que M. A a sollicité auprès du préfet de police le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le préfet de police a, en refusant de faire droit à sa demande, méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou celles de l'article L. 313-10 du même texte, dont il n'a pas sollicité le bénéfice ;
Considérant, en quatrième lieu, que si, aux termes des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la commission du titre de séjour est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) , il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues notamment à l'article L. 313-11 auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; qu'il résulte de ce qui précède que, M. A n'étant pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour en application de l'article L. 313-11 précité, le préfet de police n'était pas tenu, en application de l'article L. 312-2, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande et que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté ;
Considérant, en cinquième lieu, que, si M. A soutient que la mesure d'éloignement prise à son encontre méconnaîtrait les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il résulte des termes mêmes de cet article que le principe de non-discrimination qu'il édicte ne concerne que la jouissance des droits et libertés reconnus par ladite convention et par ses protocoles additionnels et qu'ainsi, faute pour l'intéressé de préciser le droit ou la liberté dont la jouissance serait affectée par la discrimination alléguée, un tel moyen ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi (...) et qu'aux termes de l'article 3 de la même convention : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; que, si ces stipulations restent inopérantes lorsqu'elles sont dirigées à l'encontre d'une décision de refus de séjour ou d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, lesquelles ne fixent en elles-mêmes aucun pays de destination, elles peuvent en revanche être utilement invoquées à l'encontre de la décision, distincte des précédentes, fixant le pays de destination d'une éventuelle reconduite d'office à la frontière ;
Considérant que, si M. A soutient qu'en fixant la Tunisie comme pays de destination d'une éventuelle reconduite d'office à la frontière, le préfet de police a, eu égard à l'évolution de son état de santé, méconnu les stipulations susvisées des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit précédemment, que l'intéressé ne serait pas susceptible de bénéficier dans ce pays de la prise en charge médicale rendue nécessaire par son état de santé, dont aucune aggravation particulière n'est par ailleurs soulignée ; que, par suite et en l'absence de tout élément complémentaire, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations susvisées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Habib A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet de police.
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N° 09PA01360