Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 novembre 2009 et 24 août 2010, présentés pour M. Kéna ...A, demeurant chez M. ...), par Me Ouelhadj ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 0903170 en date du 4 juin 2009 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 10 novembre 2008 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français ;
2°) d'annuler ledit arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention salarié ou, à défaut de réexaminer sa situation, en lui délivrant pendant ce réexamen un titre de séjour temporaire lui permettant de travailler, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au profit de son avocat, qui renonce à percevoir l'indemnité d'aide juridictionnelle en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991relative à l'aide juridique;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 février 2011 :
- le rapport de M. Piot, rapporteur,
- les conclusions de Mme Descours-Gatin, rapporteur public,
- et les observations de Me Ouelhadj, pour M. A ;
Considérant que M. A, de nationalité malienne, a sollicité le 29 septembre 2008 un titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par un arrêté en date du 10 novembre 2008, le préfet de police a opposé un refus à sa demande de titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ; que M. A fait appel de l'ordonnance en date du 4 juin 2009 par lequel le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation dudit arrêté ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du Tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : [...]7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant que pour contester devant le Tribunal administratif de Paris l'arrêté susvisé fondé notamment sur l'appréciation des conditions prévues par l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. A faisait notamment valoir que l'arrêté était entaché d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors, d'une part, qu'il était titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, signé le 10 août 2008, en qualité de chef d'équipe d'une société de nettoyage, activité qui rencontre de sérieuses difficultés de recrutement en région parisienne, d'autre part, qu'il réside, de manière habituelle et continue, en France depuis huit années au cours desquelles il a exercé différentes activités salariées et, enfin, qu'il justifie être titulaire d'un certificat d'aptitude professionnelle agent d'entreposage et de messagerie et d'un certificat d'aptitude à la conduite en sécurité de chariots automoteurs en manutention à conducteur porté ; que ces circonstances, étayées par de nombreuses pièces versées au dossier, ne pouvaient être regardées, contrairement aux motifs de l'ordonnance attaquée, comme des faits manifestement insusceptibles de venir au soutien des moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet de police au regard l'article L. 313-14 du code précité ; que, dès lors, M. A est fondé à soutenir que l'ordonnance du vice-président du Tribunal administratif de Paris en date du 4 juin 2009 a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative et à en demander l'annulation ; que, par suite, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 du même code : La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2. La carte porte la mention salarié lorsque l'activité est exercée pour une durée supérieure ou égale à douze mois. Elle porte la mention travailleur temporaire lorsque l'activité est exercée pour une durée déterminée inférieure à douze mois. Si la rupture du contrat de travail du fait de l'employeur intervient dans les trois mois précédant le renouvellement de la carte portant la mention salarié, une nouvelle carte lui est délivrée pour une durée d'un an (...) ; qu'aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail, qui s'est substitué à l'article L. 341-2 de ce code : Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ; qu'aux termes enfin de l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse : La situation de l'emploi ou l'absence de recherche préalable de candidats déjà présents sur le marché du travail n'est pas opposable à une demande d'autorisation de travail présentée pour un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse souhaitant exercer une activité professionnelle dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur la liste annexée au présent arrêté ;
Considérant qu'au regard de l'obligation de motiver les refus d'autorisation, imposée par l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979, le préfet doit, s'il estime devoir rejeter une demande de carte de séjour temporaire présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 40 de la loi du 20 novembre 2007, faire connaître les motifs pour lesquels ladite demande est rejetée, en indiquant les faits de l'espèce qu'il retient ou écarte ; qu'à cette fin, le préfet peut relever soit que la demande, faute de tendre à l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisée par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national, laquelle est aujourd'hui annexée à l'arrêté susmentionné du 18 janvier 2008, ne se situe pas dans le champ de l'admission exceptionnelle au séjour ainsi sollicitée, soit que les éléments de la situation personnelle de l'intéressé, qu'il lui appartient de préciser, tels que, par exemple, l'insuffisance de son expérience et de sa qualification professionnelles, l'absence pour lui de perspective réelle d'embauche dans l'une des activités susmentionnées, la faible durée de son séjour en France, font obstacle à ce que sa demande puisse être regardée comme relevant d'un motif exceptionnel ;
Considérant qu'il suit de là qu'en se bornant à indiquer au requérant, qui a présenté à l'appui de sa demande un contrat de travail à durée indéterminée en date du 10 août 2008 en qualité de chef d'équipe ainsi que la lettre de demande d'autorisation d'embauche rédigée par le gérant de la société Maxi Services, la lettre expliquant les motivations du directeur d'exploitation de l'entreprise, un extrait K bis de la société, une attestation Urssaf et le formulaire Cerfa de versement de redevance à l'ANAEM, qu' après un examen approfondi de sa situation, la requête de l'intéressé ne répond ni à des considérations humanitaires ni à des motifs exceptionnels et que M. A ne remplit aucune des conditions prévues à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile , le préfet de police n'a pas satisfait aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 10 novembre 2008 pris à son encontre par le préfet de police ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ;
Considérant qu'à la suite de l'annulation d'une décision de refus de titre de séjour, il incombe à l'autorité administrative, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un refus de titre de séjour et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée ; qu'il y a lieu, en l'espèce, de prescrire au préfet de police de se prononcer sur la situation administrative de M. A dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt ; que, toutefois, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Ouelhadj, avocat de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat, pour le compte de Me Ouelhadj, une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance susvisée du vice-président du Tribunal administratif de Paris en date du 4 juin 2009 et l'arrêté susvisé en date du 10 novembre 2008 du préfet de police sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. A dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Le préfet de police tiendra le greffe de la cour (service de l'exécution) immédiatement informé des dispositions prises pour répondre à cette injonction.
Article 3 : L'Etat versera à Me Ouelhadj, avocat de M. A, une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Ouelhadj renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
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N° 09PA06278