Vu la requête, enregistrée le 2 septembre 2009, présentée pour M. Jean-Christophe A, demeurant résidence ...), par Me Nugue ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0701812/5 du 18 juin 2009 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a limité à 3 000 euros la somme que l'Etat a été condamné à lui verser au titre de la réparation de ses troubles dans les conditions d'existence et qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 48 507,64 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable, ainsi que la capitalisation des intérêts échus à la date d'enregistrement de sa demande auprès du tribunal ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 septembre 2011 :
- le rapport de M. Rousset, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Descours-Gatin, rapporteur public ;
Considérant que M. A a été titularisé comme gardien de la paix le 3 janvier 1993 et affecté au commissariat de police du XVIème arrondissement de Paris ; qu'il a été placé en congé de maladie ordinaire le 30 janvier 1994 puis en congés de longue maladie et de longue durée du 2 novembre 1994 au 1er novembre 1999 pour une névrose anxio phobique consécutive à une agression subie hors service en 1992 ; que par un arrêté du 21 octobre 1999 du préfet de police, il a été mis à la retraite d'office à compter du 2 novembre 1999 pour invalidité non imputable au service ; que par un jugement du 26 avril 2001, confirmé par un arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 26 octobre 2004, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 21 octobre 1999 au motif qu'il ressortait du rapport de l'expert médical désigné par le tribunal que l'intéressé était apte à exercer les fonctions de gardien de la paix et a enjoint au préfet de police de le réintégrer dans ses fonctions ; que M. A a été réintégré et reclassé par un arrêté du 17 août 2001 du préfet de police notifié le 5 septembre 2001 ; qu'il a repris ses fonctions le 13 septembre 2001 au sein de la police urbaine de proximité du XVIème arrondissement de Paris sur un poste sédentaire aménagé ; que par courrier du 25 septembre 2001, il a sollicité le versement d'une indemnité compensant la perte de traitement subie au cours de sa période d'éviction illégale ; qu'il a été placé en congés de maladie ordinaire du 12 novembre 2001 au 29 avril 2002 ; qu'il a présenté les 30 novembre et 14 décembre 2001 sa démission qui a été acceptée le 25 avril 2002 ; qu'une somme de 25 291,76 euros lui a été versée le 13 novembre 2002 au titre de l'indemnisation de la période d'éviction illégale et des intérêts de retard et après compensation avec la somme de 9 069,50 euros qu'il devait rembourser au titre de la pension civile d'invalidité perçue entre les 2 novembre 1999 et 1er septembre 2001 ; que M. A fait appel du jugement du 18 juin 2009 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a limité à 3 000 euros la somme que l'Etat a été condamné à lui verser au titre de la réparation de ses troubles dans les conditions d'existence et a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à l'indemnisation des différents préjudices que lui ont causé sa mise à la retraite illégale et sa réintégration ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Considérant que M. A soutient, en premier lieu, que, contrairement à ce qui a été jugé, l'administration lui a causé un préjudice économique qui n'a pas été intégralement réparé par le versement de l'indemnité d'éviction et qui justifie le versement d'une somme complémentaire de 20 000 euros ; qu'il fait ainsi valoir, d'une part, qu'en le plaçant illégalement à la retraite d'office, le préfet de police l'a privé pendant sa période d'éviction de toute possibilité de trouver un emploi et, d'autre part, que les erreurs dans le calcul de son indemnité d'éviction et le retard dans son versement, intervenu plus d'un an après sa réintégration alors que le remboursement de sa pension d'invalidité lui a été demandé immédiatement, lui ont causé de graves difficultés financières notamment lorsqu'il a dû déménager pour rejoindre son affectation à Paris le 13 septembre 2001 ;
Considérant que M. A est fondé à demander à l'Etat la réparation du préjudice qu'il a réellement subi du fait de son éviction illégale entre le 2 novembre 1999, date de sa mise à la retraite d'office, et le 13 septembre 2001, date de sa réintégration effective ; qu'il résulte de l'instruction que l'administration a versé au requérant le 13 novembre 2002 une somme de 25 291,76 euros représentant, pour la période d'éviction illégale, le montant du traitement net, augmenté de l'indemnité de résidence, de l'indemnité de sujétion spéciale de police, et diminué des salaires perçus sur la période par l'intéressé et de la pension civile d'invalidité versée entre novembre 1999 et septembre 2001 ; que cette somme comprenait également les intérêts dus à compter du 26 avril 2001, date du jugement précité, au 28 octobre 2002, date d'ordonnancement de l'indemnité ; que M. A, qui fait valoir, sans être sérieusement contredit, qu'il n'a pas travaillé aux mois de novembre et décembre 1999 et en 2000, qui a produit le 27 mars 2002 au ministère de l'intérieur les bulletins de salaires et l'attestation de l'agence d'intérim établissant qu'il n'a perçu au cours de l'année 2001 qu'une somme totale de 3 952,20 euros pour son activité salariée et dont les avis d'imposition ne mentionnent nullement qu'il aurait perçu 8 811 euros de salaires lors des deux années en litige, est fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration, qui ne démontre pas qu'il aurait perçu entre les 2 novembre 1999 et 13 septembre 2001 des salaires d'un montant supérieur à 3 952,20 euros, a déduit de son indemnité une somme de 8 811 euros au titre des salaires perçus au cours de la période d'éviction illégale ; que, par ailleurs, le ministre de l'intérieur, auquel il appartient, s'il l'estime fondé, d'émettre un titre de reversement à l'encontre de M. A, ne saurait lui opposer utilement la circonstance que l'indemnité de sujétions spéciales de police aurait été incluse par erreur dans son indemnisation ; qu'en revanche, si le requérant soutient que le versement tardif de l'indemnité d'éviction lui a causé un préjudice en le privant des ressources nécessaires pour s'installer à Paris lors de sa réintégration au mois de septembre 2001 alors que le remboursement de sa pension d'invalidité lui était réclamé dès le mois d'octobre 2001, il résulte de l'instruction que ce remboursement n'est intervenu effectivement qu'au mois de novembre 2002 et que les difficultés financières auxquelles l'intéressé prétend avoir été confronté lors de son installation à Paris sont la conséquence directe du choix qu'il a fait dès 1994 de s'installer en Savoie et non du retard allégué de l'administration à lui verser son indemnité d'éviction ; qu'enfin, les difficultés qu'aurait rencontrées le requérant pour trouver un emploi pendant sa période d'éviction n'ont pas, à les supposer même établies, pour cause directe l'arrêté illégal du préfet de police du 21 octobre 1999 le plaçant à la retraite d'office et ne sauraient dès lors donner lieu à indemnisation ; qu'il résulte de ce qui précède que M. A est seulement fondé à demander la condamnation de l'Etat à lui verser une somme complémentaire de 4 858,80 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice économique ;
Considérant que M. A soutient, en deuxième lieu, que les frais de transport et de logement occasionnés par sa réintégration sur un poste situé à Paris et qu'il évalue à 8 507,64 euros, doivent être indemnisés dès lors qu'il résultait du jugement du 26 avril 2001 du Tribunal administratif de Paris et de nombreux rapports médicaux qu'il aurait du, compte tenu de son état de santé, être affecté en Savoie où il résidait ;
Considérant, toutefois, qu'il ne résulte ni du jugement du 26 avril 2001 du Tribunal administratif de Paris qui mentionne, en se fondant sur le rapport établi le 25 février 2000 par l'expert médical qu'il avait désigné, que M. A est apte à exercer les fonctions de gardien de la paix d'abord dans un emploi sédentaire aménagé et si possible après mutation dans la région de Chambéry ni du certificat médical établi le 1er octobre 1999 par le docteur Gradel, médecin psychiatre du requérant, indiquant qu'il est tout à fait apte à reprendre ses fonctions à Paris , que l'administration aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en réintégrant le 13 septembre 2001 l'intéressé sur un poste sédentaire aménagé au sein de la police urbaine de proximité du XVI ème arrondissement de Paris ; que les conclusions de M. A tendant à l'indemnisation de ses frais de transport et de logement ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de ce qui a été exposé ci-dessus, et notamment du jugement du 26 avril 2001 du Tribunal administratif de Paris et du rapport établi le 25 février 2000 par l'expert médical qu'il avait désigné, que M. A était apte à reprendre ses fonctions à Paris ; que le préfet de police n'a, par suite, commis aucune faute en ne proposant pas le reclassement du requérant, à l'issue de son congé de longue durée en 1999 et lors de sa réintégration en 2001, sur un poste situé dans la région de Chambéry où il avait fait le choix de résider à partir de 1994 ; que, dans ces conditions, les conclusions de M. A tendant à l'indemnisation à hauteur de 5 000 euros du préjudice que lui aurait causé l'administration en le privant d'une chance de poursuivre sa carrière en Savoie doivent être rejetées ;
Considérant, en quatrième lieu, que M. A qui a été réintégré légalement le 13 septembre 2001 à Paris sur un poste adapté à son état de santé, qui a été placé en congés de maladie ordinaire du 15 au 21 octobre 2001 puis du 12 novembre 2001 au 29 avril 2002, qui ne pouvait prétendre au versement immédiat d'une indemnité d'éviction qu'il n'a demandée que le 25 septembre 2001 et qui ne démontre pas avoir sollicité au cours des deux mois où il était en service des formations qui lui auraient été refusées sans motif, n'établit pas que des agissements fautifs de l'administration seraient à l'origine de la démission qu'il a présentée les 30 novembre et 14 décembre 2001 et qui a été acceptée le 25 avril 2002 ; que, dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'Etat l'aurait contraint à la démission et l'aurait ainsi privé d'une chance de poursuivre sa carrière dans la police nationale, que ses conclusions tendant à l'indemnisation à hauteur de 5 000 euros de ce chef de préjudice doivent par suite être rejetées ;
Considérant, en dernier lieu, que s'il est constant que le préfet de police a illégalement placé M. A à la retraite d'office et lui a ainsi causé, en l'évinçant du service pendant près de deux ans, des troubles dans ses conditions d'existence, il ne résulte pas, en revanche, de l'instruction que l'administration aurait fait preuve, comme le soutient le requérant, de négligences et d'acharnement pour l'empêcher, après l'annulation de la mesure illégale, de reprendre ses fonctions de gardien de la paix dans des conditions compatibles avec son état de santé ; qu'il s'ensuit qu'alors même que le préfet de police l'invitait à limiter à 5 000 euros l'indemnisation de ce chef de préjudice, le tribunal a pu, à bon droit, estimer qu'il serait fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence subis par le requérant en lui allouant une somme de 3 000 euros ; que les conclusions de M. A tendant à l'indemnisation à hauteur de 10 000 euros de ce chef de préjudice doivent par suite être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'indemnité que l'Etat est condamné à verser à M. A doit être portée de 3 000 à 7 858,80 euros ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
Considérant que M. A a droit aux intérêts légaux sur la somme de 7 858,80 euros à compter du 5 octobre 2006, date de la réception par l'administration de sa demande préalable ;
Considérant en outre que M. A a demandé la capitalisation des intérêts dans son mémoire complémentaire enregistré au greffe du tribunal le 22 mai 2008 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, de faire droit à cette demande à compter de cette même date ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : L'indemnité que l'Etat est condamné à verser à M. A est portée de 3 000 à 7 858,80 euros.
Article 2 : L'indemnité mentionnée à l'article 1 portera intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 2006 jusqu'à son paiement effectif. Ces intérêts seront capitalisés à la date du 22 mai 2008 pour porter eux-mêmes intérêts.
Article 3 : L'Etat versera à M. A une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
Article 4 : Le jugement du 18 juin 2009 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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N° 09PA05479