Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2009 et le mémoire complémentaire enregistré le 5 décembre 2009, présentés pour M. Mohamed A, demeurant ... ; par Me Rodrigue-Moriconi ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 0812789/12 du 13 février 2009 par laquelle le Vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 mars 2008 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France a refusé de lui attribuer la carte de combattant ;
2°) d'annuler la décision n° 2008-1414 du 10 mars 2008 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la région Ile-de-France de lui délivrer la carte de combattant sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat (préfet de la région Ile-de-France) une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles son conseil renonçant au bénéfice de l'aide juridictionnelle prévue à l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris, en date du 23 juillet 2009, accordant au requérant le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans le cadre de la présente instance, à la suite de sa demande du 1er avril 2009 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2010 ;
- le rapport de M. Dewailly, rapporteur,
- les conclusions de Mme Dely, rapporteur public ;
Considérant que M. A, de nationalité algérienne, fait appel de l'ordonnance du Tribunal administratif de Paris du 13 février 2009 rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet de la région d'Ile-de-France lui a refusé la qualité de combattant ;
Sur la régularité de l'ordonnance :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du Tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant qu'à l'appui de sa requête devant le tribunal administratif de Paris et pour contester la décision refusant de lui reconnaître la qualité de combattant, M. A, qui a produit une attestation des services militaires accomplis, soutenait qu'il avait servi en qualité de harki, entre les 1er septembre 1958 et 31 décembre 1960 ; qu'il devait donc être regardé comme ayant été présent en Afrique du Nord pendant au minimum 120 jours et devait, en application de la dérogation prévue à l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, bénéficier de la carte de combattant ; que, par suite, c'est à tort que le vice président du tribunal administratif a rejeté, sans instruction, la requête de l'intéressé par une ordonnance prise en application du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 253 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : Il est créé une carte de combattant qui est attribuée dans les conditions fixées aux articles R. 223 à R. 235. ; qu'aux termes de l'article R. 223 du même code : La carte du combattant prévue à l'article L. 253 est attribuée à toutes les personnes qui justifient de la qualité de combattant dans les conditions déterminées par les articles R. 224 à R. 229 ; qu'aux termes de l'article R. 224 du même code : Sont considérés comme combattants (...) D - Pour les opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 inclus : [...] c) En Algérie, à compter du 31 octobre 1954. I. - Sont considérés comme des combattants les militaires des armées françaises et les membres des forces supplétives françaises : 1° Qui ont appartenu pendant trois mois, consécutifs ou non, à une unité combattante ou à une formation entrant dans l'une des catégories énumérées par l'arrêté interministériel prévu au troisième alinéa de l'article L. 253 bis et assimilée à une unité combattante ; Pour le calcul de la durée d'appartenance, les services accomplis au titre d'opérations antérieures se cumulent entre eux et avec ceux des opérations d'Afrique du Nord ; Des bonifications afférentes à des situations personnelles résultant du contrat d'engagement sont accordées pour une durée ne pouvant excéder dix jours, suivant les modalités d'application fixées par arrêtés des ministres intéressés ; [...] ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 253 bis du code précité : Ont vocation à la qualité de combattant et à l'attribution de la carte du combattant, selon les principes retenus pour l'application du présent titre et des textes réglementaires qui le complètent, sous la seule réserve des adaptations qui pourraient être rendues nécessaires par le caractère spécifique de la guerre d'Algérie ou des combats en Tunisie et au Maroc entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 : [...] Les membres des forces supplétives françaises possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande ou domiciliés en France à la même date [...]. Une commission d'experts, comportant notamment des représentants des intéressés, est chargée de déterminer les modalités selon lesquelles la qualité de combattant peut, en outre, être reconnue, par dérogation aux principes visés à l'alinéa précédent, aux personnes ayant pris part à cinq actions de feu ou de combat ou dont l'unité aura connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat. [...] Une durée des services d'au moins quatre mois dans l'un ou l'autre ou dans plusieurs des pays mentionnés au premier alinéa est reconnue équivalente à la participation aux actions de feu ou de combat exigée au cinquième alinéa. ;
Considérant que M. A allègue, sans être contredit, avoir servi, en qualité de membre des forces supplétives, entre les 1er septembre 1958 et 31 décembre 1960 et avoir droit à l'attribution de la carte de combattant ; qu'il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 253 bis et R. 224 du code précité que ces services, accomplis dans une harka, pour une durée supérieure à quatre mois, comme en l'espèce, doit être reconnue comme équivalente à la participation aux actions de feu ou de combat et ainsi comme un service accompli en unité combattante lui permettant de prétendre à la carte de combattant ;
Considérant par ailleurs qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations précitées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique, ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ;
Considérant qu'il ressort des termes mêmes de l'article L. 253 bis précité que la carte de combattant n'est accordée qu'à ceux des demandeurs possédant la nationalité française à la date de la présentation de celle-ci ou domiciliés en France à la même date ; que quelle qu'ait pu être l'intention initiale du législateur dans les travaux préparatoires de ces dispositions, cet article crée une différence de traitement entre les anciens combattants en fonction de leur seule nationalité ou domiciliation ; que la différence de situation existant entre anciens combattants, selon qu'ils ont la nationalité française ou sont ressortissants d'Etats devenus indépendants, ou selon que leur domicile est installé en France ou dans un autre Etat ne justifie pas, eu égard à l'objet de la reconnaissance de la qualité de combattant par l'attribution de cette carte, une différence de traitement ; que si les dispositions précitées avaient notamment pour objectif de tirer les conséquences de l'indépendance de l'Algérie, la différence de traitement qu'elles créent, entre les titulaires de la carte de combattant, en raison de leur seule nationalité ou domiciliation, ne peut être regardée comme reposant sur un critère en rapport avec cet objectif ; que, ces dispositions étant, de ce fait, incompatibles avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elles ne pouvaient justifier, pour la période en cause, le refus opposé par le préfet de la région Ile-de-France à la demande présentée par M. A en vue de la délivrance de la carte de combattant ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander dans cette mesure l'annulation de la décision du n° 2008-1414 du 10 mars 2008 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à l'obtention de la carte de combattant ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, de délivrer à M. A la carte de combattant dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt ;
Sur les conclusions au titre des frais irrépétibles :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat (ministre de la défense) à verser à Me Rodrigue-Moriconi, une somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles à charge pour cette dernière de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance du 13 février 2009 est annulée.
Article 2 : La décision du préfet de région, préfet de Paris en date du 10 mars 2008 est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris de délivrer à M. A la carte de combattant dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Le préfet tiendra le greffe de la cour (service de l'exécution) immédiatement informé des dispositions prises pour répondre à cette injonction.
Article 4 : L'Etat (ministre de la défense) est condamné à verser à Me Rodrigue-Moriconi, qui renonce au bénéfice de la part contributive à la mission d'aide juridictionnelle, la somme de huit cents euros.
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N° 09PA02311