Vu le recours, enregistré le 29 mars 2010, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, qui demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 0511875/2, 0601253/2 du 15 décembre 2009 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a déchargé la société Acazoir du rappel de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 1999 ;
2°) de remettre les impositions litigieuses à la charge de la société Acazoir ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 février 2012 :
- le rapport de M. Magnard, rapporteur,
- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,
- et les observations de Me Guidet, pour la société Acazoir ;
Considérant que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT fait appel du jugement nos 0511875/2, 0601253/2 du 15 décembre 2009 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a déchargé la société Acazoir du rappel de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 1999 ; que la société Acazoir forme pour sa part appel incident de ce même jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes relatives aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée et aux compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt mis à sa charge au titre des années 2000 et 2001 ;
Sur l'appel principal présenté par le ministre, relatif à l'année 1999 :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ; qu'aux termes de l'article L. 169 du même livre : Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la notification de redressements du 17 décembre 2002 a été adressée, sous pli recommandé, à l'adresse que la société Acazoir avait indiquée à l'administration et à laquelle ladite société avait demandé que soit effectuée la vérification de comptabilité ; que ce pli a été réceptionné le 19 décembre 2002 ; que la personne ayant signé l'accusé de réception était l'employée d'une autre société ayant son siège à cette adresse et qui hébergeait la société Acazoir, laquelle ne disposait d'aucun salarié ; qu'il est constant que la personne en cause était amenée à recevoir les différentes personnes pouvant se rendre dans les locaux et avait été dans ce cadre en contact avec le vérificateur ; que, dans ces conditions, et compte tenu des liens professionnels existant entre la société intimée et cette personne, la notification de redressements doit être regardée comme ayant été régulièrement notifiée à la société Acazoir avant le 31 décembre 2002, date d'expiration du délai de reprise afférent à l'année 1999 ; que, par suite, c'est à tort que les premiers juges ont accordé, au motif de l'expiration du délai de reprise, la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt mis à la charge de l'intimée au titre de ladite année ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Acazoir devant le Tribunal administratif de Paris et devant elle ;
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que, dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;
Considérant, d'une part, que l'administration affirme sans être contredite que les frais de transports n'ont été justifiés que par des tickets d'essence, non appuyés de factures, provenant notamment du Var, où la société n'exerce aucune activité, et que les frais de restauration ne peuvent être admis en l'absence de précisions sur les clients concernés et les affaires traitées ; que, dans ces conditions, et en l'absence de justifications complémentaires apportées par la société Acazoir, les dépenses en cause ne peuvent être regardées comme ayant été suffisamment justifiées ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a refusé d'admettre la déductibilité de ces dépenses, ainsi que des dépenses personnelles du dirigeant au sujet desquelles la société Acazoir ne présente d'ailleurs aucune contestation sérieuse ;
Considérant, d'autre part, que la société Acazoir se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, en ce qui concerne les frais de restaurant et de transport en litige, de la mesure de tolérance qui serait contenue dans la réponse à M. Lyautey, député, en date du l8 juillet 1954 ; que, toutefois, les recommandations ainsi contenues dans cette réponse ne constituent pas une interprétation formelle de la loi fiscale opposable à l'administration en vertu des dispositions dudit article ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'administration a remis en cause la déduction en charge exceptionnelle d'une somme de 1 800 000 F au titre de la mise en oeuvre d'une clause de retour à meilleure fortune en faveur de son dirigeant à la suite des abandons de créance consentis par ce dernier en 1995 et 1998 ; qu'il résulte de l'instruction que les conditions de mise en oeuvre de la clause de retour à meilleure fortune telles qu'elles résultent des délibérations du Conseil d'administration antérieures à la constatation de la charge litigieuse n'étaient pas remplies ; qu'en effet, ces délibérations doivent être regardées comme conditionnant le retour à meilleure fortune au rétablissement des capitaux propres, défini tant dans la délibération du 12 octobre 1995 que, contrairement à ce que soutient la société Acazoir, dans la délibération du 28 décembre 1998, comme lié au constat d'un actif net positif atteignant la moitié du capital social ; qu'il n'est pas sérieusement contesté que cette condition ne pouvait être regardée comme remplie ; que l'administration, qui n'a pas changé la base légale du redressement, qui avait d'ailleurs, au cours de la procédure d'imposition, réintégré cette charge au motif que l'intéressée n'avait pas apporté la preuve de sa déductibilité et qui pouvait en tout état de cause, jusqu'à la clôture de la procédure contentieuse, invoquer tout motif nouveau de nature à justifier du
bien-fondé de l'imposition, était en droit d'opposer à la société, dans la décision de rejet de sa réclamation, le motif susmentionné ; que, les conditions de retour à meilleure fortune ne pouvant être regardées comme remplies au titre de l'année 1999, la société Acazoir ne peut se prévaloir de ce que la constatation d'un profit exceptionnel lors de l'abandon de créance dont s'agit justifierait la déduction de la charge correspondante lors du retour à meilleure fortune, ni de l'admission par le vérificateur de la charge constatée sur le même fondement au titre de l'année 2001 ;
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant, en premier lieu, que l'administration a remis en cause l'imputation d'un crédit de taxe non justifié et a rejeté, également pour absence de justifications, le solde à nouveau de la taxe déductible au 1er janvier 1999 ; qu'elle a également refusé la déduction, non étayée par des factures, de la taxe afférente à des dépenses personnelles du dirigeant précisément identifiées et de la taxe afférente à des prestations ne concernant pas la société Acazoir, également identifiées ; qu'enfin, elle a reconstitué la taxe non déclarée à partir des encaissements, calculés à partir du chiffre d'affaires figurant au compte de résultat corrigé des comptes clients ; que les moyens tirés de ce que la taxe sur la valeur ajoutée ne saurait taxer des opérations comptables et de ce que les rappels sont pour la plupart généraux et non individualisés ne sont pas assortis des précisions permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du 1 du I de l'article 271 du code général des impôts : La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération ; que, selon le II de ce même article, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs vendeurs ; que l'article 230 de l'annexe II au même code précise : 1. La taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens et services que les assujettis à cette taxe acquièrent ou qu'ils se livrent à eux-mêmes n'est déductible que si ces biens et services sont nécessaires à l'exploitation (...) ; que, pour les mêmes motifs que ceux précédemment indiqués en matière d'impôt sur les sociétés, la société Acazoir n'est pas fondée à demander la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant tant les dépenses de restaurant et de transport que les dépenses personnelles non admises par le service ;
Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie... ;
Considérant que la vérification de comptabilité a révélé des minorations significatives de chiffre d'affaires et des majorations également significatives de la taxe sur la valeur ajoutée déductible, provenant notamment de l'imputation de crédits de taxe injustifiés ; qu'elle a également révélé la prise en charge par la société Acazoir de nombreuses dépenses de déplacement et de restauration sans lien avec l'activité de l'entreprise, ainsi que de dépenses personnelles du dirigeant ; qu'il suit de là que le service était fondé à mettre à la charge de la société Acazoir les pénalités prévues par les dispositions précitées, alors même que les redressements initiaux ont été partiellement abandonnés ;
Sur l'appel incident de la société Acazoir relatif aux compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle mis à sa charge au titre des années 2001 et 2002 :
Considérant que les conclusions susmentionnées, qui ont été soumises à la Cour après l'expiration du délai d'appel, concernent des impositions différentes de celles sur lesquelles porte le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, recours qui, contrairement à ce qui est soutenu par l'intimée, est expressément limité au rappel de taxe sur la valeur ajoutée et aux compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle mis à la charge de la société Acazoir au titre de l'année 1999 ; qu'elles sont, par suite, irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur l'appel incident de la société Acazoir relatif aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2000 et 2001 :
En ce qui concerne l'étendue du litige :
Considérant que, par une décision du 9 novembre 2011, postérieure à l'introduction du recours, le directeur régional des finances publiques de Paris a prononcé le dégrèvement, à concurrence d'une somme de 1 790 euros, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société Acazoir au titre de l'année 2000 ; que, dans cette mesure, les conclusions de la société Acazoir sont devenues sans objet ;
En ce qui concerne les impositions restant en litige :
Considérant que les moyens dirigés contre les redressements afférents à la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé, au titre des années 2000 et 2001, les dépenses de transport et de restaurant exposées par la société Acazoir ne peuvent qu'être écartés, pour les mêmes motifs que ceux retenus en ce qui concerne l'année 1999 ; qu'il en est de même, en l'absence de précisions supplémentaires, en ce qui concerne le moyen relatif à une facture d'achat de gobelets à whisky sur une liste de mariage ; que, le redressement afférent aux factures de la SARL Développement ayant été abandonné avant la mise en recouvrement de l'imposition litigieuse, la contestation de la société Acazoir relative audit redressement est dépourvue d'objet ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a accordé à la société Acazoir la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 1999 ; qu'il y a lieu de remettre les sommes correspondantes à la charge de la société Acazoir et de rejeter les conclusions de son appel incident ; que les conclusions de la société Acazoir tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par conséquent, être également rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer à concurrence de la somme de 1 790 euros sur les conclusions de la société Acazoir relatives au rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de l'année 2000.
Article 2 : Le rappel de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquels la société Acazoir a été assujettie au titre de l'année 1999 sont remis à la charge de l'intéressée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Acazoir devant la Cour est rejeté.
Article 4 : Le jugement nos 0511875/2, 0601253/2 du 15 décembre 2009 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
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N° 08PA04258
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N° 10PA01591