Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés par télécopie les 16 mars et 6 juin 2011 et régularisés par la production des originaux les 18 mars et 7 juin 2011, présentés pour M. Abdou demeurant ..., par Me Letessier ; M. demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1016566/6-1 du 4 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 juin 2010 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;
2°) de faire droit à l'ensemble des demandes présentées en première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) subsidiairement, de verser cette somme à son conseil, Me Letessier, sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;
...............................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ensemble le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mars 2012 :
- le rapport de Mme Merloz, rapporteur,
- les conclusions de M. Gouès, rapporteur public,
- et les observations de M. ;
Considérant que M. , né en 1966 et de nationalité égyptienne, a sollicité le 26 mars 2010 le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du même code ; que par un arrêté du 3 juin 2010, le préfet de police a opposé un refus à sa demande de renouvellement de titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que M. relève appel du jugement du 4 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ni d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin inspecteur ou le médecin chef peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi du 11 mai 1998, dont sont issues les dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 du même code, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux établis en 2007, 2008, 2009 et 2010 par des praticiens de l'hôpital Lariboisière et de l'hôpital Bichat, que M. , entré en France le 15 février 2002, a été opéré en 2002 à l'hôpital Bichat d'une fracture ouverte de la jambe droite qui s'est compliquée en pseudarthrose septique avec raccourcissement important du membre ; qu'il est également atteint d'un diabète insulinodépendant compliqué d'une ostéoarthrite, d'une insuffisance coronarienne et d'une hépatite C ; qu'il ressort des certificats établis les 1er octobre, 2 novembre et 12 novembre 2010 et de ceux produits en appel les 4 et 29 mars 2011, qui, bien que postérieurs à la décision en litige, révèlent des circonstances de fait existant à la date de cette décision, que ces pathologies s'accompagnent de complications sous forme de rétinopathie diabétique compliquée grave et de décollement de rétine, qui l'exposent, à défaut de prise en charge médicale adaptée, à un risque important de cécité ; que la prise en charge du diabète dont il est atteint et de ses complications justifie un traitement composé de neuf médicaments et des surveillances spécialisées rapprochées ; que, par avis du 28 janvier 2010, le médecin, chef du service médical de la préfecture de police, a estimé que si l'état de santé de M. nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
Considérant que si le préfet de police a produit devant le tribunal des éléments établissant la présence en Egypte de structures médicales susceptibles d'assurer le suivi médical exigé par l'état du requérant et de possibilités de traitements du diabète et des autres pathologies dont il souffre, M. fait cependant valoir que privé de toute possibilité d'emploi et faute de disposer de revenus dans son pays d'origine, il ne pourrait assumer le coût onéreux de ces traitements en Egypte ; qu'il ressort tant de la notification de la décision d'attribution de l'allocation aux adultes handicapés du 5 janvier 2010, émanant de la maison départementale des personnes handicapées de Paris, que des certificats médicaux des 1er et 4 mars 2011 que son état de santé ne lui permet d'exercer ni sa profession de peintre en bâtiment, ni une activité manutentionnaire imposant notamment le port de charges lourdes ; qu'il ressort des documents produits en première instance et en appel que le coût global du traitement médical qui lui est prescrit s'élève à 450 euros par mois, alors que le salaire moyen égyptien s'élève à 100 euros par mois ; que l'amputation de son avant-pied droit nécessite en outre l'achat régulier de chaussures orthopédiques pour un montant de 750 euros environ ; que le préfet de police, qui n'a pas présenté de défense devant la Cour, ne conteste ni cette évaluation, ni l'affirmation selon laquelle l'intéressé ne peut bénéficier dans son pays d'origine d'une aide financière, à quelque titre que ce soit, pour faire face à ces dépenses ; que, par suite, compte tenu de l'absence de revenu de l'intéressé et du coût global de son traitement, M. doit être regardé comme établissant, ainsi qu'il le soutient, ne pouvoir bénéficier effectivement en Egypte d'un accès aux soins que son état de santé nécessite ; que le préfet de police a dès lors méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 juin 2010 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;
Considérant que le requérant, qui a demandé à la Cour de faire droit à l'ensemble des demandes présentées en première instance, doit être regardé comme réitérant en appel les conclusions à fin d'injonction qu'il a présentées devant le Tribunal administratif de Paris ; qu'eu égard aux motifs énoncés ci-dessus et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation de M. se serait modifiée, en droit ou fait, depuis l'intervention de l'arrêté contesté, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance d'un titre de séjour à l'intéressé ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'enjoindre au préfet de police de délivrer à M. , dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, une carte de séjour temporaire en application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que M. Abdou doit être regardé comme demandant de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2000 euros à verser à Me Letessier en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;
Considérant que M. Abdou a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; qu'il n'y a pas lieu, en l'espèce, de faire application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
D E C I D E
Article 1er : Le jugement n° 1016566/6-1 du Tribunal administratif de Paris du 4 février 2011 et l'arrêté du préfet de police du 3 juin 2010 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. une carte de séjour temporaire en application du 11° de l'article L. 313-11 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. est rejeté.
''
''
''
''
2
N° 11PA01359