Vu la requête, enregistrée le 30 mars 2009, présentée pour la SOCIETE FAUNA et FILM, prise en la personne de son gérant en exercice, ayant son siège social 12 route du Lunain "Le Luat" à Villemer (77250), par Me Quatravaux ; la SOCIETE FAUNA et FILM demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0601489/2 du 26 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus qui lui a été opposé le 17 août 2004 par la direction régionale de l'environnement d'Ile-de-France à sa demande du 4 août 2004 d'autorisation de transport en Grande-Bretagne d'un faucon " Gerfaut " pour les besoins de tournage d'un film ;
2°) de condamner l'Etat à l'indemniser du préjudice en résultant directement, pour un montant de 7 783, 32 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, ouverte à la signature à Washington le 3 mars 1973, ci-après dénommée " convention CITES " ;
Vu le règlement (CEE) n° 338/97 du conseil des communautés européennes du 9 décembre 1996, relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce ;
Vu le règlement (CEE) n° 1808/21 de la commission du 30 août 2001 portant modalités d'application du règlement n° 338/97 susvisé ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu les arrêtés du 17 avril 1981 modifié fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire, et du 10 août 2004 n° 224 et n° 228 parus au Journal officiel de la République française, respectivement les 25 et 30 septembre 2004 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mai 2010 :
- le rapport de M. Privesse, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Seulin, rapporteur public ;
Considérant que, par une décision en date du 17 août 2004, la direction régionale de l'environnement d'Ile-de-France a refusé à la SOCIETE FAUNA et FILM requérante, l'autorisation demandée le 4 août précédent, de circulation dans la communauté d'un spécimen de type faucon " Gerfaut ", inscrit à l'annexe A du règlement CE n° 338/97 du 9 décembre 1996 modifié susvisé, transcrivant la convention dite CITES susvisée ; que la société requérante relève appel du jugement en date du 26 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté son recours tendant principalement à la réparation du préjudice que lui a causé le refus de délivrance du certificat intercommunautaire de circulation susmentionné ;
Sur la légalité de la décision du 17 août 2004 et le principe de la responsabilité :
Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article 2 de la convention internationale du 3 mars 1973 précitée : " 1. L'Annexe I comprend toutes les espèces menacées d'extinction qui sont ou pourraient être affectées par le commerce. Le commerce des spécimens de ces espèces doit être soumis à une réglementation particulièrement stricte afin de ne pas mettre davantage leur survie en danger, et ne doit être autorisé que dans des conditions exceptionnelles.(...) " ;
Considérant d'autre part, qu'aux termes des articles 2 et 3 du règlement communautaire modifié 338/97 du 9 décembre 1996 du conseil précité : article 2 " - définitions - aux fins du présent règlement, on entend par : ..... p) " vente " : toute forme de vente. Aux fins du présent règlement, la location, le troc ou l'échange seront assimilées à la vente " ; article 3 " 1. Figurent à l'annexe A : a) les espèces inscrites à l'annexe I de la convention [de Washington] pour lesquelles les États membres n'ont pas émis de réserve ; b) toute espèce : i) qui fait ou peut faire l'objet d'une demande dans la Communauté ou pour le commerce international et qui est soit menacée d'extinction, soit si rare que tout commerce, même d'un volume minime, compromettrait la survie de l'espèce / ou ii) appartenant à un genre dont la plupart des espèces, ou constituant une espèce dont la plupart des sous-espèces, sont inscrites à l'annexe A en vertu des critères établis aux points a) ou b) i) et dont l'inscription à l'annexe est essentielle pour assurer une protection efficace de ces taxons (...) " ; que l'annexe 1 du règlement (CE) n° 1808/2001 susvisé précise que le code-source F est attribué aux " animaux nés en captivité mais pour lesquels les critères du chapitre III du règlement (CE) n° 1808/2001 ne sont pas satisfaits ... " ;
Considérant que la SOCIETE FAUNA et FILM a acquis le 4 juillet 1998, quatre spécimens de faucons " gerfaut ", importés des Etats-Unis vers la France, et notamment le spécimen bagué RX080575, espèce protégée inscrite à l'annexe I de la convention CITES et figurant à l'annexe A du règlement 338/97 du 9 décembre 1996 susvisé, et figurant à l'article 2 et à titre permanent de l'arrêté du 17 avril 1981 susvisé, sous l'appellation faucon gerfaut dit Falco rusticolus ; que les autorités américaines ont attribué à ce spécimen le code source F sur le permis d'exportation, ce même code ayant été repris sur le permis d'importation français
n° IEX 3014 en date du 4 juillet 1998 ; que l'oiseau ainsi référencé a fait l'objet d'une première demande d'autorisation de transport vers la République Tchèque pour les besoins du tournage de la première partie d'un film dans cet État, faisant alors son entrée dans la Communauté puis l'Union européenne ; qu'une autorisation a été accordée le 23 juin 2004 au titre d'un objet lié à l'éducation ; que par la suite, une seconde demande de certificat intracommunautaire de circulation a été présentée le 5 août 2004 à destination du Royaume-Uni, également dans le but du tournage de la seconde partie du même film, le faucon bagué RX080575 devant ainsi faire l'objet d'une location, et y étant accompagné d'un dresseur et d'un assistant ; que cette seconde demande s'est heurtée au refus litigieux du 17 août 2004 à l'origine du préjudice dont l'indemnisation est ici demandée ;
Considérant en premier lieu, que les derniers articles des deux règlements susvisés n° 338/97 et n° 1808/21 respectivement du conseil et de la commission des communautés européennes des 9 décembre 1996 et 30 août 2001, relatifs à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce, portent la mention suivant laquelle ils sont obligatoires dans tous leurs éléments et directement applicables dans tout État membre ; qu'il en résulte que l'arrêté susvisé du 17 avril 1981, pris en application de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, devait être à tout le moins complété à l'époque des faits, s'agissant de dispositions notamment dérogatoires introduites par les règlements susmentionnés ;
Considérant en deuxième lieu, qu'il résulte des écritures en défense, que l'administration dans son examen de l'affaire, ne s'est pas prononcée sur le fondement de l'article 9 du règlement n° 338/97, mais sur celui de son article 8 qui prévoit : " 1. Il est interdit d'acheter, ... d'exposer à des fins commerciales, d'utiliser dans un but lucratif ... de mettre en vente ou de transporter pour la vente des spécimens d'espèces inscrites à l'annexe A ... 3. Conformément aux exigences des autres actes législatifs communautaires relatifs à la conservation de la faune et de la flore sauvages, il peut être dérogé aux interdictions prévues au paragraphe 1 à condition d'obtenir de l'organe de gestion de l'État membre dans lequel les spécimens se trouvent, un certificat à cet effet délivré cas par cas, lorsque les spécimens : ... c) ont été introduit dans la Communauté conformément aux dispositions du présent règlement et sont destinés à être utilisés à des fins ne nuisant pas à la survie de l'espèce concernée " ; qu'il en résulte une interdiction de principe, en ce qui concerne les spécimens d'espèces telles que celle concernée par le présent litige ; que toutefois, cette même décision mentionne la finalité de la demande présentée par la société requérante, à savoir le tournage du film " d'Artagnan ", dont l'administration doit dès lors être réputée avoir eue pleinement connaissance, ainsi que le motif suivant lequel " le thème [dudit film] n'est pas axé sur l'intérêt pédagogique ou scientifique de l'espèce ;
Considérant en troisième lieu, qu'à supposer même que le faucon bagué RX080575 ait pu, au vu de textes internationaux, être soumis à un régime identique à celui d'une espèce appartenant à l'annexe II de la convention CITES ou à l'annexe B du règlement communautaire susmentionné, et nonobstant la circonstance qu'une mesure nationale ultérieure du 24 mars 2006, non applicable au présent litige, ait prévue que l'interdiction dont s'agit ne s'applique pas aux spécimens nés et élevés en captivité, il ressort en tous les cas des termes susmentionnés du règlement n° 338/97, que l'administration, qui connaissait le motif de la demande, était en droit d'examiner la possibilité d'une dérogation ; que le motif de rejet susmentionné, relevant du g), ou du e) du règlement démontre cet examen par l'administration ; que cependant, celle-ci n'a pas examiné, ainsi que le note la société requérante dans ses conclusions, notamment le cas prévu au c) dudit règlement dont les termes sont rappelés ci-dessus ; que ce faisant, le directeur régional de l'environnement d'Ile-de-France a commis une erreur de droit ; que par suite, la décision litigieuse du 17 août 2004 doit être annulée, sur un autre fondement que celui retenu par les premiers juges ;
Considérant en quatrième lieu, qu'en toute hypothèse, dans les circonstances et conditions précédemment évoquées, il n'est pas établi ni même relevé que le motif de la demande pouvait nuire d'une manière ou d'une autre à la survie de l'espèce concernée, selon la dérogation relevant du c) de l'article 8 du règlement susmentionné ; qu'il en résulte que la SOCIETE FAUNA et FILM, qui invoque le préjudice qui lui a été causé du fait de ce refus par le défaut de prestation à fournir pour le tournage du film dans la mesure où le dressage et l'entretien de l'animal doivent s'effectuer quotidiennement par le propriétaire de celui-ci, peut demander réparation de tout ou partie du préjudice subi ; que dès lors, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué ;
Sur les préjudices
Considérant que la société FAUNA et FILM, pour établir son préjudice, présente un " devis financier " en date du 13 juin 2004, relatif à la location de l'animal en question pour le tournage du film en Grande-Bretagne, d'un montant hors taxes de 7 783,32 euros ; que dans ce devis, sont uniquement à retenir les frais de préparation et d'entraînement de l'animal pour un montant de 2 290 euros, exposés en pure perte par la société requérante, ainsi que la perte des deux jours de location de l'animal, facturés 1 200 euros, dont le montant n'est pas contesté en défense ; qu'en revanche, ladite société ne saurait prétendre au remboursement par l'Etat de frais de document administratif, alors que les formalités d'obtention d'un tel document ne donnent lieu à la perception d'aucun droit, ou de frais de transport et de charges salariales qu'elle n'a pas eu à exposer compte tenu du refus d'exportation de l'animal litigieux ; qu'ainsi, le préjudice indemnisable s'établit à la somme de 3 490 euros hors taxes ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, le versement d'une somme de 1 000 euros à la SOCIETE FAUNA et FILM conformément aux dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 0601489/2 du 26 décembre 2008 du Tribunal administratif de Melun, et la décision opposée le 17 août 2004 à la SOCIETE FAUNA et FILM par la direction régionale de l'environnement d'Ile-de-France à sa demande du 4 août 2004, sont annulés.
Article 2 : L'Etat est condamné à payer à la SOCIETE FAUNA et FILM la somme de 3 490 (trois mille quatre cent quatre vingt dix) euros hors taxes au titre du préjudice subi du fait de la décision du 17 août 2004.
Article 3 : L'Etat versera à la SOCIETE FAUNA et FILM une somme de 1 000 (mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par la SOCIETE FAUNA et FILM est rejeté.
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N° 09PA01835